Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Grenoble à lui verser une somme globale de 56 283,20 euros, assortie des intérêts au taux légal et leur capitalisation.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Grenoble à lui verser la somme de 62 005,93 euros ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 055 euros.
Par un jugement n° 1700299 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 21 et 25 mai 2021, Mme B... A..., représentée par Me Grangeon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700299 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser les sommes suivantes :
- Frais d'assistance tierce personne temporaire 10 575 €
- Frais d'assistance tierce personne permanent 7 800 et 8 645 €
- Frais vestimentaires 180,21 €
- Déficit fonctionnel temporaire 2 701,25 €
- Souffrances endurées 7 000 €
- Préjudice esthétique temporaire 2 000 €
- Déficit fonctionnel permanent 8 500 €
- Préjudice esthétique permanent 1 000 €
Lesquelles sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2015 et capitalisées.
3°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'existence d'un défaut d'entretien normal du parking que la commune de Grenoble, propriétaire majoritaire des box de garage, gère de fait dès lors que le lien causal entre la flaque d'huile et la chute est établi, que le couloir est insuffisamment éclairé, que plusieurs témoins attestent du manque d'entretien courant du parking, que le nettoyage de la flaque d'huile a ainsi pris du temps et qu'elle n'a commis aucune imprudence, la flaque ne pouvant être contournée ;
- elle a donc droit à la réparation des préjudices subis du fait de sa chute.
Par deux mémoires, enregistrés les 29 avril et 9 juin 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, agissant au nom et pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, représentée par Me Rognerud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700299 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser la somme de 56 455,35 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2017 et leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Grenoble engage sa responsabilité pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public tenant à un nettoyage insuffisant du couloir et un éclairage défaillant ;
- elle est en droit d'obtenir le remboursement des prestations servies à la victime, dûment justifiées par un relevé et une attestation d'imputabilité de son médecin-conseil.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 décembre 2020 et le 24 mai 2021, la commune de Grenoble, représentée par Me Ligas-Raymond, conclut au rejet des demandes de Mme A... et de la CPAM du Rhône et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a estimé qu'il n'y avait pas de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, dès lors que le parking est régulièrement entretenu par une société de nettoyage et qu'elle n'a pas été alertée de la présence de la flaque d'huile avant la chute ; la victime a fait preuve d'un manque de vigilance dans le contournement de cette flaque ;
- les demandes indemnitaires formulées devront être réduites à de plus justes proportions ;
- la créance de la CPAM n'est pas suffisamment détaillée.
Un mémoire, enregistré le 24 juin 2021, pour la commune de Grenoble n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Par lettre du 10 février 2022 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative à connaitre des conclusions indemnitaires de Mme A... et de la CPAM du Rhône dès lors que l'immeuble de garage ne constitue pas un ouvrage public.
Par un mémoire enregistré le 21 février 2022, Mme A... a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, la commune de Grenoble a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vigié, sustituant Me Ligas-Raymond, avocat de la commune de Grenoble.
Considérant ce qui suit :
1. Le lundi 23 février 2015, vers huit heures trente, Mme B... A..., née le 19 septembre 1925, déclare avoir fait une chute dans le parking " silo 3 " situé aux abords de la galerie de l'Arlequin, dans le quartier de la Villeneuve, à Grenoble, du fait de la présence d'une flaque d'huile. Par jugement du 30 juin 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Grenoble l'indemnise de son préjudice. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère présente des conclusions tendant à être remboursée des dépens exposés pour Mme A....
2. Les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu'elles sont fixées par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, les locaux d'une personne publique situés dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n'appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public, même s'ils sont utilisés pour les besoins d'un service public. Les dommages qui trouveraient leur origine dans l'aménagement ou l'entretien de ces locaux ne sont donc pas des dommages de travaux publics.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division du groupe " parkings silo 3 " établis selon acte authentique du 21 avril 1978, que le couloir dans lequel Mme A... a été victime d'une chute du fait de la présence d'une flaque d'huile constitue une des parties communes de la copropriété de cet immeuble et ne saurait donc être regardé comme un ouvrage public appartenant à la commune de Grenoble, alors même que la requérante fait valoir qu'aucune assemblée générale des copropriétaires ne s'est tenue, qu'aucun syndic n'a été désigné et que la commune, propriétaire majoritaire des lots de cette copropriété, s'est comportée comme seul gestionnaire de l'immeuble. Par suite, l'autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme A... et de la CPAM du Rhône fondées sur les règles de la responsabilité issues du code civil.
4. Il s'ensuit que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble s'est prononcé au fond sur les demandes de Mme A... et de la CPAM. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par voie d'évocation, de rejeter leurs demandes comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700299 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mme A... et de la CPAM du Rhône sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la succession de Mme B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la commune de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
Le rapporteur,
J.-P. GayrardLe président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 20LY02573 2