Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme E... et M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 août 2018 par laquelle le maire de Montagnieu ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division foncière déposée par Mme I... F....
Par un jugement n° 1807444 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande.
Procédure devant la cour
I) Sous le n° 21LY00625, par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er mars 2021 et le 19 novembre 2021, Mme I... F..., représentée par Me Dumoulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 janvier 2021 ;
2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge des consorts G... et E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison d'une motivation insuffisante et est entaché d'erreurs de fait ;
- le jugement est entaché d'une erreur d'interprétation des documents graphiques ;
- des erreurs de faits ont été retenues par le Tribunal en considérant que la délimitation des parcelles cadastrales suivait le plan de zonage du POS et les dispositions de la zone NC ne sont pas applicables.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2021, le 6 décembre 2021 et le 27 juin 2022, M. et Mme G... et M. et Mme E..., représentés par Me Gallety, concluent au rejet de la requête et à ce que Mme I... F... leur verse la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 23 juin 2022, la commune de Montagnieu, représentée par Me Fiat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 janvier 2021 ;
2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des consorts G... et E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les consorts G... et E... n'ont pas intérêt à agir ;
- le jugement est irrégulier en raison d'une motivation insuffisante et est entaché d'erreurs de fait ;
- le Tribunal a effectué une erreur d'interprétation des documents graphiques ;
Par ordonnance du 24 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2022.
II) Sous le n° 21LY01032, par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mars 2021 et le 23 novembre 2021, la commune de Montagnieu, représentée par Me Fiat, demande à la cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 janvier 2021 ;
2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des consorts G... et E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les consorts G... et E... n'ont pas intérêt à agir ;
- le jugement est irrégulier en raison d'une motivation insuffisante et est entaché d'erreurs de fait ;
- le Tribunal a effectué une erreur d'interprétation des documents graphiques ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juin 2021 et le 6 décembre 2021, M. et Mme G... et M. et Mme E..., représentés par Me Gallety, concluent au rejet de la requête et à ce que la commune de Montagnieu leur verse la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Montagnieu ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me Dumoulin pour Mme F..., ainsi que celles de Me Punzano pour la commune de Montagnieu et celles de Me Gallety pour M. et Mme G... et M. et Mme E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les époux E... et G... sont propriétaires des parcelles cadastrées section J..., sur le territoire de la commune de Montagnieu. Par arrêté du 10 août 2018, le maire a pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée le 24 juillet 2018 par Mme F..., propriétaire de la parcelle voisine, cadastrée section A.... Cette déclaration a pour objet le détachement d'un lot à bâtir d'une surface de 1 600 m² de sa parcelle qui s'étend sur une superficie totale de 23 108 m². Mme I... F... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2018 par lequel le maire de Montagnieu ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de Mme F....
2. Les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Une déclaration préalable de division de terrains qui constitue le préalable d'une opération d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doit respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même si elle n'a pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. En conséquence, l'intérêt à agir des tiers par rapport à cette autorisation d'urbanisme doit s'apprécier par rapport aux préjudices potentiels qui pourraient résulter des constructions ultérieures ainsi permises.
4. Les époux E... et G... sont propriétaires de terrains voisins immédiats de la parcelle devant être détachée pour constituer un lot à bâtir. Ils font valoir que ce terrain longe leurs parcelles où ils disposent de leurs habitations et indiquent que, de ce fait, le projet est susceptible d'occasionner un préjudice de vue et d'affecter leur cadre de vie. Ils justifient ainsi d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de la décision du 10 août 2018.
Sur la régularité du jugement :
5.Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Mme F... soutient que le jugement est irrégulier en raison d'une motivation insuffisante et est entaché d'erreurs de fait. En relevant aux points 11 à 14 de son jugement que " le trait de séparation des zones NC et UA suit la délimitation des parcelles cadastrales en cette partie du plan d'occupation des sols et classe ainsi le terrain de Mme F... en zone NC, hormis la servitude permettant l'accès au terrain depuis le chemin du Bas Montagnieu, classée en zone UA. Aucune autre indication ne résultant expressément du règlement du plan d'occupation des sols ou des documents graphiques ou pouvant être raisonnablement déduites soit des plans et des documents, soit de la configuration des lieux ne ressort des pièces du dossier ", le tribunal a suffisamment motivé le jugement et le jugement est ainsi régulier. Il ne ressort pas davantage du jugement que des erreurs de fait auraient été commises.
6.Pour le surplus, en critiquant les motifs qui ont conduit les premiers juges à rejeter leur demande, les requérants contestent non la régularité de ce jugement mais son bien-fondé.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 10 août 2018 :
7.Aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la déclaration comprend : a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; (...) Ces pièces sont fournies sous l'entière responsabilité des demandeurs. ".
8.Il ressort de l'extrait du document graphique du plan d'occupation des sols que le trait de séparation des zones NC et UA suit la délimitation des parcelles cadastrales en cette partie du plan d'occupation des sols et classe ainsi le terrain de Mme F... en zone NC, hormis la servitude permettant l'accès au terrain depuis le chemin du Bas Montagnieu, classée en zone UA. Dans ses écritures d'appel, Mme F... fait valoir que le zonage ne suit pas exactement et en tous points le plan cadastral et que la limite de la zone UA ne suit pas exactement la limite cadastrale de la parcelle ... et de la parcelle .... Toutefois, à l'exception d'un minime décrochement à l'angle de l'étroite bande de terrain qui donne accès à la voie publique et qui a vocation à être grevée d'une servitude de passage au profit du lot détaché, le bord extérieur du trait de zonage coïncide de façon quasi continue avec la limite est de la parcelle A.... Dès lors, et alors qu'aucun autre élément du dossier ne permet une interprétation différente, la parcelle de Mme F... doit être regardée, à l'exception de ladite servitude, comme classée dans sa totalité en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune, contrairement à ce que soutient le maire dans son courrier du 13 mars 2019. La circonstance que le certificat d'urbanisme qui a été délivré à la pétitionnaire le 21 juin 2018 indique que le terrain d'assiette du projet se situe en partie en zone UA et en partie en zone NC, n'a pas d'incidence sur le sens de la décision contestée dans la mesure où les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme créent un droit à la cristallisation des règles qui sont légalement applicables à la date de sa délivrance et non un droit à la cristallisation du contenu du certificat. Ainsi l'avant-projet sommaire joint par la pétitionnaire à sa demande est erroné en ce qu'il intègre une partie du terrain litigieux d'une surface de 1 600 m² dans la zone UA du plan d'occupation des sols et seules les dispositions de la zone NC sont applicables.
9.Aux termes du chapitre NC du plan d'occupation des sols, la zone NC correspond aux : " (...) zones de richesses naturelles à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol. ". Aux termes de l'article NC 2 sont interdites " toutes constructions, installations, occupations et utilisations du sol sauf celles énumérées à l'article NC 1 ". Aux termes de l'article NC 1 : " Sont admis sous conditions (...) : 1. Les constructions et installations, les occupations et utilisations du sol directement liées et nécessaires aux activités agricoles. 2. Pour les bâtiments d'habitation existants non liés à l'activité agricole d'une surface minimum de 50 m², leur extension jusqu'à 250 m² de surface hors œuvre nette, y compris l'existant, une extension de 30 m² supplémentaires si la surface hors œuvre nette initiale est supérieure à 250 m². 3. Pour les bâtiments à usage d'activité non liés à l'activité agricole : leur extension dans la limite de 30% de la surface hors œuvre nette. 4. La reconstruction à l'identique des surfaces des bâtiments non liés à l'activité agricole en cas de sinistre sans changement de destination. 5. Les annexes aux habitations existantes d'une superficie maximale de 50 m². 6. Les installations classées nécessaires à la mise en valeur des produits agricoles cultivés sur la zone. 7. Les exhaussements et affouillements du sol liés à l'activité agricole. 8. Les équipements d'infrastructure susceptibles d'être réalisés dans la zone. 9. Les aires de stationnement ouvertes au public. 10. Le camping à la ferme, dans la mesure où il concerne moins de 20 campeurs ou moins de 6 abris de camping à la fois. 11. Les aires naturelles de camping. 12. La transformation des bâtiments existants en gîtes ruraux sans changement de volume. 13. Les démolitions. 14. Les clôtures. 15. Le changement de destination dans le cadre du volume bâti existant et dans la limite de 250 m² de S.H.O.N. des bâtiments identifiés au plan de zonage au titre de l'article 1.123.3.1 du Code de l'urbanisme. ".
10.Il appartient, à l'autorité compétente de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de division permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises. Alors que Mme F... envisage la construction d'une maison d'habitation ainsi qu'elle le précise elle-même dans ses écritures sur un lot à détacher de cette parcelle d'une surface de 1 600 m² contigüe aux terrains des requérants les dispositions précitées des articles NC 1 et NC2 seules applicables au terrain en cause interdisent toutes constructions de ce type.
11.Il résulte de ce qui précède que Mme I... F... et la commune de Montagnieu ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2018.
Sur les frais liés au litige :
12.Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme I... F... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des époux E... et G..., qui ne sont pas partie perdante et à ce que la somme que la commune de Montagnieu demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des époux E... et G..., qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme I... F... le versement d'une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les époux E... et G... et de mettre à la charge de la commune de Montagnieu le versement d'une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les époux E... et G....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme I... F... est rejetée.
Article 2 : La requête de la commune de Montagnieu est rejetée.
Article 3 : Mme I... F... versera la somme de 1 500 euros aux époux E... et G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune de Montagnieu versera la somme de 1 500 euros aux époux E... et G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... F..., à M. et Mme D... et B... G... et à M. et Mme H... et C... E... et à la commune de Montagnieu.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
Le rapporteur,
H... Bodin-Hullin
La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00625 - 21LY01032