Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Roanne à l'indemniser de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis à la suite d'une chute qu'elle a effectuée sur la voie publique le 15 novembre 2017.
Par un jugement n° 1805011 du 28 mai 2019 le tribunal administratif de Lyon a déclaré la commune de Roanne responsable à hauteur des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme B... le 15 novembre 2017 et ordonné une expertise avec pour mission de se prononcer sur les préjudices subis par celle-ci.
Par un jugement n° 1805011 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a, premièrement, condamné la commune de Roanne à verser à Mme B... une somme de 12 951,20 euros au titre des préjudices qu'elle a subis et une somme de 1 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, deuxièmement, condamné la commune de Roanne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire une somme de 3 404,81 euros au titre des débours exposés par elle et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, troisièmement, mis à la charge de la commune de Roanne les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 360,80 euros et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2021, la commune de Roanne, représentée par Me Phelip, demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements n° 1805011 des 28 mai 2019 et 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire ;
3°) subsidiairement, de réduire les sommes accordées en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- sa responsabilité n'est pas engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
- les circonstances de la chute ne sont pas clairement établies ;
- seule une faute de la victime est à l'origine de sa chute ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a limité à un tiers la part des dommages devant rester à la charge de Mme B... ;
- Mme B... ne démontre pas la réalité, ni la durée de l'aide non spécialisée retenue par l'expert ; la nécessité de cette aide et la durée retenue par l'expert ne sont pas davantage établies ;
- l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence de la victime ne saurait excéder une somme globale et forfaitaire de 2 500 euros ;
- les souffrances endurées qualifiées de modérées ne sauraient justifier le paiement d'une somme excédant 4 000 euros, retenue par le tribunal administratif de Lyon ;
- l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent avant partage de responsabilité doit être limitée à 3 000 euros ;
- le préjudice esthétique sera indemnisé à hauteur de 1 400 euros conformément à la jurisprudence.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2021, Mme C... B..., représentée par Me Deygas, peut être regardée comme concluant au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité la responsabilité de la commune de Roanne en retenant une faute de la victime.
Elle soutient :
- le lien de causalité entre l'accident dont elle a été victime et une défectuosité de l'ouvrage public est établi par un témoignage ;
- les photographies montrent la présence d'une excavation d'au moins 6 cm de profondeur sur 20 cm de largeur et 30 cm de longueur, qui a fait l'objet de travaux depuis l'accident ;
- aucune faute ne peut lui être reprochée.
Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire conclut au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 2020 en tant qu'il a limité à deux tiers la responsabilité de la commune de Roanne dans la survenue de l'accident du 15 novembre 2017, à la condamnation de la commune de Roanne au remboursement intégral de ses débours à hauteur d'une somme de totale de 5 107,21 euros correspondant à sa créance définitive, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2017, avec capitalisation des intérêts, et à la mise à la charge de la commune de Roanne d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que
- la commune n'apporte par la preuve de l'entretien normal de la voirie ;
- sa responsabilité pleine et entière doit être retenue et ne saurait être limitée, dès lors qu'il n'est pas démontré que la victime avait connaissance du danger ;
- elle est fondée à réclamer le remboursement de la totalité de ses débours définitifs, imputables sur le poste des dépenses de santé actuelles de Mme B..., sa créance attestée par le médecin conseil étant conforme aux conclusions expertales du Dr A... ;
- le jugement sera confirmé en tant qu'il a condamné la commune à lui verser une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny, président,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Leroy, substituant Me Deygas, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 15 novembre 2017, aux alentours de 19h30, Mme B... a été victime d'une chute sur le territoire de la commune de Roanne, en descendant d'un trottoir pour pénétrer, côté passager, dans un véhicule stationné sur la chaussée adjacente à ce trottoir. Cette chute serait liée à la présence d'une excavation, d'environ 6 cm de profondeur, dans le caniveau situé entre le trottoir dont descendait Mme B... et la chaussée, où était stationné le véhicule dans lequel elle souhaitait s'installer. Par un jugement avant-dire droit du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a déclaré la commune de Roanne responsable à hauteur de deux tiers des conséquences dommageables de cet accident et a ordonné la désignation d'un expert afin d'évaluer les préjudices de Mme B..., puis, par un second jugement du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a, premièrement, condamné la commune de Roanne à verser à Mme B... une somme de 12 951,20 euros au titre des préjudices qu'elle a subis et une somme de 1 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, deuxièmement, condamné la commune de Roanne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire une somme de 3 404,81 euros au titre des débours exposés par elle et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, troisièmement, mis à la charge de la commune de Roanne les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 360,80 euros et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties. Par la présente requête, la commune de Roanne relève appel de ces jugements et conclut, à titre principal, au rejet des conclusions présentées pour Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, et, à titre subsidiaire, à la réduction à de plus juste proportions des condamnations prononcées à son encontre, alors que Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire concluent au rejet de la requête et, par voie d'appels incidents, à la réformation des jugements attaqués en tant qu'ils ont retenu une faute de la victime pour limiter aux deux tiers l'indemnisation des préjudices subis par cette dernière.
2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Lorsque ce lien est établi, le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Si Mme B... soutient que l'excavation à l'origine de sa chute était d'une profondeur d'au moins 6 cm sur une largeur et une longueur de l'ordre de 20 et 30 cm et que la commune a ultérieurement fait réaliser des travaux pour combler cette excavation, la commune de Roanne fait valoir que la présence d'un trou dans un caniveau ne constitue pas une défectuosité de l'ouvrage public de nature à générer un risque pour un usager normalement attentif de la voie publique. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment des photographies versées au dossier qu'eu égard à son emplacement dans un caniveau de couleur claire, naturellement situé en contrebas du trottoir, en un lieu où les piétons et les véhicules n'ont en principe pas vocation à circuler, l'excavation concernée, d'une profondeur limitée à environ 6 cm, ne constituait pas un obstacle ou un danger pour un usager normalement attentif de la voie publique et qu'elle n'avait en conséquence pas à faire l'objet d'une signalisation ou de travaux particuliers. La commune de Roanne doit dès lors être regardée comme établissant l'entretien normal de l'ouvrage public et elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements qu'elle conteste, le tribunal administratif de Lyon a retenu sa responsabilité et l'a condamnée à indemniser Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire des conséquences dommageables de l'accident dont Mme B... a été victime.
4. Par suite, la responsabilité de la commune de Roanne n'étant en l'espèce pas susceptible d'être engagée sur un autre fondement, il y a lieu pour la cour d'annuler les jugements attaqués et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en première instance et en appel pour Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, sous réserve de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative examinées après les dépens.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par jugement avant dire droit, taxés et liquidés à la somme de 1 360,80 euros, à la charge définitive de Mme B....
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Roanne, qui n'est pas la partie tenue aux dépens dans la présente instance, le versement d'une somme à Mme B... ou à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Roanne sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1805011 des 28 mai 2019 et 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées en première instance et en appel pour Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire sont rejetées.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du 28 mai 2019 sont mis à la charge définitive de Mme B....
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roanne, à Mme C... B... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire. Copie en sera adressée à M. A..., expert.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président-rapporteur
F. Pourny
Le président-assesseur
H. Stillmunkes
La greffière
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00326