Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI 47 route de Lyon a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende fiscale de 5 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1734 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1804522 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2020 et le 13 mai 2022, la SCI 47 route de Lyon, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- étant une SCI purement patrimoniale n'exerçant aucune activité, elle n'est pas astreinte à la tenue de documents comptables et n'est soumise à aucune obligation de communication à l'égard de l'administration fiscale sur le fondement des articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales ;
- les pièces demandées ne constituent pas des " documents comptables et autres pièces de recettes et de dépenses relatives à l'exercice de l'activité " au sens de l'article L. 94 A du livre des procédures fiscales ; en tout état de cause, le service n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle exerce une activité, seule circonstance qui aurait pu justifier qu'elle soit détentrice de pièces de recettes et dépenses relative à son activité ;
- à titre subsidiaire, aucun texte ne prévoit de délai au terme duquel l'amende pourrait trouver à s'appliquer ; l'administration fiscale ne pouvait donc considérer, alors qu'elle n'avait fixé aucun délai, que l'exercice du droit de communication est resté sans réponse ;
- en sollicitant les documents en cause, le service l'oblige à s'incriminer elle-même en méconnaissance du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration fiscale commet un détournement de procédure en engageant, sous la menace de la sanction de l'article 1734 du code général des impôts, un contrôle relevant en fait des dispositions de l'article L. 16 BA du livre des procédures fiscales ;
- l'avis de mise en recouvrement, qui vise une proposition de rectification du 14 novembre 2017 qui ne lui a jamais été adressée et ne vise pas les dispositions de l'article 1734 du code général des impôts, est irrégulier.
Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mai 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Caraës, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI 47 route de Lyon est propriétaire d'une maison située à Apprieu (Isère) dans laquelle elle a entrepris des travaux de réhabilitation réalisés notamment par la SARL ECR qui a fait application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. Dans le cadre des opérations de contrôle dont cette dernière société a fait l'objet, le service a exercé, le 17 juillet 2017, un droit de communication auprès de la SCI 47 route de Lyon sur le fondement des dispositions des articles L. 81 et L. 94 A du livre des procédures fiscales. En l'absence de réponse, le service a adressé une relance à la SCI 47 route de Lyon puis l'a informée, par un procès-verbal du 14 novembre 2017 dont la teneur a été confirmée par un courrier du 6 mars 2018, que son abstention entraînait l'application de l'amende de 5 000 euros prévue par l'article 1734 du code général des impôts. La SCI 47 route de Lyon relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée.
Sur les conclusions en décharge :
2. Aux termes de l'article 1734 du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " Le refus de communication des documents et renseignements demandés par l'administration dans l'exercice de son droit de communication ou tout comportement faisant obstacle à la communication entraîne l'application d'une amende de 5 000 €. Cette amende s'applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués. Une amende de même montant est applicable en cas d'absence de tenue de ces documents ou de destruction de ceux-ci avant les délais prescrits (...) ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Aux termes de l'article L. 94 A du même livre : " Les sociétés civiles définies à l'article 1845 du code civil sont tenues de présenter à l'administration, sur sa demande, les documents sociaux et, le cas échéant, les documents comptables et autres pièces de recettes et de dépenses qu'elles détiennent et relatives à l'activité qu'elles exercent ".
4. Pour contester le bien-fondé de l'amende de 5 000 euros appliquée sur le fondement de l'article 1734 du code général des impôts, la SCI 47 route de Lyon soutient qu'elle n'était pas soumise au droit de communication prévu à l'article L. 94 A du livre des procédures fiscales, dès lors, d'une part, qu'elle constitue une société patrimoniale n'exerçant aucune activité économique et, d'autre part, qu'elle n'est pas astreinte à la tenue des documents comptables et des pièces justificatives énumérés aux articles 46 B à 46 D de l'annexe III au code général des impôts.
5. Aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés (...) ". En vertu de l'article 46 B de l'annexe III au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 172 bis de ce code, les sociétés civiles immobilières, non soumises à l'impôt sur les sociétés, qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, sont tenues de remettre au service des impôts du lieu de leur principal établissement, dans les trois mois de leur constitution, une déclaration indiquant la dénomination ou raison sociale, la forme juridique, l'objet, la durée, le siège de la société ainsi que le lieu de son principal établissement, et les noms, prénoms et domicile des dirigeants ou gérants de la société. Aux termes de l'article 46 C de la même annexe : " I. - Indépendamment des renseignements dont la production est déjà prévue par le code général des impôts, les sociétés visées à l'article 46 B sont tenues de remettre au service des impôts du lieu de leur principal établissement, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le premier mai de chaque année, une déclaration indiquant, pour l'année précédente : / a. Les nom, prénoms, adresse, date et lieu de naissance pour les personnes physiques et les dénomination, adresse et numéro d'identification au répertoire national des établissements (numéro SIRET) pour les personnes morales, des associés, le nombre et le montant des parts dont ils sont titulaires, la date des cessions ou acquisitions de parts intervenues en cours d'année, ainsi que l'identité du cédant et du cessionnaire ; / b. La liste des immeubles de la société ; / c. Les nom, prénoms, adresse des personnes, associés ou tiers, qui bénéficient gratuitement de la jouissance de tout ou partie de ces immeubles ; / d. La part des revenus des immeubles de la société correspondant aux droits de chacun des associés et déterminée dans les conditions prévues aux articles 28 à 31 du code général des impôts. Toutefois, les sociétés dont certains membres relèvent de l'impôt sur les sociétés ou comprennent leur part de revenus dans les résultats d'une entreprise industrielle et commerciale déterminent la part des bénéfices revenant à ces membres selon les règles définies aux articles 38 et 39 du même code ; / e. Le montant des recettes nettes soumises à la contribution mentionnée à l'article 234 nonies du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article 46 D de cette annexe : " Les sociétés visées aux articles 46 B et 46 C sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C ".
6. L'article L. 94 A du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale d'exercer le droit de communication auprès des sociétés civiles définies à l'article 1845 du code civil comme étant " toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet ". Ainsi, une SCI non soumise à l'impôt sur les sociétés entre dans le champ d'application de l'article L. 94 A du livre des procédures fiscales quand bien même elle ne donne pas en location l'immeuble dont elle est propriétaire ou n'en confère pas la jouissance à ses associés. Il résulte toutefois de ces dispositions, combinées à l'article 172 bis du code général des impôts et aux articles 46 B, 46 C et 46 D de l'annexe III à ce code, que l'administration fiscale ne peut demander la communication des " documents comptables et autres pièces de recettes et de dépenses qu'elles détiennent et relatives à l'activité qu'elles exercent " qu'à celles des SCI qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés et sont, à ce titre, tenues aux obligations déclaratives prévues aux articles 46 B et 46 C de l'annexe III à ce code et à l'obligation prévue à l'article 46 D de la même annexe de présenter, à toute réquisition du service des impôts, tous documents comptables ou sociaux ainsi que toutes les pièces de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur ces déclarations.
7. En l'espèce, il est constant que la SCI 47 route de Lyon a pour objet la gestion de son patrimoine immobilier constitué d'une maison qu'elle ne donne pas en location et dont elle ne confère pas la jouissance à ses associés. En vertu de l'article L. 94 A du livre des procédures fiscales, elle n'est dès lors pas soumise à d'autre obligation que celle de présenter à l'administration, sur sa demande, les documents sociaux.
8. En l'espèce, par un courrier du 17 juillet 2017, l'administration fiscale a demandé à la SCI 47 route de Lyon de lui communiquer les pièces suivantes : " 1- copie du permis de construire ou l'arrêté portant permis de construire ; / 2- le permis de démolir éventuel ; / 3- les plans intérieurs et extérieurs avant et après les travaux ; / 4- liste des sociétés qui sont intervenues sur le chantier ; / 5- le devis descriptif et chiffré des travaux ainsi que les copies de factures émises par les différentes sociétés qui sont intervenues sur le chantier ou tout autre document permettant d'établir la nature ou la consistance de l'opération ; / 6- sur le plan après travaux, veuillez indiquer le nom des sociétés qui sont intervenues sur les différentes parties ; / 7- retourner une déclaration modèle H2 dûment complétée pour chaque logement ; / 8- le nom et les coordonnées de l'architecte ". Ces pièces, pour utiles qu'elles soient pour déterminer la nature et la consistance des travaux réalisés par la SARL ECR sur le bien immobilier et vérifier l'exactitude de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les factures émises, ne sont pas au nombre des documents sociaux dont l'administration fiscale pouvait demander la communication sur le fondement de l'article L. 94 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la SCI 47 route de Lyon, qui n'était pas tenue de répondre, même en partie, à cette demande, soutient à bon droit que l'administration fiscale ne pouvait lui infliger l'amende prévue à l'article 1734 du code général des impôts au motif qu'elle n'a pas déféré à cette demande de communication.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI 47 route de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de l'amende qui lui a été infligée.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI 47 route de Lyon et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804522 du tribunal administratif de Grenoble du 19 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La SCI 47 route de Lyon est déchargée de l'amende de 5 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1734 du code général des impôts.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI 47 Route de Lyon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI 47 route de Lyon et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2022.
La rapporteure,
S. Lesieux Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY03460