Vu la procédure suivante :
Par un arrêt avant dire droit du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Lim SAS, à concurrence du montant de 29 916 euros dont le remboursement lui a été accordé au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle disposait à l'expiration de l'année 2015 (article 1er), et rejeté la requête de la société Lim SAS en tant qu'elle demandait le remboursement immédiat des sommes de 18 253 euros et 31 100 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi déclaré par elle au titre des années 2013 et 2014 (article 2), a procédé, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant au remboursement des sommes de 196 627 euros, 120 939 euros et 30 859 euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont la société estimait disposer respectivement à l'expiration des années 2012, 2013 et 2014, à un supplément d'instruction tendant à la production, par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, d'un avis technique du ministre chargé de la recherche sur la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte par la société Lim SAS pour le calcul de son crédit d'impôt recherche au titre des années 2012, 2013 et 2014 (article 3).
La société par actions simplifiée Lim SAS a produit une nouvelle pièce enregistrée le 8 octobre 2021.
Par des mémoires, enregistrés les 15 et 30 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les rapports des 22 septembre et 22 novembre 2021 concluent respectivement au caractère non éligible au crédit d'impôt recherche de l'ensemble des projets en litige pour les années 2012, 2013 et 2014 ainsi qu'au caractère non éligible au crédit d'impôt innovation des dépenses de la société Lim SAS.
Par des mémoires, enregistrés le 15 décembre 2021, la société Lim SAS, représentée par Me Chaussard, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 octobre 2018 ;
2°) de lui accorder le remboursement des sommes de 196 627 euros, 120 939 euros et 30 859 euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont elle disposait respectivement à l'expiration des années 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dépenses de recherche exposées sont éligibles, dans leur intégralité, au crédit d'impôt recherche, dès lors qu'elles ont été engagées pour des opérations de développement expérimental ;
- l'administration fiscale s'est à tort estimée liée par les avis des experts du ministère en charge de la recherche, dont le rapport relatif à l'éligibilité au crédit impôt recherche doit être écarté, compte tenu de ses incohérences avec de précédentes expertises ;
- ses projets sont également éligibles au crédit d'impôt innovation pour les années 2013 et 2014, au regard notamment de la documentation administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-45-20.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Lim SAS, qui exerce une activité de conception, de fabrication et de commercialisation d'appareillages électroniques de mesure et de logiciels associés, notamment pour des applications dédiées au forage du sol et à l'injection du béton, a déclaré au titre de ses exercices clos en 2012, 2013 et 2014 des crédits d'impôt pour dépenses de recherche. Elle a également déclaré, pour ses exercices clos en 2013, 2014 et 2015 des crédits d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Après avoir partiellement imputé certains de ces crédits d'impôt sur l'impôt sur les sociétés dû par elle au titre des exercices correspondants, elle en a demandé le remboursement immédiat auprès de l'administration. En l'absence de réponse explicite intervenue sur ses réclamations, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon, lequel a rejeté sa demande par jugement du 9 octobre 2018 dont la société Lim SAS relève appel. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la cour a prononcé un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus des demandes relatives au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi puis a ordonné, avant dire droit, un supplément d'instruction tendant à la production d'un avis technique du ministre chargé de la recherche sur la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte par la société Lim SAS pour le calcul de son crédit d'impôt recherche au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Sur les conclusions à fin de remboursement :
2. Le I de l'article 244 quater B du code général des impôts institue un crédit d'impôt bénéficiant notamment aux entreprises industrielles et commerciales imposées d'après leur bénéfice réel, au titre de certaines dépenses de recherche exposées au cours de l'année. Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III du même code, fixant les conditions d'application de ce crédit d'impôt : " sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". En vertu de l'article 199 ter B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur et rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 220 C du même code, ce crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat d'égal montant, qui est utilisée pour le paiement de l'impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. Cette créance est cependant immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée notamment par les entreprises qui satisfont à la définition des micros, petites et moyennes entreprises (PME) communautaires.
3. Aux termes du II du même article 244 quater B, applicables à compter du 1er janvier 2013 : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes (...) ; / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) ; / c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b (...) ; / k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) et définies comme suit : / 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; / 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° ; / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations mentionnées au 1° ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au 1° et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées au 2° (...). Les dépenses mentionnées aux 1° à 6° entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de 400 000 € par an. / Pour l'application du présent k, est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : / - il n'est pas encore mis à disposition sur le marché ; / - il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités. / Le prototype ou l'installation pilote d'un nouveau produit est un bien qui n'est pas destiné à être mis sur le marché mais à être utilisé comme modèle pour la réalisation d'un nouveau produit (...) ".
4. Il appartient au juge de plein contentieux de l'impôt, saisi par une PME communautaire d'une demande de remboursement immédiat au titre de l'article 199 ter B du code général des impôts, de constater, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, que l'entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par les dispositions précitées.
5. Il n'y a pas lieu d'écarter des débats les avis techniques produits par l'administration en réponse à la mesure d'instruction ordonnée avant dire droit par la cour, la société, qui ne remet pas en cause la compétence technique de leurs auteurs, ayant été mise à même de faire valoir ses observations sur la pertinence de ces avis dans le cadre du débat contradictoire. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que l'administration fiscale, qui avait rejeté les demandes de restitution de l'appelante avant même la production de ces avis techniques, se serait cru liée par eux.
En ce qui concerne l'éligibilité au crédit d'impôt des dépenses déclarées au titre du a), du b) et du c) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts :
S'agissant du projet " DeviaLim " :
6. Ce projet qualifié de développement expérimental au sens du c) de l'article 49 septies F de l'annexe 3 au code général des impôts, débuté en 2008, consiste à élaborer, pour le domaine des mines et carrières, un capteur électronique portatif autonome afin de mesurer avec fiabilité mais à faible coût la déviation réelle d'un forage, sur toute sa longueur, et en particulier à son extrémité, afin d'en caractériser avec précision la topologie, sans recours à un système externe de recalage de type géolocalisation par satellite (GPS).
7. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du dossier technique établi par l'appelante, qu'elle disposait, au terme de l'année 2011, d'un prototype abouti, sur le plan tant matériel que logiciel, disposant, selon ses propres termes, de " performances suffisantes " par rapport à ses objectifs, du point de vue de la fiabilité, de la précision et de la résistance mécanique. Les travaux litigieux menés en 2012 et 2013, consistant à vérifier les résultats précédemment obtenus et à tenter d'en améliorer la précision et la répétition, présentaient ainsi le caractère d'un travail d'ingénierie et plus le caractère d'un développement expérimental, en l'absence notamment, ainsi que le relève l'avis technique produit par le ministre, d'identification suffisante des verrous, aléas et incertitudes susceptibles de subsister. Les dépenses exposées pour ce projet au titre des années 2012 et 2013 n'étaient en conséquence plus éligibles au crédit d'impôt recherche.
S'agissant du projet " Optilim " :
8. Ce projet consiste à concevoir une sonde de forage équipée d'une caméra et d'une lentille optique afin de permettre la transmission en temps réel d'images des parois rocheuses. Il résulte toutefois des propres dossiers techniques établis par la requérante qu'il a pour objectif de venir concurrencer des produits existants et qu'il présente ainsi le caractère d'un travail d'ingénierie, quand bien même celle-ci serait d'une grande complexité, mais ne relève pas, en l'absence de nouveauté ou d'améliorations substantielles avérées, du développement expérimental au sens des dispositions précitées.
S'agissant du projet " Géolog 4 " :
9. Ce projet a consisté antérieurement pour la société requérante à développer en interne une plateforme distante pour fournir à ses clients une solution globale de gestion et de traitement de l'intégralité des données et enregistrements issus de ses appareils de mesure jusqu'aux rapports destinés aux clients finaux. Il résulte de l'instruction, et notamment des dossiers techniques établis par l'appelante, que, pour les trois années en litige, ce projet a consisté à intégrer à la plateforme existante de nouveaux modules (bibliothèque de dépendances en 2012, représentation des essais de pénétration dynamique en 2013, représentation de mesures de déviation de forage, de données de diagraphies et d'équipement de forage en 2014).
10. Si les dépenses afférentes au volet portant sur l'affichage des données ont pu bénéficier du crédit d'impôt recherche au titre d'années antérieures, il résulte de l'instruction, et notamment des dossiers techniques établis par la requérante ainsi que de l'avis technique produit par le ministre, que les modules supplémentaires développés au titre des années en litige relevaient désormais d'un processus d'ingénierie de développement logiciel qui, quoique présentant un certain niveau de complexité, ne présentait plus de caractère expérimental, en l'absence en particulier de description de réel verrou scientifique ou technique. A cet égard, si le dossier technique relatif à la représentation d'équipement de forage fait état de certaines incertitudes, il résulte néanmoins des propres termes de ce dossier que les solutions apportées reposent sur des technologies que l'appelante qualifie elle-même de standards, de sorte que le projet, malgré sa complexité, relève également de l'ingénierie de qualité et non de l'expérimentation. Par ailleurs, la nécessité pour l'équipe d'acquérir des connaissances sur de nouveaux langages ou environnements de développement ou sur de nouvelles méthodes de gestion de projet, ne peut suffire à rendre les dépenses correspondantes éligibles au crédit d'impôt recherche.
Projet " Loglim " :
11. Ce projet a consisté à concevoir un dispositif adaptable sur un treuil de forage permettant à la fois de configurer une sonde de diagraphie, même concurrente, et d'en acquérir les données pour les transmettre en temps réel sur ordinateur ou les enregistrer. Il résulte toutefois des propres dossiers techniques établis par la requérante pour l'année 2014 que ce dispositif a pour objectif de venir concurrencer des produits existants et qu'il présente ainsi le caractère d'un travail d'ingénierie, quand bien même celle-ci serait d'une grande complexité, mais ne relève pas, en l'absence de nouveauté ou d'améliorations substantielles avérées, du développement expérimental au sens des dispositions précitées.
Projet " Jetcan " :
12. La société Lim SAS s'est engagée en 2010 dans un projet, mené à son terme, de conception d'un capteur permettant de mesurer le débit d'un coulis de béton, opérant dans une grande plage de variation de pression, en vue d'une application dans le cadre d'un procédé de construction dénommé " jetgrouting ". Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, en particulier du dossier technique établi par la requérante et de l'avis technique produit par le ministre, que les travaux complémentaires de modification du circuit d'amplification du signal menés en 2014 afin d'améliorer la détection des pics de pression, et en conséquence la mesure du débit dans la plage de pression spécifiée, auraient conduit à une amélioration substantielle au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts.
Projet " CPT Test de dissipation " :
13. Ce projet mené en 2014 a consisté, aux termes du dossier technique, à modifier et optimiser le fonctionnement logiciel d'un enregistreur de données existant de la société appelante dénommé " PocketLim " afin de permettre la réalisation, en association avec une sonde d'essais au piézocône, d'essais de dissipation mesurant le temps de dissipation de la pression interstitielle lors de tests de pénétration du sol. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction, alors notamment que l'analyse par la société de l'état de l'art se limite à la présentation de solutions concurrentes, et que ce projet a seulement consisté, ainsi que le relève l'avis technique de septembre 2021, à ajouter une fonctionnalité à un produit existant sans identification de verrous techniques ou scientifiques, que les dépenses engagées à ce titre seraient éligibles au crédit d'impôt recherche.
Projet " pénétromètre dynamique " :
14. Ce projet mené en 2014 a consisté, aux termes du dossier établi par l'appelante, à développer un enregistreur adaptable à tous les pénétromètres du marché, se situant dans la même gamme de prix que le prix de marché existant, et mettant en œuvre une mesure de distance sans contact pour en déduire la profondeur atteinte. Il résulte toutefois du propre dossier technique établi par la requérante qu'il existait déjà, outre des produits concurrents, un large choix de techniques disponibles pour effectuer une mesure dimensionnelle sans contact et que l'amélioration éventuelle ainsi apportée au produit résulte de l'utilisation de techniques existantes. Ce projet relève en conséquence, ainsi que le relève l'avis technique produit par le ministre, et bien qu'il comporte des éléments de complexité, d'un processus classique d'ingénierie ne présentant pas de caractère de nouveauté, non éligible au crédit d'impôt recherche.
En ce qui concerne l'éligibilité au crédit d'impôt des dépenses déclarées au titre du k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts :
Projet DeviaLim et table de calibrage :
15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la sonde de mesure de déviation de forage élaborée par la société Lim SAS dans le cadre du projet " DeviaLim " avait été mise sur le marché antérieurement au 1er janvier 2013. Si la requérante fait valoir à bon droit que l'exploitation d'un produit sous une marque commerciale ne fait pas nécessairement obstacle à l'éligibilité de versions ultérieures au crédit d'impôt innovation, en fonction des évolutions technologiques apportées, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les modifications apportées à la sonde au titre des années en litige, portant sur le développement d'une connectique étanche pour la séparer en deux parties, sur la mise en œuvre de résine pour stabiliser la carte et la fiabilité subséquente de la mesure, sur le moulage de billes sur le câble à intervalles réguliers afin de disposer de repères de longueur, et sur l'emploi d'un écran de type OLED sur le boîtier enregistreur, aurait conduit à des performances supérieures de l'ensemble " DeviaLim " sur le plan technique, de l'ergonomie ou des fonctionnalités par rapport à la version antérieurement commercialisée par la requérante. Les dépenses correspondantes ne sont en conséquence pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
16. En second lieu, si la société Lim SAS a également élaboré au cours des années en litige une table de calibrage lui permettant, selon les termes du dossier technique, de disposer en interne " d'un moyen de contrôle fiable pour étalonner [ses] propres sondes de déviation ", il ne résulte ni des termes du dossier technique ni des écritures de la requérante que ce prototype de table de calibrage était destiné à être utilisé comme modèle pour la réalisation d'un nouveau produit. Les dépenses correspondant à la conception de cet outil interne de contrôle qualité permettant de vérifier l'étalonnage des capteurs entrant dans la fabrication des dispositifs de mesure commercialisés par la requérante ne sont, dès lors, pas éligibles au crédit d'impôt.
Projet " GPS Compass " :
17. Ce projet a consisté pour la société Lim à concevoir un dispositif de positionnement par compas GPS de la flèche d'une machine de forage sur un front de taille, en substitution d'un dispositif antérieur en trois dimensions que ses clients avaient des difficultés à utiliser. Il résulte toutefois de son propre dossier technique, qui ne propose pas de démonstration suffisante de la réalité de performances supérieures sur le plan technique, de l'ergonomie ou des fonctionnalités, qu'il existe au moins deux concurrents sur ce marché des boussoles GPS de positionnement de forage, dont son produit se distingue essentiellement par l'emplacement de la boussole ainsi que le nombre et l'emplacement des câbles. En se bornant à critiquer la pertinence d'un seul des noms de potentiels concurrents opposés par l'avis technique du 22 novembre 2021 produit par le ministre, la requérante ne conteste pas utilement qu'il existe déjà sur le marché des solutions répondant aux objectifs de son projet, dont les éventuelles performances supérieures ne sont pas suffisamment justifiées. Par suite, les dépenses rattachées à ce projet ne sont pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
Projet " Optilim " :
18. Il résulte du propre dossier technique établi par la requérante que ce projet de sonde d'imagerie optique de la paroi d'un forage avait pour objet d'aboutir à une sonde de diagraphie possédant des " caractéristiques équivalentes " à celles d'un produit concurrent. Il ne résulte par ailleurs ni du dossier technique, ni des écritures de l'appelante, que son projet, auquel elle reconnaît des " insuffisances techniques ", présenterait, ainsi que l'a d'ailleurs relevé l'avis technique produit par le ministre, des performances supérieures sur le plan technique, de l'ergonomie ou des fonctionnalités par rapport aux produits concurrents, alors même qu'il serait positionné sur le haut de la gamme en raison du choix de l'éclairage, d'une technologie entièrement numérique pour l'acquisition et la transmission de l'image et de l'accélération du temps d'acquisition résultant de la compression de l'image. Par suite, en l'absence de démonstration suffisante de l'éventuelle supériorité des performances, les dépenses engagées au titre de ce projet ne sont pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
Projet de " sonde piézocône CPTu " :
19. Ce projet a consisté à mettre au point une sonde piézocône de type " CPTu " (" Cone Penetration Test with poor pressure u ") permettant des mesures de paramètres géotechniques lors de sondages (notamment effort de pointe, friction, pression interstitielle), selon une norme internationale imposant notamment une précision minimale pour chaque type de mesure. S'il n'est pas contesté par la requérante, ainsi que le relève l'avis technique produit en défense, qu'il existe sur le marché des produits concurrents répondant aux objectifs du projet, il résulte toutefois du dossier technique établi au soutien de la demande de remboursement immédiat de crédit d'impôt, qui procède à une comparaison circonstanciée, et non critiquée, des performances des concurrents étudiés, que la société Lim SAS s'est efforcée de concevoir un produit présentant, sur le plan technique, une plus grande polyvalence que l'ensemble de ses concurrents réunis, dans les plages de mesure supportées par sa sonde, outre une précision de mesure des trois principaux paramètres en cause au moins égale ou supérieure, compte tenu des plages de mesure, à celle proposée par les produits concurrents. Il résulte ainsi suffisamment de l'instruction que les dépenses engagées au titre de ce projet sont en conséquence éligibles au crédit d'impôt innovation, au regard des performances globales supérieures obtenues. En l'absence de toute autre contestation relative à cette éligibilité, il y a lieu de retenir les montants figurant dans le dossier technique établi par l'appelante, soit 70 191 euros pour 2013 (31 618 euros de rémunérations outre 15 176 euros de charges et 23 397 euros de frais de fonctionnement fixés forfaitairement à 50% du montant total des charges de personnel) et 62 740 euros en 2014 (28 262 euros de rémunération, 13 565 euros de charges et 20 913 euros de frais forfaitaires de fonctionnement), générant un crédit d'impôt correspondant à 20% de ces montants de dépenses éligibles, soit 14 038 euros pour l'année 2013 et 12 548 euros pour l'année 2014, dont la société Lim SAS est fondée à demander le remboursement.
Projet " GeoLog4 " :
20. La société Lim SAS a entrepris au cours des années 2013 et 2014 le développement logiciel de modules supplémentaires pour son application distante proposant un service d'accès aux enregistrements de données géotechniques de forage, laquelle était déjà disponible sur le marché depuis plusieurs années.
21. En premier lieu, ainsi que le relève d'ailleurs l'avis technique produit en défense, il résulte du propre dossier technique établi par l'appelante au titre du module relatif à la représentation des essais de pénétration dynamique qu'elle n'a pu obtenir les logiciels qu'elle présente elle-même comme concurrents et qu'elle n'est dès lors pas en mesure de faire une analyse détaillée des éventuelles performances supérieures de son service par rapport aux produits existants, pour les années 2013 et 2014. De la même manière, si la présentation des résultats du développement du module intitulé " Opérateurs de diagraphies ", au titre de l'année 2014, indique que la requérante aurait atteint les objectifs de fonctionnalités, de qualité de code et de performances qu'elle s'était fixés, cette seule circonstance ne saurait suffire à caractériser des performances supérieures par rapport notamment au concurrent " EXGTE " qu'elle cite elle-même dans son dossier technique. L'éventuelle supériorité sur le plan de la rigueur mathématique et scientifique du module consacré à la représentation des déviations de forage n'est pas non plus suffisamment démontrée, l'appelante ayant elle-même reconnu dans son dossier technique ne pas être en mesure de démontrer une approximation de la part des logiciels concurrents.
22. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les fonctionnalités supplémentaires ainsi développées par la requérante seraient constitutives de produits distincts de l'application GeoLog 4, déjà commercialisée. Le tableau des dépenses établi par la requérante n'individualise d'ailleurs pas chacun de ces modules mais regroupe l'ensemble des dépenses dans un projet " GeoLog 4 ". Par ailleurs, si la requérante fait valoir que les modules en litige présenteraient des performances supérieures aux produits concurrents en matière d'ergonomie, de pérennité et de fonctionnalités, notamment en raison du choix d'une application distante accessible aux utilisateurs depuis n'importe quel poste informatique, ces caractéristiques ne sont pas propres à chacun des modules en litige mais procèdent du cahier des charges du produit " GeoLog 4 " préexistant et déjà commercialisé.
23. Les dépenses afférentes au développement de ces différents modules venant s'intégrer au produit déjà mis sur le marché ne sont en conséquence pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
Projet " centreur pantographe " :
24. Ce projet a consisté à concevoir un centreur permettant de positionner de manière stable des sondes de différents diamètres et masses dans l'axe de forages principalement horizontaux ou inclinés de plus de 10° par rapport à la verticale, et de limiter les frottements avec la paroi lors du déplacement des sondes dans le forage. En se bornant à soutenir qu'il n'existerait pas à sa connaissance, dans son domaine d'activités, de produit comparable au sien, la requérante ne remet pas sérieusement en cause l'avis technique de novembre 2021 produit par le ministre, qui estime que ce projet de centreur pantographe ne présente pas de performances notablement supérieures à celles des produits de plusieurs acteurs sur le marché de référence des centreurs de sondes utilisées dans les forages, dont trois au moins ne sont pas utilement critiqués par la société Lim SAS. La circonstance que certains produits concurrents évoqués par l'avis technique soient utilisés dans le secteur du forage pétrolier et gazier ne peut, à elle seule, suffire à les exclure du marché pertinent, d'autant que la requérante s'est elle-même inspirée de centreurs dits " in-line " utilisés dans ce secteur. La circonstance que son produit aurait été utilisé sur d'importants chantiers de génie civil ne peut davantage suffire à caractériser la supériorité des performances proposées sur le plan technique.
Projet " Enregistreur de pénétromètre dynamique " :
25. Ce projet a consisté à développer un enregistreur capable de s'adapter sur tous les pénétromètres manuels du marché, associé à la centrale de mesure et aux capteurs associés proposés par la société Lim SAS. Il résulte toutefois tant de l'avis technique produit en défense que du dossier technique établi par l'appelante qu'il existe une multiplicité d'acteurs sur ce marché, ce que ne conteste d'ailleurs pas la requérante, dont le dossier précise que ce projet lui permet en particulier de venir concurrencer les constructeurs de machines qui souhaitaient maîtriser toute la chaîne de valeur, notamment en raison du choix d'une mesure de distance sans contact, dont l'éventuelle supériorité sur le plan technique n'est toutefois pas suffisamment démontrée par le dossier produit au soutien de la demande de remboursement de crédit d'impôt. Les dépenses correspondant à ce projet ne sont en conséquence pas éligibles.
Projet " LogLim imagerie " :
26. Il résulte de l'instruction, et notamment du dossier technique établi par l'appelante ainsi que de l'avis technique produit en défense, que la société Lim SAS a apporté en 2014 des améliorations à son système dénommé " LogLim " d'acquisition compacte de données de diagraphies, compatible avec différents dispositifs du marché et permettant à la fois de configurer les sondes et de surveiller les données en temps réel, puis de les exporter vers un logiciel d'analyse du forage, lequel avait été antérieurement mis sur le marché. A supposer que ce produit ainsi optimisé soit constitutif d'un prototype au sens des dispositions du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de démonstration suffisamment circonstanciée, qu'il présenterait des performances notablement supérieures sur le plan technique, de l'ergonomie ou des fonctionnalités, par rapport aux produits qu'il avait explicitement pour objet de concurrencer. Les dépenses engagées pour ce travail d'optimisation d'un produit existant ne sont, dès lors, pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
27. La société Lim SAS n'est enfin pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative publiée par l'administration fiscale sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-45-20, qui ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la société LIM SAS est seulement fondée à demander le remboursement immédiat des sommes de 14 038 euros et 12 548 euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de recherche et d'innovation dont elle disposait au terme respectivement des années 2013 et 2014 et à demander la réformation en conséquence du jugement déféré du tribunal administratif de Lyon.
Sur les frais liés au litige :
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la société Lim SAS d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à rembourser immédiatement à la société Lim SAS les sommes de 14 038 euros et 12 548 euros au titre du crédit d'impôt pour dépenses de recherche et d'innovation dont elle disposait au terme respectivement des années 2013 et 2014.
Article 2 : Le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société Lim SAS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lim SAS et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.
La rapporteure,
M. Le FrapperLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY04525
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