Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une somme totale de 95 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices consécutifs à sa prise en charge le 4 juin 2015 à l'hôpital Louis Pradel de Lyon et aux dépens de l'instance.
Par un jugement n° 1902374 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à payer à M. C... une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 janvier 2019, a mis à leur charge les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 120 euros, et le versement d'une somme de 1 400 euros au profit de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 août 2020, M. C..., représenté par Me Château, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner les Hospices Civils de Lyon à réparer les préjudices subis par le versement d'une somme de 80 000 euros au titre de la perte de chance de se soustraire à l'opération et 15 000 euros au titre du préjudice d'impréparation, assorties des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement du recours ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon les entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le manquement au devoir d'information sur les complications possibles de l'opération sur la fonction sexuelle et génitale est établi et il est fondé à demander réparation des préjudices que l'intervention lui a causés ;
- la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé, à savoir les troubles de la fonction érectile, dès lors que dûment informé il aurait renoncé à l'opération, même si le pronostic vital était engagé, doit être fixée à une fraction des préjudices subis ;
- l'expert a fixé la date de consolidation à six mois après sa sortie de l'hôpital, le 22 juin 2015 ;
- les dépenses de santé futures, pour un programme de procréation médicalement assistée et un éventuel traitement prothétique de l'insuffisance érectile, sont estimées à 5 000 euros ;
- la perte de gains professionnels s'élève à 20 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent a été évalué à 50 % par l'expert et justifie le versement d'une somme de 40 000 euros ;
- les souffrances endurées seront indemnisées par le versement d'une somme de 15 000 euros ;
- le préjudice d'impréparation sera indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, les Hospices civils de Lyon concluent au rejet de la requête.
Ils exposent que :
- l'indication opératoire était justifiée ; l'intéressé souffre d'une maladie génétique provoquant des troubles cardio-vasculaires qui avaient justifié le remplacement de la valve aortique en 2012 alors qu'il n'était alors âgé que de 25 ans ;
- l'intervention était vitale et l'abstention chirurgicale l'exposait à un risque de décès rapide ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport ; M. C... avait été informé de l'ensemble des risques liés à l'intervention parmi lesquels les risques infectieux susceptibles d'avoir une lourde incidence sur son état de santé et le patient a signé le consentement éclairé ;
- à titre subsidiaire, la perte de chance ne saurait excéder 2 % ;
- très subsidiairement, l'absence de faute médicale exclut tout préjudice professionnel imputable à l'intervention ; aucune part n'est imputable à un manquement fautif quelconque, tous les déficits sont imputables à la maladie génétique dont est atteint l'intéressé, aux conséquences normales d'un traitement chirurgical indispensable ; aucune complication fautive n'a été retenue par l'expert ;
- l'imputabilité des troubles sexuels à l'intervention litigieuse n'est pas établie ; l'expert n'a pas retenu de souffrances endurées ; l'indemnité de 2 000 euros versée au titre du préjudice d'impréparation est suffisante notamment au regard de la jurisprudence.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 14 avril 1987, est atteint du syndrome de Marfan, maladie génétique, diagnostiquée en septembre 2012, à l'origine de troubles cardio-vasculaires sévères. Il a subi une première opération le 7 septembre 2012 destiné à remplacer la valve aortique déficiente par une valve aortique mécanique, avec un résultat fonctionnel satisfaisant. Toutefois, un anévrisme de l'aorte abdominale été diagnostiqué, dont l'évolution péjorative se traduisant par un accroissement significatif du diamètre de l'aorte a conduit l'hôpital Louis Pradel, dépendant des Hospices civils de Lyon, à procéder à une intervention chirurgicale, pratiquée le 4 juin 2015, consistant en la mise en place d'une prothèse aortique sous rénale et un pontage aorto-billiaque. En janvier 2016, M. C... signale à son médecin traitant des troubles érectiles, une anéjaculation et une baisse de la libido survenus dans les suites immédiates de l'intervention de juin 2015, dont il se plaint à nouveau en mai 2016. Le 7 juillet 2016, M. C... saisit le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 532-1 du code de justice administrative pour que soit ordonnée une expertise médicale. Le juge des référés a fait droit à cette demande. L'expert désigné en dernier lieu par le président du tribunal, le Dr A..., a remis son rapport le 3 juillet 2017 concluant à l'absence de faute dans la réalisation du geste chirurgical mais à l'existence d'un manquement de l'établissement hospitalier à son obligation d'information concernant les risques encourus et notamment des possibles complications de l'intervention chirurgicale sur la fonction érectile. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a limité la condamnation des Hospices civils de Lyon à l'indemniser des préjudices imputables à la faute commise par l'établissement hospitalier à la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 janvier 2019, en réparation du préjudice d'impréparation.
2. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 de ce code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. (...) Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. ". Aux termes de l'article L. 1142-1 du même code : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question. En cas de dommage lié à la réalisation d'un risque qui n'a, en méconnaissance de l'obligation d'information fixée à l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, pas été porté à la connaissance du patient, il incombe au juge du fond selon une appréciation souveraine de déterminer si, informé de la nature et de l'importance de ce risque, le patient aurait consenti à l'acte en question, de sorte que le manquement à l'obligation d'information ne l'a privé d'aucune chance de s'y soustraire et ne peut, par suite, être indemnisé à ce titre.
4. Il résulte de l'instruction que M. C... est atteint de la maladie génétique de Marfan qui touche plusieurs organes du système cardiaque et vasculaire et du système squelettique, en altérant le tissu conjonctif de ces organes. En estimant, notamment au vu du rapport d'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, qu'il était certain que, compte tenu de l'évolution défavorable de l'anévrisme de l'aorte abdominale, diagnostiqué en septembre 2012, M. C... aurait, en l'absence d'alternative thérapeutique à l'intervention chirurgicale qui lui était proposée, présentant le caractère d'une urgence vitale en raison du risque élevé de décès brutal par déchirure des tissus aortiques en l'absence de geste chirurgical, ainsi que le confirme l'expert, encore consenti à cette opération s'il avait été informé des risques de troubles érectiles et de l'éjaculation qu'elle comportait, le tribunal administratif de Lyon a pu à bon droit juger que, alors même que le centre hospitalier Louis Pradel n'apportait pas la preuve qui lui incombait que M. C... avait été informé de ce que cette opération comportait ce risque, le manquement de l'établissement à son devoir d'information n'avait privé ce patient d'aucune chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation de préjudices sur le fondement d'une perte de chance d'échapper au risque qui s'est réalisé.
5. Il résulte de l'instruction que le préjudice d'impréparation a été justement indemnisé par la condamnation des Hospices civils de Lyon au versement d'une somme de 2 000 euros.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à l'indemniser de son préjudice d'impréparation à hauteur d'une somme de 2 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019, mis à leur charge définitive les frais et honoraires d'expertise, et le versement d'une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., aux Hospices civils de Lyon et à la Mutualité sociale agricole. Copie pour information en sera adressée au docteur A....
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.
La rapporteure,
E. Conesa-Terrade
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02293