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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY00900

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY00900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1800746 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1800746 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars et 23 novembre 2021, la SARL A..., représentée par Me Rebinguet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

Elle soutient que :

- les factures des 7 décembre 2011 et 31 décembre 2011, qui ne correspondaient pas aux matériaux désignés et que l'administration a refusé d'admettre en déduction de son résultat imposable, ont été falsifiées par la société Gedimat, à l'instigation du gérant de cette société, contre laquelle elle a porté plainte pour escroquerie ;

- ces factures correspondent à des matériaux de construction d'une piscine installée chez son gérant à titre d'avantage accordé à ce dernier dans le cadre d'une politique d'encouragement menée par la société Gedimat, qui est responsable de cette facturation, de telle sorte que n'étant pas à l'origine de cette situation, elle ne saurait se voir appliquer la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses ;

- les frais de mission et de réception engagés pour l'acquisition d'une centrale à béton en Turquie, après une visite de l'équipement au Liban, sont déductibles de son résultat, ainsi que l'a d'ailleurs admis partiellement la commission départementale des impôts direct et des taxes sur le chiffre d'affaires, que l'administration n'a pas voulu suivre ;

- l'allocation de 1 000 euros versée à un stagiaire avait pour contrepartie la rédaction d'une plaquette présentant l'entreprise et ses réalisations et résulte d'une obligation légale en la matière en application du code du travail et du code de l'éducation ;

- les frais de publicité et de sponsoring, d'un montant limité au regard de son chiffre d'affaires, facturés par une agence intervenant dans le secteur hippique sont justifiés, dès lors qu'ils correspondent à une prestation de mailing afin de lui permettre d'acquérir une notoriété dans ce secteur d'activité ;

- l'acompte de 7 500 euros TTC antérieurement payé à la société Verrisol était imputable sur le montant total de la facture définitive du 10 juin 2013, sans qu'apparaisse une double déduction de cet acompte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL A..., qui a pour activité l'exécution de travaux de maçonnerie générale et gros œuvre du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos de 2011 à 2013, et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, notifiés selon la procédure contradictoire, à raison de la remise en cause du caractère déductible de son résultat imposable de diverses charges et de la taxe sur valeur ajoutée y afférente. La SARL A... relève appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. Il résulte de l'instruction et notamment des informations obtenues par l'administration auprès de l'autorité judiciaire, détaillées dans la proposition de rectification du 8 décembre 2014, que les sommes de 16 131 euros hors taxes et 14 196 euros hors taxes, incluses, sous un libellé falsifié, dans la facturation mensuelle établie par la société Gedimat au nom de la SARL A... les 31 octobre et 31 décembre 2011, ont été comptabilisées en charges et payées par cette dernière, alors qu'elles correspondaient à l'achat de matériaux, à savoir des lames, lambourdes ainsi qu'un lot piscine et un lot de produits chimiques, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été livrés au domicile personnel de M. A..., qui faisait alors construire une piscine avec terrasse. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des sommes correspondantes du résultat de la SARL A..., la circonstance que les manipulations comptables aient été instiguées, non par elle, mais par la société Gedimat, étant, à cet égard, sans incidence.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déduction de frais de mission et de réception comptabilisés par la SARL A... à hauteur de la somme de 7 889 euros, en l'absence de production des justificatifs correspondants. La société requérante fait valoir que ces frais se rapportent à des déplacements au Liban et en Turquie, effectués en vue de l'acquisition d'une centrale à béton et que, dans sa séance du 5 octobre 2016, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a considéré, au vu des pièces produites devant elle, que ces dépenses étaient justifiées à hauteur de la somme de 2 496 euros. Toutefois, les justificatifs produits à concurrence de ce montant, à savoir des billets d'avion et des factures d'hôtel, ne correspondent ni dans les dates, ni dans les montants, aux neuf écritures de charges enregistrées aux comptes 6250000 " déplacements, missions, réceptions " et 62510000 " voyages et déplacements " et rejetées par l'administration. Par suite, la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre ces charges en déduction de son résultat imposable.

5. L'administration a également réintégré dans le résultat de la SARL A... la charge comptabilisée le 31 août 2011 au débit du compte n° 6238 " dons pourboires ", d'un montant de 1 000 euros et correspondant à la gratification versée à un stagiaire. Si la société a effectivement accueilli en stage un étudiant de l'IUT Lyon 1 pendant cinq semaines au cours de l'été 2011, aucune convention de stage prévoyant le versement d'une rémunération à l'intéressé n'a été produite. Par ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu, le paiement de ce stagiaire n'était imposé ni par les articles L. 6341-1 à L. 6341-6 du code du travail, qui concernent les seuls stagiaires de la formation professionnelle continue, ni par l'article L. 124-6 du code de l'éducation, qui prévoit l'allocation d'une gratification aux seuls stagiaires qui effectuent un stage de formation en milieu professionnel d'une durée supérieure à deux mois, consécutifs ou non. Enfin, la SARL A..., ne justifie pas, par la production d'un extrait du rapport réalisé par ce stagiaire, qui ne saurait être assimilé à une plaquette de présentation de l'entreprise destinée aux tiers, de l'existence et de la valeur de la contrepartie qu'elle a retirée de la gratification accordée. Par suite, la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû admettre la dépense correspondante en déduction son résultat imposable.

6. La SARL A... a comptabilisé en charges des frais de publicité, pour un montant de 12 000 euros en 2011, de 16 000 euros en 20132 et de 13 896 euros en 2013, facturés par l'agence IDEF dont l'objet est le " conseil achat vente management de chevaux de course " et correspondant à des prestations libellées " sponsoring pour recherche clientèle " sans autre précision, que l'administration fiscale a remis en cause en l'absence de justification tant de la consistance de la prestation fournie par une entreprise sans lien avec le domaine du bâtiment, que d'une contrepartie pour la SARL A... en termes de chiffre d'affaires et de développement de sa clientèle. La société requérante, qui indique vouloir développer son activité de construction dans le secteur hippique, se borne à faire valoir que l'agence IDEF a réalisé une campagne de mailing auprès de ses abonnés ou adhérents, constitués notamment d'écuries et de haras, visant à promouvoir son activité et à produire, à l'appui de ses dires, un courriel du 21 novembre 2014 de cette agence indiquant que les prestations facturées correspondent à la recherche de clients, à des campagnes d'emailing et à la diffusion d'un message téléphonique de recommandation. Ce faisant, elle ne peut être regardée comme justifiant, de façon suffisamment précise, la teneur des prestations effectivement réalisées par l'agence IDEF, et l'existence et la valeur et de la contrepartie qu'elle en a retiré pour sa propre exploitation, en termes, notamment, de progression de son chiffre d'affaires, alors qu'elle utilise, par ailleurs, les canaux locaux pour la diffusion de sa publicité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé d'admettre les charges en litige en déduction du résultat imposable de la SARL A....

7. Il résulte de l'instruction que le 1er janvier 2013, la SARL A... a comptabilisé en charge une somme de 6 270,90 euros HT correspondant à un acompte versé à la société Verissol Services et qu'elle a, le 10 juin suivant, comptabilisé en charge la facture définitive émise par cette société, d'un montant de 10 000 euros HT, comprenant à la fois le montant de l'acompte et le solde dû. Si la SARL A..., qui produit la facture du 10 juin 2013, fait valoir que l'acompte était imputable sur le montant total de cette facture, qu'il est mentionné par erreur sur celle-ci le versement d'un acompte au 30 juin 2013 et que cette incohérence résulte de l'existence de trois chantiers en cours sur la même période avec l'entreprise Verrisol, il n'en demeure pas moins qu'elle a comptabilisé deux fois le montant de l'acompte en litige. Par suite, l'administration était fondée à réintégrer la somme de 6 270,90 euros dans son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

8. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Lorsque, sur le fondement de ces dispositions, l'administration met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, au motif que ce bien ou ce service n'a pas été utilisé pour les besoins des opérations imposables du redevable, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté la rectification qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que les conditions posées pour une telle déduction ne sont pas remplies.

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 à 7 du présent arrêt, l'administration démontre que les charges comptabilisées par la SARL A... et non admises en déduction de son résultat imposable, faute de justificatifs ou en raison de ce qu'elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, n'ont pas été utilisées pour les besoins de ses opérations imposables. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses correspondantes.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Il résulte de ces dispositions que les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle.

11. L'administration a appliqué la majoration de 80 % aux seuls droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses relatives à l'achat de lames de terrasses, d'un lot piscine et de produits chimiques à la société Gedimat. Elle fait valoir, à cet égard, que la nature des biens livrés a été falsifié sur les factures émises dans le but de masquer des livraisons effectuées pour le compte personnel de M. A... et que la société requérante, qui a porté ces dépenses en charges et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée les grevant, ne pouvait ignorer leur objet et leur bénéficiaire réel, à savoir son gérant, qui est à l'origine du procédé ainsi mis en œuvre dans son intérêt exclusif. Ce faisant, elle apporte la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, du bien-fondé de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, alors même que la SARL A... n'est pas l'émettrice des factures en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00900
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : REBINGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly00900 ?
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