Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Migros France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 4 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspectrice du travail du 24 août 2017 ayant autorisé le licenciement de M. B... A..., a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a refusé l'autorisation de licencier M. A....
Par un jugement n° 1804823 lu le 20 novembre 2020, le tribunal a annulé la décision de la ministre du travail du 4 juin 2018.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2021, M. B... A..., représenté par la Selarl Cabinet Balestas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la requête de la société Migros France ;
3°) de mettre à la charge de la société Migros France le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Migros France aurait été privée d'une garantie en l'absence d'indication lors de la procédure contradictoire d'un motif d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Migros France s'est acquittée de son obligation de recherche de reclassement ; la décision de l'inspecteur est irrégulière en ce que la convocation des membres du comité d'entreprise concernant l'autorisation de licenciement ne comporte pas la mention de son mandat social et est donc entachée de nullité ; la décision de l'inspecteur est insuffisamment motivée.
Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2021, la société Migros France, représentée par Me Delmotte Clausse, conclut au rejet de la requête de M. A... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 20 octobre et 27 décembre 2021 (non communiqué), la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion s'associe aux conclusions de M. A... en demandant à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée en première instance par la société Migros France.
Elle soutient que :
- la société Migros France n'a pas été privée d'une garantie en l'absence d'indication lors de la procédure contradictoire d'un motif d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail ;
- la société Migros France n'a pas satisfait à son obligation d'efforts sérieux de reclassement.
Par une ordonnance du 20 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Leurent substituant Me Balestas pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Migros France, spécialisée dans la grande distribution, les loisirs et l'hôtellerie-restauration, a sollicité le 12 juillet 2017, l'autorisation de licencier pour inaptitude physique M. A..., technicien de maintenance recruté à compter du 28 mai 2013 au sein de l'établissement situé à Thoiry et titulaire des mandats de délégué du personnel et de représentant de section syndicale. Par une décision du 24 août 2017, l'inspectrice du travail de la Haute-Savoie a autorisé le licenciement de M. A.... Par une décision du 4 juin 2018, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par M. A..., a annulé la décision du 24 août 2017 de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. A.... Ce dernier relève appel du jugement lu le 20 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif, à la demande de la société Migros France, a annulé la décision de la ministre du travail du 4 juin 2018. La ministre du travail s'associe à la demande de M. A....
2. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. "
3. Ces dispositions impliquent que la ministre chargée du travail saisie d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels la ministre entend fonder sa décision. Un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions précitées, constitue une garantie pour l'employeur qui s'est vue délivrer une autorisation de licencier un salarié protégé. Ainsi, la décision du ministre procédant au retrait de cette autorisation délivrée par l'inspecteur du travail est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le bénéficiaire de l'autorisation de licenciement a été effectivement privé de cette garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que la ministre du travail, suite au recours hiérarchique présenté par M. A... à l'encontre de la décision de l'inspectrice du travail autorisant la société Migros France à le licencier, a, par courrier du 16 avril 2018, informé l'employeur qu'elle envisageait d'annuler la décision de l'inspectrice du travail et de refuser l'autorisation de licenciement de M. A... pour des motifs tirés du défaut de caractère sérieux de la recherche de possibilités de reclassement par l'employeur et du caractère insuffisamment précis des offres de reclassement adressées à M. A.... Ce courrier ne mentionnait pas le motif, également retenu par la décision du 4 juin 2018, tenant à l'insuffisance de motivation de la décision de l'inspectrice du travail. Une telle irrégularité, ainsi qu'il a été retenu à bon droit par les premiers juges, a eu une incidence à l'égard de la société Migros France qui n'a pas pu faire valoir que la décision de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de M. A... était motivée, ce qu'elle était effectivement. Un tel motif était à lui seul suffisant pour prononcer l'annulation de cette décision de retrait du ministre et à remettre en vigueur la décision de l'inspectrice du travail précitée.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé pour ce motif la décision du 4 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. A..., a annulé la décision de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de ce dernier et a refusé d'autoriser la société Migros France à licencier M. A.... Les conclusions de la requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Migros France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que demande la société Migros France au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Migros France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Migros France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
La rapporteure,
C. BurnichonLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00208
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