Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, et a fixé le pays de destination en lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2100084 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Bey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation et d'une notification déloyale, alors qu'il était en passe de déposer sa demande de régularisation à la préfecture où il était d'ores et déjà convoqué ;
- elles ont été prises en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français depuis son entrée en 2013 ; il démontre son insertion sociale et professionnelle et n'a plus de liens familiaux en Algérie ;
- pour les mêmes motifs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit en omettant de se prononcer sur l'ensemble des critères prévus à l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été déclarée caduque par une décision du 7 juillet 2021
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ensemble le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère, a été entendu lors de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, M. B... A..., ressortissant algérien né le 28 mars 1986, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Le requérant soutient que l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise en son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il était, lors de son interpellation, en passe de régulariser sa situation au regard de son droit au séjour, par le dépôt d'une demande de délivrance d'un certificat algérien portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien et que eu égard à la durée , depuis 2013, et aux conditions de son séjour sur le territoire français, de son insertion professionnelle et sociale, et de ce qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Toutefois, n'étant pas en mesure d'établir une entrée régulière sur le territoire français par la production de pièces probantes en révélant la date, célibataire et sans enfant à charge, n'établissant pas disposer d'un domicile fixe, ni de moyens d'existence légaux dès lors qu'il a déclaré travailler sans autorisation de travail, ne pouvant justifier d'une prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi que de garantie de rapatriement, se prévalant sans l'établir de la présence d'un frère sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de plein droit du certificat de résidence algérien prévu par les stipulations de l'article 6 §5 de l'accord franco-algérien. Le préfet précise dans son arrêté que le rendez-vous en préfecture obtenu sur internet le 28 décembre 2020, dont l'intéressé se prévaut était destiné au dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en tout état de cause, être écartés.
6. Il ressort également des motifs de l'arrêté litigieux que M. A..., défavorablement connu des services de police, sous divers alias, ainsi que l'a révélé la comparaison de ses empreintes dans le cadre de la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales, pour des délits répétés, avait déjà fait l'objet, ainsi qu'il l'a d'ailleurs admis, de mesures d'éloignement avec et sans délai d'exécution qu'il confirme ne pas avoir exécutées, se maintenant délibérément en situation irrégulière. Dès lors, dépourvu de tout document d'identité et ne pouvant justifier d'un titre de séjour en cours de validité en France, sa situation ne faisait pas obstacle à ce que le préfet décide de l'obliger à quitter le territoire français, sans délai au regard du risque que M. A... se soustraie, à nouveau, à l'exécution d'une telle mesure. Par suite, en décidant de l'éloigner sans délai, le préfet de Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant, la circonstance que l'intéressé avait obtenu un rendez-vous en préfecture du Rhône pour y déposer une demande de régularisation étant, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que si la décision d'interdiction de retour doit être motivée et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs, leur énoncé permettant d'attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit précisé l'importance accordée à chaque critère. L'autorité administrative compétente fait état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit également, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision l'existence d'une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue, selon elle, une menace à l'ordre public. En revanche, si, après examen de la situation de l'intéressé à l'aune de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
9. Au cas d'espèce, il ressort de la lecture de l'arrêté contesté que, pour décider d'assortir l'obligation de quitter sans délai le territoire français d'une interdiction de retour en France, le préfet de Savoie s'est fondé sur l'examen de la situation de l'intéressé notamment au regard du 8ème alinéa du III de l'article L. 511-1 et des circonstances précitées révélant, premièrement, que M. A..., célibataire et sans enfant, n'établissait pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans, deuxièmement, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après notification, par décisions préfectorales, en dernier lieu le 29 avril 2019, de précédentes mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées et qu'il ne démontre pas être entré régulièrement sur le territoire français, troisièmement, qu'il est demeuré en situation irrégulière et a travaillé sans autorisation de travail, muni d'un faux permis de travail portugais et qu'il est défavorablement connu des services de police sous différents alias pour des délits répétés, quatrièmement, qu'il ne pouvait pas bénéficier de la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien et ne justifiait pas de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision et de l'erreur de droit doivent être écartés comme manquant en fait.
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant ne démontre pas l'existence d'une vie privée et familiale ancienne, ancrée et stable sur le territoire français. Il n'a pas contesté avoir fait l'objet de mesures d'éloignement non exécutées, s'être maintenu délibérément en situation irrégulière en France, avoir travaillé sans autorisation, avoir commis plusieurs délits sous différents alias, avoir déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine et avoir adopté un comportement délibéré empêchant la délivrance par les autorités algériennes d'un laissez-passer consulaire. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, serait entachée d'une erreur d'appréciation et serait disproportionnée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
La rapporteure,
E. Conesa-Terrade
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02635