Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A..., agissant en son nom propre et en tant que représentante légale de M. C... A..., son neveu mineur, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à C... A... la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur et d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à C... A... dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2001989 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2021, Mme A..., agissant en son nom propre et en tant que représentante légale de M. C... A..., son neveu mineur, représentée par Me Bey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de délivrance du document de circulation pour étranger mineur sollicitée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à C... A... dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision préfectorale est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- le refus de délivrance du document de circulation pour étranger mineur a été pris en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été régulièrement communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'écritures en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante française, s'est vue confier son neveu, le jeune C... ressortissant algérien mineur, par décision de kafala judiciaire rendue par acte du 12 juin 2018 par le tribunal d'Oran, déclarée exécutoire par jugement du tribunal de grande instance de Lyon le 27 mars 2019. Mme A... a sollicité le 7 octobre 2019, auprès de la préfecture du Rhône, la délivrance au jeune C... d'un document de circulation pour étranger mineur. Par une décision du 10 décembre 2019, le préfet du Rhône a rejeté cette demande. La requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision préfectorale.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, il ne ressort pas de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges se seraient bornés à répondre de manière lacunaire aux moyens soulevés au soutien de la demande. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur la légalité de la décision préfectorale :
3. D'une part, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après : / a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence de dix ans ou du certificat d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre de regroupement familial ; / b) Le mineur qui justifie, par tous moyens, avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins six ans ; / c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; / d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier d'un document de circulation, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
5. Il n'est pas contesté que le jeune C... ne remplissait pas les conditions fixées par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien relatives à la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur. Il y a donc lieu d'examiner dans quelle mesure le préfet du Rhône, saisi d'une demande présentée à titre dérogatoire, pouvait, sans méconnaître l'intérêt supérieur de l'enfant, s'abstenir de lui délivrer ce document.
6. La requérante soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée en reprochant au préfet de ne pas démontrer en quoi l'instruction du dossier n'aurait pas révélé l'impossibilité pour les parents du jeune C... d'entreprendre eux-mêmes un déplacement vers la France pour lui rendre visite et maintenir un lien. Toutefois, le préfet a suffisamment motivé sa décision en énonçant les éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé, et notamment en rappelant le principe énoncé dans la décision du Conseil d'Etat n° 351906 du 3 octobre 2012 et en indiquant que les parents de l'enfant ne justifiaient pas de l'impossibilité de venir lui rendre visite en France et que l'enfant lui-même n'était pas empêché de voyager en Algérie et de revenir ensuite auprès de sa tante en sollicitant un visa de retour. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, tel que formulé par la requérante, doit être écarté comme manquant en fait.
7. Aucun élément versé au dossier n'est de nature à démontrer que le maintien du lien familial rendrait nécessaire la possibilité pour C... d'effectuer des voyages réguliers entre la France et l'Algérie, son pays d'origine, à une fréquence telle que la délivrance d'un document de circulation serait impérative, et que les membres de sa famille demeurant en Algérie auraient été dans l'impossibilité d'obtenir un visa pour se rendre en France et le visiter. Par suite, en se bornant à soutenir, sans l'établir, qu'obtenir un visa pour revenir en France serait particulièrement difficile, que les difficultés liées à la crise sanitaire et le coût d'un tel déplacement serait trop élevé pour une famille entière venant d'Algérie, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône, aurait entaché sa décision d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Pour les mêmes motifs, le préfet du Rhône, en refusant la délivrance du document de circulation sollicité, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle de l'intéressé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 21LY01335