Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL) a présenté au tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, une demande tendant à reconnaître aux contribuables de la métropole de Lyon le droit à être déchargé du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) mise à leur charge au titre de l'année 2018.
Par un jugement n° 1904685 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande (article 2).
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoire enregistrés le 22 décembre 2020, le 9 décembre 2021 et le 17 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement de tribunal administratif de Lyon du 26 octobre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la CANOL devant le tribunal administratif ;
Il soutient que :
- l'objet statutaire de la CANOL ne lui permet pas d'agir au nom des contribuables de la métropole de Lyon ;
- en écartant ainsi la possibilité, prévue par l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative, de limiter dans le temps les effets de la reconnaissance de droits, au seul motif que l'imposition en litige est privée de base légale, le tribunal a commis une erreur de droit et méconnu son office ;
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et d'omission de réponse au moyen développé par l'administration fiscale dans son mémoire du 20 juillet 2020 ;
- la délibération fixant les taux de TEOM pour 2018 ne peut pas être regardée comme entachée d'illégalité ;
- en application de l'article L. 77-12-2 du code de justice administrative, l'interruption des délais de prescription et de forclusion liée à la présentation, par la CANOL, d'une action en reconnaissance de droits devant le tribunal administratif, ne peut bénéficier qu'aux contribuables qui avaient déjà saisi l'administration d'une réclamation préalable, dans les délais prévus par le livre des procédures fiscales ; la question de la date à laquelle doit s'apprécier l'interruption des délais de prescription et de forclusion constitue une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges qui pourrait faire l'objet d'une demande d'avis au Conseil d'Etat.
Par un mémoire, enregistré le 26 février 2021, l'association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL), représentée par Me Matricon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal est recevable ;
- c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de modulation dans le temps en opposant l'autorité absolue de la chose jugée de la décision de justice annulant la délibération fixant les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me Couvreur pour la Métropole de Lyon et de Me Matricon pour l'association des contribuables actifs du Lyonnais ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 décembre 2018, l'association des contribuables actifs du Lyonnais (CANOL) a adressé à la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes, une demande fondée sur les articles L. 77-12-1 et suivants du code de justice administrative relatifs à l'action en reconnaissance de droits et tendant à obtenir, au bénéfice des contribuables de la métropole de Lyon y ayant été assujettis, la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre de l'année 2018. A la suite de la naissance d'une décision implicite de rejet opposée à cette demande, la CANOL a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande, présentée sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, tendant à obtenir la reconnaissance du droit pour les contribuables de la métropole d'obtenir la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères établie au titre de l'année 2018. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 26 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.
Sur la reconnaissance du droit :
2. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. (...) ".
3. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 57 de la loi du 29 décembre 2015 portant loi de finances rectificative pour 2015, rendu applicable à compter du 1er janvier 2016 en vertu du A du III de ce même article : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (...) ". Les déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales s'entendent des déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.
4. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.
5. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.
6. Il ressort des annexes du budget primitif intitulées " A- Présentation croisée - section de fonctionnement - présentation détaillée " et " état de répartition de la TEOM - section de fonctionnement - dépenses ", que les dépenses de fonctionnement prévisionnelles imputées sur la fonction " 721 Collecte et traitement des déchets " s'élèvent à un montant de 114,019 millions d'euros. Il y a lieu d'ajouter à ces dépenses, les dépenses prévisionnelles imputées sur la fonction " 722 Collecte déchets ménagers et assimilés dans l'espace public " pour un montant de 8,865 millions d'euros et les dépenses prévisionnelles liées au coût de fonctionnement des services directement affectés à la direction de la propreté d'un montant estimé de 2,503 millions d'euros. Si la CANOL soutient qu'il y a lieu d'extourner de ce montant les coûts d'enlèvement et de traitement des déchets non ménagers, il résulte des dispositions précitées qu'à compter du 1er janvier 2016, l'objet de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a été étendu au financement de l'élimination des déchets non ménagers. Par ailleurs, la CANOL n'établit pas qu'eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, les déchets ainsi comptabilisés ne pouvaient être collectés et traités sans sujétions techniques particulières. Le montant prévisionnel de ces dépenses réelles de fonctionnement pour 2018, concernant le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, s'élève à la somme de 125,387 millions d'euros.
7. Il y a lieu d'ajouter à la somme de 125,387 millions d'euros, les dépenses qui correspondent à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole dès lors que cette quote-part a été calculée au moyen d'une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la métropole, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.
8. Il ressort notamment des tableaux produits par la métropole de Lyon ainsi que du rapport adopté en décembre 2018, par la mission d'information et d'évaluation relative à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et son évolution qui présentent par des données suffisamment précises, les clefs de répartition et les ventilations des dépenses en fonction des différents services concernés que le montant prévisionnel de ces charges de structure s'élève à 15,347 millions d'euros. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que de ce montant peut être extournée la somme de 0,849 million d'euros correspondant aux frais de gouvernance qui ne sont pas directement exposés pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales. En défense, la CANOL n'apporte aucun élément permettant d'établir que le surplus de ces charges ne serait pas directement et uniquement exposé pour les besoins de ce service public. Ainsi, il y a lieu d'ajouter à la somme de 125,387 millions d'euros, la somme de 14,498 millions d'euros au titre des charges de structure.
9. Enfin, à ces montants doit être ajoutée la somme de 14,809 millions d'euros au titre de dotations aux amortissements, dont la CANOL ne critique pas utilement le montant en se bornant à en réclamer la justification comptable.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant minimal des dépenses de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, au titre de l'année 2018 s'établit à 154,694 millions d'euros (125,387 + 14,498 + 14,809). Il convient de retrancher de cette dernière somme, le montant des recettes non fiscales qui s'élève à 31,569 millions d'euros, ce qui porte à la somme de 123,124 millions d'euros, le coût net des dépenses prévisibles du service. La CANOL n'apportant aucun élément permettant d'établir le caractère insincère de ces prévisions ou l'éventuel décalage avec les données réelles pouvant être constatées, il y a lieu de retenir la somme de 123,124 millions d'euros, au titre des dépenses prévisionnelles non couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal.
11. Il ressort de la délibération en litige que le montant attendu de taxe sur les ordures ménagères est de 133 millions d'euros, ce qui entraîne un excédent de recettes de 9,876 millions d'euros, représentant 8,02 % (9,876/123,124) du coût estimé du service. Cet excédent du produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'apparaît pas manifestement disproportionné pour assurer la collecte et le traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, et non couvertes par des recettes non fiscales. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la délibération du conseil de la métropole de Lyon du 22 janvier 2018 fixant les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2018.
12. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de la délibération du 22 janvier 2018 ayant fixé les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2018, la CANOL n'est pas fondée à soutenir que les contribuables de la métropole de Lyon ayant été assujettis à une cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2018 ont le droit d'en obtenir la décharge. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que la délibération fixant les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2018 ne pouvait plus servir de base légale pour la mise en recouvrement de cette taxe, pour reconnaître aux contribuables de la métropole de Lyon, le droit de bénéficier, sur leur demande, de la décharge du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre de l'année 2018.
13. A défaut d'autres moyens à examiner au titre de l'effet dévolutif, il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a reconnu aux contribuables de la métropole de Lyon, le droit de bénéficier, sur leur demande, de la décharge du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre de l'année 2018.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la CANOL à l'occasion du litige.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1904685 du 26 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la CANOL devant le tribunal administratif de Lyon tendant à reconnaître aux contribuables de la métropole de Lyon le droit à être déchargé du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre de l'année 2018 et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des contribuables actifs du lyonnais, à la métropole de Lyon, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et à au directeur de contrôle fiscal Centre-Est et à la société anonyme HLM Rhône-Alpes.
Il sera également publié sur le site internet du Conseil d'Etat dans les conditions prévues par l'article R. 77-12-12 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
S. Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03767
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