Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 12 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Saône-et-Loire a refusé de faire droit à sa demande de changement de son statut de " travailleur saisonnier " au profit d'un statut de " salarié ".
Par un jugement n° 2001633 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 juin 2021, M. A..., représenté par Me N'Diaye, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Saône-et-Loire du 12 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder, dans un délai de quinze jours, à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision litigieuse méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain, l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.
Par une ordonnance du 20 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2022.
Par courrier en date du 7 mars 2022, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre portant la mention "salarié" à un ressortissant marocain, et de la possibilité d'y substituer en tant que de besoin la base légale tirée de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.
Par courrier du 7 mars 2022, des pièces ont été demandées pour compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Saône-et-Loire du 12 décembre 2019 rejetant sa demande de changement de son statut de " travailleur saisonnier " au profit d'un statut de " salarié ".
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence (...) ".
3. Ainsi que l'ont indiqué à juste titre les premiers juges, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, si le préfet s'est à tort fondé sur les dispositions de l'article L. 313-10 pour rejeter la demande du requérant, la base légale tirée des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé peut être substituée à cette base légale erronée, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation.
4. En conséquence, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, pour rejeter la demande dont il était saisi, le préfet de la Saône-et-Loire a relevé que M. A... se prévalait d'une promesse d'embauche pour un contrat de six mois, que le titre portant la mention " salarié " est délivré au ressortissant étranger " pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat à durée indéterminée " et que le titre de séjour dont l'intéressé dispose, qui l'autorise à occuper des emplois saisonniers pendant des périodes fixées par l'autorisation et dans la limite de six mois par an et qui suppose un engagement à résider hors de France, ne lui donne pas droit au changement de statut qu'il sollicite. M. A... ne conteste pas utilement ces motifs en faisant valoir que la promesse d'embauche pour une durée de six mois dont il dispose est " renouvelable en contrat à durée indéterminée " et en se prévalant de son entrée régulière sur le territoire français et du salaire qui lui est versé. Par ailleurs, la légalité de la décision litigieuse s'appréciant à la date à laquelle elle a été adoptée, M. A... ne saurait se prévaloir ni d'une promesse d'embauche et d'un contrat de travail à durée indéterminée intervenus postérieurement à son adoption, ni, en tout état de cause, d'un séjour de plus de trois ans sur le territoire français à compter de son entrée en septembre 2017. Dans ces conditions, M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 dépourvue de portée réglementaire et à défaut d'avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'a pas été examiné d'office par le préfet, n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
6. En troisième lieu, la décision litigieuse ayant seulement pour objet de statuer sur une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et au vu des motifs qui la justifient, tels que rappelés au paragraphe précédent, M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'ont pas été examinées d'office par le préfet de la Saône-et-Loire.
7. En quatrième lieu, M. A... n'ayant pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été examiné d'office par le préfet de la Saône-et-Loire, il ne peut utilement s'en prévaloir à l'encontre de la décision litigieuse.
8. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. A... disposait d'un titre de séjour en cours de validité en qualité de travailleur saisonnier l'autorisant à se rendre régulièrement en France. Dans ces conditions, nonobstant les attaches familiales dont il dispose sur le territoire français, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Saône-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour lui accorder le changement de statut sollicité.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02123