Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2008951 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2021, M. C..., représenté par Me Idchar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 12 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou un titre de régularisation ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour porte une atteinte grave et disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il justifie qu'il remplit les conditions requises pour se voir délivrer un premier titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " et de l'existence de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires justifiant sa régularisation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2021, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 15 février 1980, est entré en France en juillet 2014, muni d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 septembre 2015. Il a sollicité, le 6 décembre 2017, son admission exceptionnelle au séjour. M. C... relève appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Loire du 12 novembre 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 novembre 2020 :
En ce qui concerne le refus d'admettre M. C... au séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. C... fait état de la durée de sa présence en France, de son intégration notamment professionnelle, de la présence à ses côtés de son épouse et de leurs cinq enfants, tous scolarisés, et de l'état de santé de sa fille A..., née le 21 février 2012, qui souffre de difficultés neuro-développementales faisant suspecter des troubles du spectre autistique. Toutefois, M. C... a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie. Son épouse est également en situation irrégulière. Ses enfants, qui du reste, y sont retournés avec leur mère en mai 2016, avant d'entrer de nouveau en France en décembre 2017 et février 2018, pourront y être scolarisés. Il n'est pas démontré que sa fille ne pourrait bénéficier d'un accompagnement approprié en Tunisie. En l'absence d'obstacle avéré à ce que la cellule familiale de M. C... se reconstitue dans son pays d'origine, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées. M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que la préfète de la Loire, en refusant la régularisation de sa situation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, compte tenu de la situation du requérant telle qu'elle vient d'être rappelée, le refus de titre de séjour ne peut davantage être regardé comme portant à l'intérêt supérieur de ses enfants, en particulier de la jeune A..., une atteinte contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. En troisième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. M. C... occupe depuis 2017 un emploi de mécanicien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Toutefois, comme l'a relevé le jugement attaqué, le requérant ne justifie pas d'un diplôme particulier pour l'exercice de cet emploi et la seule expérience acquise en France ne permet pas de caractériser une erreur manifeste d'appréciation de la préfète de la Loire dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au titre du travail, que les premiers juges ont substitué à la base légale erronée fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 4, M. C... n'est pas fondé à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01664