Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait obligation de se présenter aux forces de l'ordre une fois par semaine pour justifier de sa présence.
Par un jugement n° 2101670 du 12 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté du 1er juillet 2021 en tant qu'il fixe le pays de destination, a enjoint au préfet de la Haute-Loire de réexaminer la situation de la requérante dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à Me Shveda, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 10 février 2022, le préfet de la Haute-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B... ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... en ce qu'elle tend à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2022, Mme D... B..., représentée par Me Shveda, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " après lui avoir délivré, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dès notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à bon droit que la première juge a estimé que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 16 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née en 1991, est entrée en France en novembre 2018 avec son époux et ses deux fils. Sa demande d'asile a été rejetée le 12 novembre 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée le 29 juin 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 1er juillet 2021, le préfet de la Haute-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait obligation de se présenter aux forces de l'ordre une fois par semaine pour justifier de sa présence. Par jugement du 12 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté, en tant qu'il fixe le pays de destination, et rejeté le surplus des conclusions aux fins d'annulation de la demande. Le préfet de la Haute-Loire demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B....
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
3. Mme B... soutient que son mari, de nationalités russe et géorgienne, qui est exposé à des craintes de persécution en Russie en raison de son engagement et de celui de sa famille en Tchétchénie, ainsi que l'a reconnu la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 29 juin 2021, est également exposé à des risques en Géorgie, où il serait poursuivi par les services secrets tchétchènes et où il pourrait faire l'objet par les autorités de ce pays d'une extradition vers la Russie. Toutefois, les documents d'ordre général faisant état de la situation des personnes tchétchènes dans les pays européens ne peuvent permettre de tenir pour établis les risques auxquels serait personnellement exposés l'intéressé, dont le récit est par ailleurs très peu précis sur les recherches dont il aurait fait l'objet et n'est appuyé par aucun élément probant. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A..., le mari de la requérante, a été rejetée à deux reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile. Par ailleurs, Mme B... ne fait état d'aucun élément qui établirait qu'elle serait personnellement exposée à de tels risques du seul fait de la situation de son mari. C'est par suite à tort que la première juge a annulé la décision fixant le pays de destination au motif qu'elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'intimée.
5. La décision en litige mentionne les textes dont il est fait application et précise qu'au regard notamment de la décision rejetant la demande d'asile de Mme B..., les craintes qu'elle expose encourir en cas de retour en Géorgie ne sont pas établies. Par suite, elle est suffisamment motivée.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé son arrêté du 1er juillet 2021 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel Mme B... pourrait être reconduite d'office.
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la demande de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B... dirigées contre l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2101670 du 12 octobre 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 1er juillet 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Loire a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office sont rejetées, ainsi que le surplus des conclusions de sa demande et de ses conclusions d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... B... et à Me Shveda.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022.
Le rapporteur,
Thierry Besse
La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03653