Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'annuler les décisions du 8 juillet 2020 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans ;
- d'annuler la décision du 31 juillet 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire l'a assignée à résidence durant six mois ;
- d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire salarié à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions ;
- de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2002318 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2021, Mme A..., représentée par Me N'Diaye, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 27 avril 2021 du tribunal administratif de Dijon et les décisions précitées du 8 juillet 2020 du préfet de Saône-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans ainsi que la décision du 31 juillet 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire l'a assignée à résidence durant six mois ;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un récépissé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
. elle se réserve tout moyen relatif à la compétence de l'auteur de l'acte et il est demandé au préfet de justifier de cette compétence ;
. elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire :
. elle n'est pas motivée ;
. elle est entachée d'une erreur de droit pour n'être pas fondée sur la nature et l'ancienneté de ses liens en France ;
. elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le préfet ne démontre pas le défaut d'authenticité des actes qu'elle a produits pour établir son identité et qu'il n'existe pas un risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement compte tenu de sa situation personnelle ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
. elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
. elle a développé des liens sociaux en France principalement par le biais de son travail, elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et elle n'a plus d'attaches au Mali ;
- en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
. elle est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine de la commission des expulsions en vertu des dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. elle est insuffisamment motivée ;
. elle est entachée d'une erreur de droit en ne se prononçant pas sur les quatre critères prévus ;
. elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
. elle est entachée d'un détournement de procédure ;
. l'obligation de présentation est disproportionnée, porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir, et à son droit au respect de la vie privée.
Par une décision du 7 juillet 2021, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Rivière.
Considérant ce qui suit :
1. Par des décisions du 8 juillet 2020, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de délivrer un titre de séjour en application des articles L. 313-15 et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à Mme B... A..., ressortissante malienne, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans. Puis, par une décision du 31 juillet 2020, le préfet de Saône-et-Loire a assigné à résidence l'intéressée durant six mois. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 8 juillet 2020 en tant qu'elles emportent obligation de quitter le territoire français, fixation du pays à destination et interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans ainsi que la décision du 31 juillet 2020 l'assignant à résidence. Par un jugement n° 2002318 du 27 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Mme A... n'a pas, comme en première instance, présenté de conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, les moyens qu'elle soulève à l'appui de sa requête sont inopérants en ce qui concerne ces deux décisions et doivent être écartés dans cette mesure.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée irrégulièrement en France le 16 septembre 2018. Elle est célibataire et sans enfant. Elle ne démontre pas entretenir des liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en France. Si elle se prévaut de sa relation avec un compatriote, titulaire d'un récépissé de demande de carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " valable du 6 mai au 5 juin 2021 et d'un contrat en apprentissage en maçonnerie dans le cadre d'un diplôme " technicien du bâtiment organisation ", qui est le père de leur enfant né le 30 avril 2021, soit postérieurement à la décision attaquée, elle ne justifie pas de l'ancienneté de cette relation à la date de cette décision. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressée, et bien qu'elle justifie suivre la formation pour obtenir le certificat d'aptitude professionnel hôtellerie (commercialisation et services en HCR), la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnait dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.
7. D'une part, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise pour l'application de la décision portant refus de séjour et cette dernière n'en constitue pas la base légale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.
8. D'autre part, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale.
9. En second lieu, en soutenant qu'elle a développé des liens sociaux en France principalement à l'occasion de son travail, qu'elle n'a jamais fait l'objet de mesure d'éloignement et qu'elle n'a plus d'attaches au Mali, Mme A... ne démontre pas, au demeurant en invoquant l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2018, que la décision contestée est entachée d'illégalité.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée de la saisine de la commission des expulsions doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est intervenue au terme d'un examen mobilisant l'ensemble des critères prévus par l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est donc pas entachée d'une erreur de droit.
13. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
14. En premier lieu, le détournement de procédure allégué n'est pas établi, la décision attaquée ayant été prise notamment au regard des garanties de représentation de l'intéressée, en particulier au regard de la disposition d'une adresse stable.
15. En second lieu, la requérante ne démontre pas que l'obligation de présentation quotidienne, samedi, dimanche, jours fériés ou chômés compris, à 9h00 au commissariat de police de Mâcon est disproportionnée, porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir, et à son droit au respect de la vie privée.
16. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
17. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, présidente-assesseure,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
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N° 21LY01710