Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 mai 2020 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2007313 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 mars et 6 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Idchar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 24 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision ne procède pas d'un examen complet de la situation ; le préfet oppose un motif tiré de la condamnation de la société " Le chant du pain " pour travail dissimulé sans tenir compte de son changement d'employeur ; il a porté à la connaissance de la préfecture la conclusion de son nouveau contrat de travail le 17 avril 2020 par un courrier déposé dans l'urne prévue à cet effet, généralisée et imposée aux étrangers durant la période de confinement ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte grave à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte aux écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1977, relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire du 24 mai 2020 refusant de l'admettre au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Loire du 24 mai 2020 :
2. M. B..., entré en France le 23 octobre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité en septembre 2019 la délivrance d'un premier titre de séjour portant soit la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", soit la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles 7 quater et 3 de l'accord franco-tunisien ou, le cas échéant, la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En premier lieu, M. B... soutient que le préfet de la Loire, qui a retenu que son contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de " pâtissier " avait été conclu avec la société " Le chant du pain ", qui avait été précédemment condamnée pour travail dissimulé et, que ledit contrat de travail n'avait pas été visé par les autorités compétentes, n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, dès lors qu'il a démissionné le 16 avril 2020 et a conclu un nouveau contrat de travail avec la société " Le Moulin de Soltane " à compter du 17 avril 2020, ce dont il aurait informé les services préfectoraux. Le requérant n'établit toutefois pas qu'il aurait porté à la connaissance de la préfecture ce nouvel élément avant l'intervention de la décision attaquée, en produisant, sans la preuve de leur envoi et de leur réception en préfecture, des courriers des 20 avril 2020 et 5 juin 2020, le second étant au demeurant postérieur à cette décision. S'il fait valoir qu'il aurait également déposé un courrier pendant la période de confinement dans une urne prévue à cet effet sans obtenir d'accusé réception de cette demande, une telle allégation n'est toutefois corroborée par aucune pièce du dossier.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 3 de cet accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " ". Aux termes de l'article 2.3.3 de l'accord cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et du développement solidaire : " (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié " prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
5. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. D'une part, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire ne pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B... qui sollicitait la régularisation de sa situation administrative en qualité de salarié, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il y a lieu, comme l'a demandé le préfet de la Loire devant le tribunal, de substituer son pouvoir discrétionnaire de régularisation à l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme base légale de la décision de refus de séjour, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de ce pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. D'autre part, le préfet de la Loire a notamment relevé que l'intéressé a toujours la possibilité de retourner dans son pays d'origine et de solliciter auprès des autorités consulaires de son pays un visa de long séjour au titre du travail. La délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation, non seulement d'un contrat de travail revêtu du visa de l'autorité administrative, dont ne justifie pas le requérant, mais également d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, qu'il ne possède pas davantage. Dans ces conditions, le requérant, quand bien même il justifierait comme il le soutient des compétences et de l'expérience nécessaires pour exercer l'emploi de pâtissier qu'il occupe désormais au sein de la société " Le Moulin de Soltane ", n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire, en lui opposant l'absence de tels documents, aurait dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. M. B... est entré récemment en France et ne se prévaut de la présence d'aucun membre de sa famille sur le territoire français. Il dispose nécessairement de fortes attaches dans son pays d'origine et n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement litigieuse aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
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N° 21LY00675