Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme F... la somme totale de 177 841,48 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une vaccination contre le virus H1N1 et à M. B... la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection qu'il estime avoir subi.
Par un jugement n° 1803578 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise avant de statuer sur la demande de Mme F... et M. B....
Le rapport d'expertise a été déposé le 21 novembre 2019.
Par un jugement n° 1803578 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2020 et des mémoires enregistrés le 21 septembre 2021 et le 8 octobre 2021, Mme F... et M. B..., représentés par Me Jegu, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803578 du 17 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;
3°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme F... la somme provisionnelle de 176 288,41 euros et à M. B... la somme provisionnelle de 10 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la vaccination de Mme F... contre le virus H1N1 le 12 novembre 2009 ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le lien de causalité entre la dysautonomie, pathologie ayant entraîné un syndrome de fatigue chronique et une algodystrophie du pied droit, dont souffre Mme F... et sa vaccination contre le virus H1N1 n'est pas exclu ;
- elle a présenté des symptômes immédiatement après l'injection du vaccin ;
- elle ne présente aucun antécédent médical permettant d'établir une cause de la pathologie dont elle souffre autre que la vaccination ;
- l'ONIAM doit ainsi l'indemniser, sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, des conséquences dommageables liées au vaccin contre la grippe H1N1 ;
- une nouvelle expertise est nécessaire afin fixer l'étendue de son préjudice ;
- Mme F... a droit, à titre provisionnel, à :
* la somme de 2 651,89 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;
* la somme de 3 516 euros au titre des dépenses de santé futures ;
* la somme de 10 137,10 euros au titre des besoins actuels d'assistance d'une tierce personne ;
* la somme de 5 663,42 euros au titre des besoins futurs d'assistance d'une tierce personne ;
* la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
* la somme de 27 320 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* la somme de 60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* la somme de 12 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
* la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
- M. B... a droit à la somme provisionnelle de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2021, l'ONIAM, représenté par Me Fitoussi, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... et M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 4 novembre 2009 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) ;
- l'arrêté du 13 janvier 2010 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jegu, représentant Mme F... et M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 novembre 2009, Mme F..., alors âgée de 48 ans, a reçu, dans le cadre d'une campagne de vaccination contre le virus H1N1 organisée par un arrêté du 4 novembre 2009 de la ministre de la santé et des sports, pris sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, une injection du vaccin Pandemrix. Elle indique avoir présenté, par la suite, des troubles neurovégétatifs, une fatigue chronique et une algodystrophie du pied droit. Imputant ces pathologies à la vaccination, elle a recherché une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre des dispositions de l'article L. 3131-4 du même code. Par une décision du 22 mars 2018, le directeur de l'office a rejeté sa demande, en se fondant notamment sur deux expertises amiables, au motif que le lien entre les préjudices et la vaccination n'était pas établi. Le tribunal administratif de Lyon, saisi par Mme F... et son époux, a, par un jugement avant-dire droit du 23 avril 2019, ordonné une expertise. Au vu du rapport remis par un collège d'experts, le tribunal, par un jugement du 17 septembre 2020, dont Mme F... et M. B... relèvent appel, a considéré que les pathologies dont la requérante était atteinte n'étaient pas directement imputables à la vaccination du 12 novembre 2009 et a, en conséquence, rejeté leur demande indemnitaire.
2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté de la ministre de la santé et des sports du 4 novembre 2009 : " Une campagne de vaccination est conduite sur l'ensemble du territoire national pour permettre aux personnes qui le souhaitent de se faire immuniser contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 (...) ". L'article 2 de l'arrêté du 13 janvier 2010 visé ci-dessus dispose que : " Toute personne vaccinée contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 par un vaccin appartenant aux stocks constitués par l'Etat bénéficie des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique ". Selon l'article L. 3131-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. (...) ".
3. Les dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique prévoient la réparation intégrale par l'ONIAM, en lieu et place de l'Etat, des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 du même code, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'une faute ni la gravité particulière des préjudices subis.
4. Si Mme F... fait valoir, en se fondant sur plusieurs certificats médicaux, qu'elle souffre d'un syndrome dysautonomique, qui a entraîné une fatigue chronique et une algodystrophie du pied droit, il résulte de l'instruction, notamment des mentions du rapport du 4 décembre 2017 établi par deux experts désignés par l'ONIAM, que, compte tenu de l'ensemble des symptômes présentés par l'intéressée, consistant en des palpitations, une tachycardie sinusale, une asthénie et des sensations de malaise, de leur caractère fluctuant " atypique " et " peu spécifique " ainsi que de l'absence de toute pathologie neurologique associée, le diagnostic d'une dysautonomie est " difficile à retenir ". Le collège d'experts, composé d'un neurologue et d'un infectiologue, désigné par le tribunal administratif de Lyon, a, de même, conclu que la symptomatologie fonctionnelle présentée par Mme F... était " difficile à caractériser " et que le diagnostic d'une pathologie dysautonomique n'était " pas certain " du fait de troubles " multifonctionnels aspécifiques " ainsi que d'éléments objectifs " très peu nombreux " et uniquement de nature cardiovasculaire. Si ces experts ont estimé que pouvait être posé le diagnostic d'une tachycardie sinusale inappropriée, cette pathologie, contrairement à ce que soutient la requérante, se distingue de la dysautonomie, dont les manifestations se caractérisent classiquement, en particulier, par une hypotension artérielle orthostatique, des troubles vésico-sphinctériens, des troubles du transit, des troubles de la réactivité pupillaire ou encore une hyposécrétion salivaire ou lacrymale, que ne présentent pas Mme F.... Il suit de là que, compte tenu du caractère protéiforme et atypique de la pathologie dont souffre Mme F..., le diagnostic d'une dysautonomie ne peut être retenu avec certitude. Il résulte de l'instruction, notamment des indications fournies par les experts, qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'a été rapporté aucune occurrence présentant un tableau clinique comparable à celui de Mme F... en lien avec la vaccination contre le virus H1N1. En outre, la requérante produit une attestation établie le 2 janvier 2017 par son médecin traitant de laquelle il résulte qu'elle avait déjà été suivie en novembre 2007, soit avant la vaccination en cause, pour une asthénie prolongée à la suite d'une intervention chirurgicale. Au vu de l'ensemble de ces éléments, alors même que certains des troubles dont souffre la requérante sont apparus peu de temps après l'injection du vaccin, il résulte de ce qui précède qu'il n'existe aucune probabilité, au vu du dernier état des connaissances scientifiques versées au débat, de l'existence d'un lien entre la vaccination par Pandemrix et les symptômes présentés par Mme F.... Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander, en application des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, une réparation par l'ONIAM des préjudices subis du fait de la pathologie dont est affectée Mme F....
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme F... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ". Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon, liquidés et taxés à la somme totale de 2 400 euros par une ordonnance de la présidente de ce tribunal du 28 août 2020, à la charge, pour moitié chacun, de Mme F... et M. B..., d'une part, et de l'ONIAM, d'autre part.
7. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme F... et M. B... réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... et M. B... est rejetée.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 400 euros par une ordonnance du 28 août 2020 de la présidente du tribunal administratif de Lyon, sont mis à la charge, pour moitié, de Mme F... et M. B..., et pour l'autre moitié, de l'ONIAM.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., à M. A... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée à M. D... et à M. C..., experts.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY03308