Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois.
Par un jugement n° 2001163 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2021 et un mémoire enregistré le 29 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Idchar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 313-14 de ce code ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2021, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse B..., ressortissante algérienne née le 27 décembre 1984, est entrée en France le 18 novembre 2014, accompagnée de son fils mineur, A.... Le 13 mars 2015, Mme B... a déposé une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son enfant. Par un arrêté du 25 mars 2015, le préfet de la Loire lui a refusé le séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Elle a de nouveau déposé une demande de titre de séjour sur le même fondement le 28 juin 2016. Par un arrêté du 13 juillet 2017, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon et par une ordonnance du président de cette cour, le préfet de la Loire a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 22 janvier 2020, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 juillet 2020, le préfet de la Haute-Loire, au titre de son pouvoir général de régularisation, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois. Mme B... relève appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'accord franco-algérien régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France.
3. En deuxième lieu, il n'apparaît pas que Mme B... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet de la Haute-Loire, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné sa demande au regard de ces dernières stipulations. Par suite, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de celles-ci à l'appui de sa contestation du refus qui lui a été opposé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2014 avec son fils A..., né le 3 septembre 2012, souffrant de scaphocéphalie et de crises d'épilepsie, et dont l'état de santé requiert des soins dont il ne peut bénéficier dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé du 2 décembre 2016, rendu après que celui-ci a sollicité un avis spécialisé, que si l'état de santé du jeune A... requiert une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier en Algérie, de façon effective, de soins appropriés dans ce pays, à destination duquel il peut voyager sans risque. Le jeune A..., qui souffre d'une malformation crânienne, a subi, le 22 mars 2015, une cranioplastie à l'hôpital femme-mère-enfant de Bron. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 24 novembre 2016 établi par un neurochirurgien, qu'à la suite de cette intervention, les soins requis par l'état de santé de l'enfant consistent en une surveillance et des consultations neurochirurgicales régulières au cours de sa croissance. Eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ni ce certificat médical ni celui établi le 23 mai 2017 par un médecin généraliste, ne sont de nature à démontrer que ce suivi ne pourrait pas être réalisé en Algérie. Au demeurant, le scanner cérébral pratiqué le 17 mai 2021 indique que l'enfant ne présente pas de signe d'hypertension intracrânienne. Il n'est pas soutenu que l'enfant aurait connu de nouvelles crises d'épilepsie postérieurement à la cranioplastie qu'il a subie. S'il ressort des pièces du dossier que le jeune A... est par ailleurs suivi pour des troubles du comportement et une hyperactivité, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette pathologie ne pourrait pas être traitée dans son pays d'origine. Si Mme B... fait valoir que son fils doit subir au cours de l'année 2022 une intervention chirurgicale, dont elle ne précise d'ailleurs pas la teneur, cette circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans influence sur sa légalité. En outre, si la requérante indique que plusieurs membres de sa famille vivent en France, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et où elle avait elle-même mentionné à l'appui de ses précédentes demandes de titres de séjour, que quatre de ses frères et sœurs résident. La requérante, qui n'indique pas être séparée de son époux, n'établit pas, ni même ne soutient, que celui-ci résiderait régulièrement sur le territoire français. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale de Mme B... se reconstitue en Algérie, avec les trois enfants mineurs du couple, âgés de sept ans, deux ans et de quelques jours à la date de l'arrêté contesté, alors même que les deux plus jeunes de ses enfants sont nés sur le territoire français. Il n'est pas établi que, compte tenu de son âge, A... ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Algérie. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Haute-Loire, dont la décision opposée à la requérante n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses enfants, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ceux-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a davantage pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....
6. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. En l'espèce, pour les motifs qui ont été exposés au point 5, le préfet de la Haute-Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B... en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressé au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 21LY01309