Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... et Mme A... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération en date du 30 janvier 2018 par laquelle le conseil municipal de Cluses a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n°1801986 du 18 août 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 octobre 2020, M. C... D... et Mme A... B... épouse D..., représentés par la SELARL BLT droit public, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2020 ;
2°) d'annuler cette délibération du 30 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Cluses de réviser son plan local d'urbanisme et de classer en zone Ucb les parcelles cadastrées section A n° 1890, 535 et 536, dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cluses la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé, les premiers juges n'ayant pas suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles ils ont écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, au regard notamment de l'avis rendu par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
- le classement en zone agricole des parcelles cadastrées section A n° 1890, 535 et 536 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'avis rendu par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ne peut être regardé comme un avis conforme, dès lors que la consultation de cet organisme n'entrait pas dans les cas visés à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article D. 112-1-23 du même code.
La requête a été communiquée à la commune de Cluses, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2021, le préfet de la Haute-Savoie a présenté ses observations.
La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 décembre 2021, par une ordonnance en date du 15 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Jourda pour les consorts D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 30 janvier 2018, le conseil municipal de la commune de Cluses a approuvé son plan local d'urbanisme. Les consorts D... relèvent appel du jugement du 18 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant selon les requérants le classement en zone agricole de leurs terrains, les premiers juges ont relevé les caractéristiques de ces parcelles et du secteur de la commune dans lequel elles s'insèrent, ainsi que le parti d'urbanisme tenant à la maîtrise de la consommation foncière. Ils ont relevé par ailleurs que ce classement était en adéquation avec l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers du 14 septembre 2017. Alors que les requérants n'ont pas critiqué en première instance l'avis rendu par cette commission, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus d'examiner d'office la légalité de cet avis, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.
Sur la légalité de la délibération du 30 janvier 2018 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / (...) / 2° A la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime lorsque le projet de plan local d'urbanisme couvre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale situés en dehors du périmètre d'un schéma de cohérence territoriale approuvé et a pour conséquence une réduction des surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers ; ". Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un projet d'élaboration, de modification ou de révision d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour conséquence, dans des conditions définies par décret, une réduction substantielle des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou une atteinte substantielle aux conditions de production de l'appellation, l'autorité compétente de l'Etat saisit la commission du projet. Celui-ci ne peut être adopté qu'après avis conforme de cette commission. " Aux termes de l'article D. 112-1-23 alors applicable du même code : " 1 ° Une réduction des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée est considérée comme substantielle lorsqu'elle porte soit sur plus d'un pour cent de l'aire géographique de cette appellation, soit, le cas échéant, sur plus de deux pour cent de l'aire comprise dans le périmètre géographique d'une commune ou, le cas échéant, d'un établissement public de coopération intercommunale. "
4. Il ressort des pièces du dossier que, saisie par le préfet de la Haute-Savoie, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers a émis le 14 septembre 2017 un avis conforme favorable, sous quelques réserves ayant amené les auteurs du PLU à modifier leur projet. Les requérants contestent que les conditions requises pour que l'avis rendu soit conforme, tenant à la réduction substantielle des surfaces affectées à la production AOP Reblochon ou AOP Abondance, étaient réunies.
5. Il ressort des pièces du dossier que le territoire de la commune de Cluses, d'une superficie de 1 045 hectares, se situe dans sa totalité dans l'aire de production des AOP Reblochon et Abondance. Pour déterminer la réduction des surfaces affectées à ces productions, les services de l'Etat ont déterminé tout d'abord les surfaces de la commune affectées à une activité agricole, à partir des surfaces déclarées agricoles au registre parcellaire graphique, soit 80 hectares, mais aussi à partir des surfaces retenues dans la base de données des surfaces agricoles utiles et enfin de visites sur le terrain et analyse de documents photographiques. Ils ont ensuite relevé que, parmi ces terrains, une superficie de 46,5 hectares était classée dans le projet de plan local d'urbanisme en zone U ou AU, soit 4,4% de la superficie de la commune. Si les requérants contestent ces données, celles-ci ne sont contredites par aucun élément. Par ailleurs, pour déterminer la réduction des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée qu'autorise le projet de plan local d'urbanisme, les services de l'Etat ont pu à bon droit retenir les terrains classés par ce PLU en zone U ou AU, peu important que certaines de ces parcelles étaient déjà classées dans de telles zones dans le plan précédent, dès lors qu'elles n'avaient pas effectivement été ouvertes à l'urbanisation. Dans ces conditions, le projet de PLU prévoyant une réduction de plus de 2% des surfaces comprises dans l'aire de production des AOP sur le territoire de la commune et pouvant ainsi avoir des incidences sur l'autonomie fourragère des producteurs, l'avis rendu par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers était, en vertu des dispositions citées au point 3, un avis conforme.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. "
7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section A n° 1890, 535 et 536 en litige, d'une surface totale de 1 990 m², sont vierges de constructions, herbues et plantées de quelques arbres. Elles ne sont ainsi pas dépourvues de potentiel agronomique, quand bien même elles ne sont pas exploitées, leur classement répondant sur ce point à l'avis émis par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Si elles sont situées dans un secteur d'urbanisation diffuse, elles ouvrent vers le nord sur un vaste secteur non urbanisé, constitué de prés et également classé en zone Ap au plan local d'urbanisme. Leur classement en zone agricole répond également aux objectifs des auteurs du plan, qui ont entendu, ainsi qu'il ressort du projet d'aménagement et de développement durable, maîtriser la consommation foncière par une densification de l'urbanisation et la définition de secteurs prioritaires, à l'intérieur de l'enveloppe urbaine, et en excluant l'urbanisation du secteur des coteaux de Châtillon où se situent les parcelles en litige. Par suite, et alors que les requérants ne peuvent utilement contester le classement de leurs parcelles en faisant valoir qu'il empêcherait de fait la construction de bâtiments sur la parcelle les bordant au sud, classée en zone constructible, ce qui n'est au demeurant pas établi, le classement de ces trois parcelles en zone Ap ne procède, en tout état de cause, pas d'une erreur manifeste d'appréciation, sans qu'y fasse obstacle le fait qu'elles sont desservies par les réseaux.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme B... épouse D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... B... épouse D... et à la commune de Cluses.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 20LY02986