Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E..., Mme D... E... et leur fille mineure A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole de Lyon à leur verser la somme de 38 220 euros en indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison de la prise en charge de A... E... par les services de la protection maternelle et infantile.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole de Lyon à lui verser la somme de 22 370,68 euros au titre des débours qu'elle a exposés ainsi que la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1900044 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné la métropole de Lyon, d'une part, à verser à M. et Mme E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille A..., une somme de 12 687,32 euros et à M. et Mme E... agissant en leur nom personnel une somme de 159 euros ainsi qu'une somme de 500 euros chacun, sous déduction de la somme de 17 055 euros versée à titre de provision en application de l'ordonnance n° 1900045 du 23 mai 2019 du juge des référés de ce tribunal, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 9 860,22 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et a rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me Bedois, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1900044 du 3 juillet 2020 en ce que le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes ;
2°) de condamner la métropole de Lyon à leur verser, en qualité de représentants légaux de leur fille mineure A..., la somme de 28 770,64 euros, et, en leur nom propre, la somme de 85 000 euros chacun, sous déduction de la provision de 17 055 euros accordée par l'ordonnance du 23 mai 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;
3°) subsidiairement, de réserver le préjudice moral d'affection et d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'instruction sous la forme d'un avis technique, sur le fondement de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, tendant à évaluer le taux de perte de chance subie par leur fille A... ;
4°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon, outre les dépens, la somme de 3 000 euros, à verser à chacun d'eux, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- ils ne contestent pas le jugement en ce qu'il a reconnu que la responsabilité de la métropole de Lyon était engagée à raison d'une faute commise dans le suivi de leur enfant, à l'origine d'un retard dans le diagnostic d'une luxation congénitale de la hanche gauche ;
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, le retard fautif de diagnostic n'a pas fait perdre à l'enfant une chance de 50 % d'obtenir une évolution favorable de son affection, l'ampleur de la chance perdue étant, telle qu'elle résulte du rapport d'expertise, supérieure à ce taux ; le taux de perte de chance doit être fixé à 90 % ;
- ils ont droit, en ce qui concerne les préjudices temporaires subis par leur fille A..., et compte tenu d'un taux de perte de chance de 90 %, à :
* la somme de 13 740,64 euros au titre des besoins d'assistance par tierce personne, en tenant compte d'un taux horaire de 18 euros ;
* la somme de 3 780 euros au titre des souffrances endurées ;
* la somme de 3 600 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* la somme de 7 650 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi jusqu'au 14 mai 2018 ;
- ils ont droit, en ce qui concerne leurs préjudices propres, et compte tenu d'un taux de perte de chance de 90 %, à :
* la somme de 286,20 euros au titre des frais de déplacement à la clinique du Val Ouest et au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ;
* la somme de 80 000 euros chacun en ce qui concerne le préjudice d'affection qu'ils ont subi ;
* la somme de 5 000 euros chacun au titre des troubles dans les conditions d'existence liés aux bouleversements dans leur vie quotidienne du fait de la pathologie de leur enfant.
Par des mémoires enregistrés le 11 février 2021 et le 21 septembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me Philip de Laborie, demande à la cour :
1°) de condamner la métropole de Lyon à lui verser la somme de 20 133,61 euros au titre des prestations servies, assortie des intérêts au taux légal à compter de la première demande, eux-mêmes capitalisés, ainsi que la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le taux de perte de chance subi par l'enfant doit être évalué à 90 % ;
- les prestations qu'elle a servies pour le compte de la jeune A... en lien avec le retard fautif de diagnostic s'élèvent à la somme de 22 370,68 euros, soit 20 133,61 euros compte tenu du taux de perte de chance de 90 % ; les frais d'orthophonie inclus sont en rapport avec la faute commise par la métropole de Lyon.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2021, la métropole de Lyon, représentée par Me Deygas, conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce que l'indemnité allouée à M. et Mme E... ne saurait excéder la somme totale de 8 400 euros.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. et Mme E... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ne sont pas fondés ;
- les indemnités allouées à M. et Mme E..., au titre des préjudices subis par leur enfant, ne sauraient excéder :
* la somme de 4 114 euros au titre de l'aide temporaire par une tierce personne ;
* la somme de 1 750 euros au titre des souffrances endurées ;
* la somme de 250 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* la somme de 2 286 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- l'indemnisation du préjudice moral subi par les requérants est prématurée ;
- l'indemnisation de troubles dans les conditions d'existence invoqués par M. et Mme E... revient à indemniser une seconde fois le préjudice moral.
Par une décision du 15 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a classé sans suite la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. et Mme E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Mme E..., et de Me Leroy, représentant la métropole de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. A... E..., née le 12 septembre 2014, a fait l'objet à partir du 29 octobre 2014 d'un suivi pédiatrique périodique par le service de la protection maternelle et infantile de Bron. L'enfant, qui présentait une boiterie à la marche, s'est vue diagnostiquer le 7 juillet 2016, à l'âge de vingt-deux mois, une luxation congénitale de la hanche gauche nécessitant une prise en charge orthopédique et chirurgicale. Saisi par M. et Mme E..., le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise confiée au docteur C..., pédiatre réanimateur. A la suite du déport par l'expert de son rapport, M. et Mme E..., en leurs noms propres et en leur qualité de représentants légaux de la jeune A..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la métropole de Lyon à les indemniser des préjudices résultant de la prise en charge de leur fille par les services de la protection maternelle et infantile de Bron. Par un jugement du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a retenu que les services de la protection maternelle et infantile avaient commis un retard dans le diagnostic de luxation congénitale de la hanche de l'enfant, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la métropole de Lyon à hauteur de 50 % des préjudices subis par les intéressés et a, en conséquence, condamné la métropole de Lyon, d'une part, à verser à M. et Mme E... une somme de 12 687,32 euros au titre des préjudices temporaires subis par leur fille A..., et une somme de 1 159 euros au titre de leurs préjudices propres, sous déduction de la somme de 17 055 euros accordée à titre de provision par une ordonnance du 23 mai 2019 du juge des référés de ce même tribunal, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 9 860,22 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement en vue d'obtenir la majoration des sommes qui leur ont été allouées. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône demande que le montant de l'indemnité allouée par le tribunal administratif au titre de ses débours soit porté à 20 133,61 euros. La métropole de Lyon, qui ne conteste pas que sa responsabilité est engagée à raison d'un retard fautif de diagnostic, conclut au rejet de la requête d'appel et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnité totale allouée à M. et Mme E... soit ramenée à la somme de 8 400 euros.
Sur la responsabilité de la métropole de Lyon :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 3641-2 du code général des collectivités territoriales : " La métropole de Lyon exerce de plein droit les compétences que les lois, dans leurs dispositions non contraires au présent titre, attribuent au département ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2112-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les compétences dévolues au département par l'article L. 1423-1 et par l'article L. 2111-2 sont exercées, sous l'autorité et la responsabilité du président du conseil général, par le service départemental de protection maternelle et infantile qui est un service non personnalisé du département. Ce service est dirigé par un médecin et comprend des personnels qualifiés notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique (...) ". Aux termes de l'article L. 2112-2 de ce code : " Le président du conseil départemental a pour mission d'organiser : (...) 2° Des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans (...) ". Aux termes de l'article R. 2112-3 du même code : " Les actions médico-sociales mentionnées au 2° (...) de l'article L. 2112-2 et concernant les enfants de moins de six ans ont notamment pour objet d'assurer, grâce aux consultations et aux examens préventifs des enfants pratiqués notamment en école maternelle, la surveillance de la croissance staturo-pondérale et du développement physique, psychomoteur et affectif de l'enfant ainsi que le dépistage précoce des anomalies ou déficiences et la pratique des vaccinations. " Aux termes de l'article L. 1142-1 de ce code : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
4. Il n'est pas contesté en appel que le diagnostic tardif, à l'âge seulement de vingt-deux mois, de la luxation congénitale de la hanche gauche de A... E..., alors que les règles de l'art recommandent un dépistage précoce, avant l'âge de la marche, constitue une faute commise par les services de la protection maternelle et infantile de Bron, placés sous l'autorité du président de la métropole de Lyon, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 2111-2 du code de la santé publique et de l'article L. 3641-2 du code général des collectivités territoriales, de nature à engager la responsabilité de la métropole de Lyon.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne le taux de perte de chance :
5. M. et Mme E..., qui soutenaient, en première instance, que le retard fautif de diagnostic de la luxation congénitale de la hanche de leur enfant a été à l'origine d'une perte de chance de guérison sans séquelles de 50 %, font désormais valoir en appel que l'ampleur de la chance perdue s'élève à 90 %.
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise judiciaire, que, pour éviter les risques de complication, le diagnostic de luxation congénitale de la hanche doit être posé le plus précocement possible, ce qui justifie que les règles de l'art imposent un examen clinique systématique lors des consultations du nourrisson. Si, selon les indications fournies par l'expert, le diagnostic de luxation est posé rapidement après la naissance, il est observé une évolution spontanée vers la guérison dans la moitié des cas et, dans les autres cas, une évolution souvent favorable acquise par un traitement orthopédique. En revanche, lorsque, comme en l'espèce, la luxation n'a pas été diagnostiquée avant l'acquisition de la marche par l'enfant, et n'a pas connu une évolution spontanément favorable, celle-ci va évoluer vers une boiterie dès le début de la marche puis nécessiter une prise en charge thérapeutique plus lourde, notamment chirurgicale, avec le risque de conserver des séquelles fonctionnelles et de subir une atteinte dégénérative précoce. L'expert relève que le diagnostic tardif est, en l'espèce, à l'origine d'une perte de chance de guérison " d'au moins 50 % ", sans autre précision. Dès lors, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'une prise en charge précoce de la luxation permet le plus souvent d'observer une évolution très favorable, qu'elle soit spontanée, dans la moitié des cas, ou après un traitement orthopédique, le retard de diagnostic a fait perdre à A... E... une chance de guérison qu'il y a lieu d'évaluer, au vu de l'ensemble de ces éléments, à 70 %.
En ce qui concerne les préjudices de l'enfant A... E... :
S'agissant de l'aide d'une tierce personne :
7. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
8. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de A... E... en lien avec la luxation congénitale de sa hanche gauche, a requis une prise en charge adaptée, non spécialisée, évaluée, en sus des besoins usuels d'un enfant en fonction de son âge, à deux heures par jour du 22 septembre 2016 au 6 février 2017 et du 18 février 2017 au 11 septembre 2017, soit durant une période totale de 344 jours au cours de laquelle l'enfant a été immobilisée par un plâtre puis un harnais. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins, contrairement à ce que soutient la métropole de Lyon, sur la base d'une année de 412 jours. L'aide nécessaire se limitant à accompagner les gestes de la vie quotidienne, les premiers juges ont fait une appréciation du préjudice subi qui n'est ni insuffisante ni exagérée, en l'indemnisant, pour la période considérée, sur la base d'un taux horaire moyen de 14 euros, compte tenu des cotisations dues par l'employeur et des majorations de rémunération pour travail du dimanche.
9. D'autre part, il résulte également de l'expertise que A... E... a eu besoin, entre le 12 septembre 2017 et le 31 décembre 2017, soit durant 16 semaines, d'être assistée par une tierce personne à raison de quatre heures par semaine. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. L'aide apportée par une tierce personne consistant en une aide qui peut être fournie par un personnel non spécialisé, l'indemnité doit être calculée à partir d'un taux horaire de 13,66 euros, correspondant au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré des cotisations sociales en 2017, et non, comme le fait valoir à juste titre la métropole de Lyon, à partir d'un taux horaire de 14 euros, tel que retenu par les premiers juges, dès lors que l'aide apportée en semaine pour la période considérée ne nécessite pas que soit appliquée une majoration de rémunération pour travail du dimanche.
10. Il suit de là que, compte tenu du taux de perte de chance retenu au point 6, il y a lieu de fixer la somme due à M. et Mme E... au titre de ce préjudice à 8 301,37 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
11. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que l'enfant a subi, en lien avec le retard fautif de diagnostic, un déficit fonctionnel temporaire total du 28 août 2016 au 21 septembre 2016, soit durant 24 jours, de 75 % du 22 septembre 2016 au 6 février 2017, soit durant 138 jours, total du 7 février 2017 au 17 février 2017, soit durant 11 jours, de 75 % du 18 février 2017 au 11 septembre 2017, soit durant 206 jours, de 50 % du 12 septembre 2017 au 31 décembre 2017, soit durant 111 jours, puis de 25 % du 1er janvier 2018 au 14 mai 2018, date des opérations de l'expertise, soit durant 134 jours. M. et Mme E... demandent expressément que le déficit fonctionnel temporaire subi ne soit pas indemnisé au-delà de cette dernière date. En allouant à M. et Mme E..., après application du taux de perte de chance, une indemnité de 4 250 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par A... sur cette période, les premiers juges ont fait une évaluation exagérée de ce chef de préjudice, ainsi que le soutient la métropole. En se fondant sur un taux de 13 euros par jour, soit un montant mensuel de 400 euros, il y a lieu de ramener à la somme arrondie de 3 500 euros le montant de l'indemnité allouée à ce titre, compte tenu du taux de perte de chance de 70 %.
Quant aux souffrances endurées :
12. Les souffrances endurées par A... E... ont été estimées par l'expert à 3 sur une échelle de 7 et ont été justement appréciées par les premiers juges en en fixant l'indemnisation à la somme de 4 000 euros. Contrairement à ce que soutient la métropole de Lyon, il appartient à la cour, même en l'absence de consolidation de l'état de santé de la victime, de procéder à la réparation de l'ensemble des conséquences, d'ores et déjà acquises à la date de l'arrêt, de la faute commise par la métropole, ce qui inclut les préjudices temporaires déjà subis par l'intéressée, au nombre desquels figurent les souffrances éprouvées par l'enfant. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu d'allouer à M. et Mme E... la somme de 2 800 euros à ce titre.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
13. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard fautif de diagnostic de la luxation congénitale de la hanche gauche de l'enfant a nécessité un traitement par traction, la pose de plâtres et d'attelles durant près d'un an, puis une intervention chirurgicale, à la suite de laquelle l'enfant conserve une cicatrice. En outre, il résulte également du rapport d'expertise que, compte du mauvais état de la hanche de l'enfant, celle-ci présente une boiterie lors de la marche. L'expert a estimé ce préjudice à 3 sur une échelle de 7. Au vu de ces éléments, il y a lieu de porter l'indemnité allouée à M. et Mme E... au titre du préjudice esthétique temporaire subi par A... E... à la somme de 2 500 euros, compte tenu du taux de perte de chance.
En ce qui concerne les préjudices de M. et Mme E... :
Quant aux frais divers :
14. Il n'est pas contesté que M. et Mme E... ont exposé des frais de déplacement à hauteur de la somme totale de 318 euros pour se rendre au chevet de leur fille à la clinique du Val d'Ouest (Ecully) et au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de fixer l'indemnité due au titre de ces frais à la somme de 223 euros.
Quant au préjudice d'affection :
15. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection des parents de A... en l'évaluant, pour chacun d'eux, à la somme de 1 000 euros, avant application du taux de perte de chance. Compte tenu du taux de perte de chance retenu au point 6, il y a lieu de porter à 700 euros la somme allouée à chacun des parents au titre du préjudice.
Quant au préjudice d'accompagnement :
16. Si M. et Mme E... se prévalent d'une fatigabilité accrue de leur enfant du fait de sa pathologie et font valoir qu'ils doivent l'accompagner à des rendez-vous médicaux, ils ne justifient pas de la réalité de bouleversements dans leur mode de vie au quotidien. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :
17. Il résulte des écritures de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, du relevé de ses débours et de l'attestation d'imputabilité établie le 27 février 2020 par son médecin conseil, qu'elle justifie avoir déboursé, lien direct avec la faute commise, des frais d'hospitalisation à hauteur de 8 101,02 euros, d'imagerie médicale à hauteur de 970,28 euros, de séances de kinésithérapie à hauteur de 1 915,63 euros, de consultations et d'actes médicaux à hauteur de 1 156,68 euros, de transport à hauteur de 7 534,54 euros et enfin des frais pharmaceutiques à hauteur de 42,29 euros. Si l'expert indique que les hospitalisations de l'enfant et l'immobilisation de sa hanche ont engendré un retard de développement psychomoteur, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des seules indications fournies par l'expert et non circonstanciées sur ce point, que les séances d'orthophonie suivies par la jeune A... seraient directement et certainement imputables au diagnostic tardif d'une luxation congénitale de la hanche. La caisse primaire d'assurance maladie n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont exclu les prestations versées à ce titre comme n'étant pas exclusivement imputables à la faute commise. Dès lors, compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, il y a lieu de porter le montant des débours de la caisse primaire d'assurance maladie dus par la métropole de Lyon à la somme de 13 804,31 euros.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir avant dire droit à un avis technique sur le fondement de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, que M. et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à 12 687,32 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer les préjudices subis par leur fille A... et à 1 159 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer leurs préjudices propres et que ces indemnités doivent être portées respectivement aux sommes de 17 101,37 euros et de 1 623 euros, desquelles il convient de déduire la provision de 17 055 euros accordée par une ordonnance du 23 mai 2019 du juge des référés de ce tribunal. L'indemnité que la métropole de Lyon est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de ses débours doit être portée à la somme de 13 804,31 euros.
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
19. En application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion, et compte tenu de la majoration du montant des sommes dont la caisse a obtenu le remboursement, il y a lieu de porter à 1 114 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui a été allouée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à laquelle elle a droit.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
20. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 13 804,31 euros qui lui est due à compter du 4 mars 2020, date d'enregistrement de son mémoire au greffe du tribunal administratif de Lyon demandant pour la première fois le versement des intérêts. Elle a, en outre, demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire du 11 février 2021. Il y a lieu, par suite, de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 4 mars 2021, date à laquelle a été due au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais liés au litige :
21. D'une part, il y a lieu de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 24 juillet 2018, à la charge de la métropole de Lyon.
22. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme E... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 12 687,32 euros que la métropole de Lyon a été condamnée à verser à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants de leur fille mineure A... E..., par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 juillet 2020 est portée à la somme de 17 101,37 euros.
Article 2 : La somme de 1 159 euros que la métropole de Lyon a été condamnée à verser à M. et Mme E..., en leur nom propre, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 juillet 2020 est portée à la somme de 1 623 euros.
Article 3 : La provision de 17 055 euros accordée à M. et Mme E... par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 23 mai 2019 devra être déduite des sommes mentionnées aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : La somme de 9 860,22 euros que la métropole de Lyon a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en remboursement de ses débours est portée à la somme de 13 804,31 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2020. Les intérêts échus à la date du 4 mars 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : La somme de 1 091 euros que la métropole de Lyon a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1 114 euros.
Article 6 : Le jugement n°1900044 du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Lyon, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, sont laissés à la charge de la métropole de Lyon.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme D... E..., à la métropole de Lyon et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 20LY02568