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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY01007

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY01007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1800759 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquel

s ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et rejeté le surplus de leur demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1800759 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 avril et 25 novembre 2021, M. et Mme A... C..., représenté par Me Rebinguet, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant à leur charge au titre de l'années 2011 et la réduction de celles afférentes à l'année 2012 ;

Ils soutiennent que :

- les factures des 7 décembre 2011 et 31 décembre 2011, qui ne correspondaient pas aux matériaux désignés et que l'administration a refusé d'admettre en déduction du résultat imposable de la SARL Da C..., ont été falsifiées par la société Gedimat, à l'instigation du gérant de cette société ; ces revenus distribués par la SARL Da C... sont imposables sur le fondement des 1° et 2° de l'article 109-1 du code général des impôts et non sur celui de l'article 111c du même code ;

- les cadeaux reçus de la société Gedimat que l'administration a imposés sur le fondement de l'article 111 c s'inscrivent dans le cadre de la politique de " challenges " mise en place par cette entreprise afin de développer sa clientèle, sans qu'elle déclare à l'administration fiscale l'identité des bénéficiaires et le montant des avantages consentis et qu'elle informe ses clients de l'obligation de déclarer eux-mêmes ces avantages ;

- l'administration ne justifie pas du bien-fondé de la pénalité de 40 % qui leur a été appliquée, en l'absence de démonstration du caractère intentionnel de l'infraction ;

- la pénalité de 80 % n'est pas davantage justifiée, dès lors que la falsification des factures a été opérée par la seule société Gedimat, à l'égard de laquelle M. A... C... ne dispose d'aucun pouvoir de contrôle ;

- ils ne contestent pas la rectification opérée en 2012 au titre d'un bénéfice industriel et commercial de 6 054 euros non déclaré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin de décharge, en tant qu'elles portent sur l'imposition de l'année 2012 résultant de la rectification opérée en matière de bénéfice industriel et commercial sont irrecevables, en l'absence de moyens développés à leur soutien ;

- pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les rectifications fondées sur l'article 111 c du code général des impôts correspondant aux distributions en provenance de la SARL Da C... peuvent être maintenues sur le fondement du 1° ou du 2° de l'article 109-1 du même code ;

- à titre subsidiaire, la pénalité de 40 % pour manquement délibéré peut être substituée à celle de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

Par une ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Da C..., qui avait pour activité l'exécution de travaux de maçonnerie générale et de gros œuvre dans le bâtiment et dont M. B... A... C... était le gérant et détenait la moitié des parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du caractère déductible de certaines charges comptabilisées au titre des exercices 2011 à 2013. En parallèle, M. et Mme A... C... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a réintégré dans leurs bases imposables la valeur d'avantages consentis par la SARL Da C... sous forme de mise à disposition personnelle de matériaux de fabrication d'une piscine livrés à leur domicile, d'une part, et par la société Gedimat, fournisseur de la SARL Da C..., sous forme de voyages d'agrément, d'un spa et de matériaux de piscine livrés à leur domicile d'autre part, qu'elle a regardés comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. A... C... dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Ces rectifications, notifiées sur le fondement de la procédure contradictoire, ont donné lieu à l'établissement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la décharge des impositions auxquelles M. et Mme A... C... ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes. Ils relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande afférente aux années 2011 et 2012.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL Da C... :

3. II résulte de l'instruction, et notamment des termes des propositions de rectification des 8 décembre 2014 et 4 mai 2015 adressées à M. et Mme A... C..., qui reprennent les informations obtenues par le service vérificateur auprès de l'autorité judiciaire, que la société Gedimat a inclus, dans des factures mensuelles globales établies les 31 octobre et 31 décembre 2011 au nom de la SARL Da C..., qui les a comptabilisées et payées, sous des libellés falsifiés, des matériaux, à savoir des lames, lambourdes et accessoires pour l'entourage d'une piscine d'une valeur de 16 131,90 euros HT, et un lot piscine et produits d'entretien, d'une valeur de 14 196,17 euros HT, qui ont été livrés au domicile personnel de M. A... C..., ce que les requérants ne contestent pas. S'ils font valoir que les factures ont été falsifiées par les employés de la société Gedimat, à la demande du directeur de l'établissement de cette société, cette circonstance, qui est d'ailleurs contredite par les transcriptions des auditions effectuées au cours de l'enquête pénale, qui font ressortir la pleine implication de M. A... C... dans l'opération, est en elle-même sans incidence sur le constat, opéré par le service, du paiement, par la SARL Da C..., des dépenses concernées aux lieu et place de son gérant. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que la SARL Da C... a pris en charge, à hauteur des montants ci-dessus énoncés, des dépenses incombant personnellement à M. A... C.... Par suite, et dès lors que ces avantages sont sans lien avec l'exercice de ses fonctions de dirigeant de cette société, c'est à bon droit qu'elle a taxé la valeur de ces avantages dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

4. Il est constant que les avantages résultant, pour M. A... C..., de la prise en charge, par la société dont il était le gérant, de dépenses personnelles lui incombant, n'ont pas été explicitement inscrits dans la comptabilité de la société. Ils constituent, dès lors, des avantages occultes imposables entre ses mains sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Par suite, M. et Mme A... C... ne sont pas fondés à soutenir que les distributions de la SARL Da C... à M. A... C... ne seraient imposables que sur le fondement du 1° ou du 2° de l'article 109-1 de ce code.

En ce qui concerne les revenus distribués par la société Gedimat :

5. Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

6. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que la société Gedimat a fait bénéficier M. A... C... de divers avantages, constitutifs de libéralités, au cours des années 2011 et 2012. En premier lieu, sur la base d'un bon de commande établi au nom de la SARL Da C..., cette société a fait livrer en 2011 au domicile de M. A... C..., sans qu'aucune facturation ne soit établie, deux spas d'une valeur unitaire de 6 912 euros, dont l'un a été, de l'aveu même de l'intéressé, conservé à son domicile. En deuxième lieu, tant en 2011 qu'en 2012, cette société a livré à M. A... C..., à son domicile, de la colle et du carrelage de piscine pour un montant de 9 739 euros HT, après avoir établi des bons de commande au nom d'un tiers fictif, sans procéder à aucune facturation. En troisième lieu, la société Gedimat a pris en charge les frais d'un voyage aux Maldives du 4 au 12 mars 2011 en hôtel de luxe avec stage de plongée, dont ont bénéficié M. et Mme A... C... et leurs enfants, pour un prix de 15 155 euros, ainsi qu'un voyage à Saint-Barthélemy du 10 au 25 février 2012 au profit des mêmes bénéficiaires, pour un prix de 27 333 euros.

7. Les requérants font toutefois valoir que ces avantages relevaient de la politique de " challenges " mise en place par la société Gedimat afin de fidéliser sa clientèle dont faisait partie la SARL Da C.... En se bornant à soutenir que l'existence d'une telle pratique n'est pas démontrée alors qu'il appartient à l'administration d'établir l'absence de contrepartie pour la société qui consent un avantage à tiers pour pouvoir l'imposer entre ses mains en tant qu'avantage occulte, que seule la SARL Da C..., et non son gérant, était en relation commerciale avec la société Gédimat et, enfin, qu'il ne s'agit pas d'une pratique courante, le ministre n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'absence de contrepartie, pour la société Gedimat, à l'octroi de tels avantages dès lors que M. A... C..., en sa qualité de dirigeant de la SARL Da C..., dispose du pouvoir d'engager commercialement sa société et que la circonstance que l'octroi d'avantages de la nature et de l'importance de ceux accordés à l'intéressé ne relèverait pas d'une pratique commerciale habituelle n'est pas, en soi, de nature à faire obstacle à la prise en charge de ces dépenses par la société si elles sont conformes à l'intérêt de l'exploitation. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans leurs revenus imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, la valeur des avantages qui leur ont été consentis par la société Gedimat.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que M. et Mme A... C... sont fondés à obtenir la décharge de la majoration de 40 % prévue par ces dispositions, qui a été appliquée aux droits supplémentaires résultant de la réintégration, dans leurs bases imposables des années 2011 et 2012, des distributions en provenance de la société Gedimat.

10. La majoration de 80 %, prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts, a, quant à elle, été appliquée aux seuls aux droits supplémentaires résultant de la réintégration, dans les bases imposables de M. et Mme A... C... de l'année 2011, des distributions effectuées par la SARL Da C.... Sur ce point, l'administration, qui fait état des falsifications opérées sur les factures afin de dissimuler l'objet et le bénéficiaire réel des dépenses exposées par cette société et de la circonstance que M. A... C..., qui entretient des liens d'amitié avec le dirigeant de la société Gedimat, émettrice des factures, a été à l'origine, ou, à tout le moins, ne pouvait ignorer la fraude ainsi mise en œuvre, apporte la preuve, qui lui incombe, de la participation de l'intéressé à un procédé de nature à l'égarer et à restreindre son pouvoir de contrôle. Par suite, elle justifie du bien-fondé de la pénalité ainsi appliquée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... C... sont seulement fondés sont à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 procédant de la réintégration, dans leur base imposable, des distributions de la société Gedimat.

DÉCIDE :

Article 1er : La base imposable de M. et Mme A... C... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 est réduite du montant des distributions provenant de la société Gedimat.

Article 2 : M. et Mme A... C... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 correspondant à la réduction en base énoncée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1800759 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la M. et Mme A... C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01007
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : REBINGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly01007 ?
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