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27/10/2022 | FRANCE | N°21LY02738

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 27 octobre 2022, 21LY02738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2009329 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2021, M. A..., représenté par Me Drahy, demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme le réexamen de sa demande et, dans l'atte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2009329 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2021, M. A..., représenté par Me Drahy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme le réexamen de sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente dès lors que seul le préfet du lieu de constatation du séjour irrégulier était compétent pour prendre l'arrêté attaqué ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et de motivation dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ;

- pour ce même motif, elle est également entachée d'un défaut de base légale, le préfet ne pouvant fonder son arrêté sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'entrée irrégulière ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu dès lors qu'il n'a pu faire valoir ses observations, lors de sa retenue, de manière utile et effective au sens de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été privé de la possibilité de déposer un dossier de demande de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme en ce que la détermination du point de départ du délai de départ volontaire est imprécise ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour ce même motif ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée, pour ce motif, d'une erreur d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, la préfète de la Drôme conclut au rejet de la requête de M. A....

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, a été interpellé par les services de la gendarmerie nationale de la Drôme le 15 décembre 2020 dans le cadre d'un contrôle de la régularité de son séjour. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. A... soutient que le magistrat délégué a omis de répondre au moyen soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire tiré de ce que le principe général du droit d'être entendu a été méconnu, il ressort toutefois des mentions du jugement contesté, plus particulièrement de ses points 4 et 5, que celui-ci a traité ce moyen. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité de jugement doit être écarté.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Il résulte des articles L. 611-1 et R. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, que le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. En outre, si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent. Dès lors, le préfet de la Drôme, préfet du département dans lequel l'irrégularité du séjour de M. A... a été constatée, était bien territorialement compétent pour prendre les décisions attaquées.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

4. En premier lieu, les visas n'ayant pas de portée juridique propre, une éventuelle erreur dans leurs mentions est sans influence sur la légalité de l'acte et n'est pas de nature à faire regarder la décision comme entachée d'une erreur de fait pour ce seul motif.

5. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en visant notamment le maintien de l'intéressé en situation irrégulière au terme de son visa et le premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, qui comporte un 2° concernant le maintien sur le territoire français au-delà de la durée de validité du visa. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

6. En troisième lieu, si M. A... indique que la décision est entachée d'un défaut de base légale, ce moyen manque en fait le préfet s'étant fondé sur le 2° du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé s'étant maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

8. En cinquième lieu, d'une part, M. A... soutient, sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pas avoir bénéficié d'une notification de ses droits lors de la procédure de retenue administrative. Il indique ainsi ne pas avoir été informé de son droit à bénéficier d'un avocat, d'un interprète, à être examiné par un médecin et à prévenir sa famille. Toutefois, les mesures de contrôle et de retenue que prévoient les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire. Dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles M. A... a été contrôlé et retenu en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet.

9. D'autre part, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Il n'impose pas davantage que l'intéressé soit assisté d'un avocat lors de cette audition ou même informé de la possibilité d'être ainsi assisté.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de synthèse dressé par les services de police le 29 janvier 2021 que M. A... a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne en indiquant notamment être marié, être entré régulièrement sur le territoire français et n'avoir pu régulariser sa situation administrative en raison de l'annulation par la préfecture, du fait des conditions sanitaires, de sa convocation en vue de déposer sa demande de titre de séjour. S'il indique que le délai entre la prise de rendez-vous et la convocation en préfecture est particulièrement long de sorte que l'administration doit être regardée comme responsable du retard dans l'enregistrement de sa demande, il n'a, pour autant, pas été privé de la possibilité de faire valoir ses observations préalablement à la décision l'obligeant à quitter le territoire.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. A... se prévaut de son mariage le 28 janvier 2017 avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans qui lui avait été délivré en 2011 et de l'intégration en France, notamment professionnelle, de cette dernière. Toutefois, M. A... ne produit aucun justificatif probant établissant la réalité d'une communauté de vie avec son épouse, ne justifie pas d'une intégration particulière en France ni être dénué d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, eu égard au caractère relativement récent de son entrée en France et aux conditions de séjour de l'intéressé, le refus de titre de séjour pris à l'encontre de M. A... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est, pour ces mêmes motifs, pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Enfin, M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme et de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Il découle des points précédents que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à en exciper l'illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02738
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-27;21ly02738 ?
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