Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation solidaire de l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche, de l'Etat, de la société Suel et de la société Generali IARD à lui verser la somme totale de 67 278, 92 euros au titre des préjudices résultant du décès de ses deux fils.
Par un jugement n° 1905089 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions présentées par M. B... dirigées contre la société Generali IARD comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2021 et des mémoires enregistrés le 4 janvier 2022 et le 9 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Stubbe, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1905089 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner solidairement l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche, l'Etat, la société Suel et la société Generali IARD, prise en sa qualité d'assureur de la société Suel, à lui verser la somme totale de 208 137,62 euros au titre des préjudices subis à la suite du décès de ses deux fils ;
3°) d'ordonner une expertise médicale en ce qui concerne son état de santé ;
4°) de mettre à la charge solidaire de l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche, de l'Etat, de la société Suel et de la société Generali IARD, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* la responsabilité de l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche, de l'Etat, de la société Suel et de la société Generali doit être engagée solidairement en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage constitué par la passe à canoë située au seuil " des brasseries " sur l'Ardèche ;
* la responsabilité de l'Etat doit être engagée en raison de la carence du préfet de l'Ardèche, d'une part, à édicter l'arrêté listant les ouvrages devant faire l'objet d'une signalisation de la part des propriétaires et exploitants et, d'autre part, à modifier la réglementation relative à la navigation sur l'Ardèche ;
* il est fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices subis à la suite du décès de ses deux fils, qui se composent d'un préjudice d'affection, de frais divers qu'il a dû supporter, d'un déficit fonctionnel, de souffrances endurées et d'un préjudice professionnel.
Par des mémoires enregistrés le 16 décembre 2021, le 7 mars 2022, le 15 mars 2022 et le 18 novembre 2022, la société Suel et son assureur, la compagnie Generali IARD, représentés par la SELARL Teboul, concluent au rejet de la requête.
Elles soutiennent que :
* les conclusions dirigées contre la compagnie Generali IARD sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre, dès lors que cette société est liée à son assurée par un contrat de droit privé ;
* pour le surplus, aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
* l'Etat ne peut être considéré comme propriétaire de la passe à canoë, ni comme étant en charge de son entretien, de sorte que sa responsabilité doit être écartée ;
* il appartenait à l'exploitant d'assurer la sécurité des activités nautiques au niveau du passage de son ouvrage de production d'électricité et donc la signalisation de cet ouvrage ;
* les conditions de navigation ne sont pas à l'origine de l'accident ;
* en tout état de cause, le lien de causalité entre les insuffisances alléguées liées à l'exercice des pouvoirs de police de la navigation fluviale et le décès accidentel des deux fils du requérant n'est pas établi.
Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2022, l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche (EPTBV Ardèche), représenté par la SELARL RETEX Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* les conclusions indemnitaires présentées en dernier lieu par le requérant sont irrecevables comme nouvelles en appel ;
* les moyens invoqués à son encontre ne sont pas fondés ;
* les nouveaux préjudices invoqués ne sont pas établis et ne sont en tout état de cause pas en lien avec l'accident de canoë.
Par courrier du 25 octobre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de l'irrégularité du jugement n° 1905089 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a statué incompétemment sur les conclusions de M. B... dirigées à l'encontre de la société Suel, et de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de ces conclusions.
Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a répondu au moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2022, M. B... a répondu au moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2022, la société Suel et la Compagnie Generali IARD ont répondu au moyen d'ordre public.
Par une lettre du 4 novembre 2022, la cour a demandé à M. B..., sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, dans le cas où la juridiction ne ferait pas droit à la mesure d'expertise sollicitée, de chiffrer les préjudices dont il sollicite l'indemnisation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* le code de l'environnement ;
* le code général des collectivités territoriales ;
* le code des transports ;
* le décret n° 2010-820 du 14 juillet 2010 ;
* l'arrêté du 30 mars 2015 du préfet de l'Ardèche prenant acte de la modification des statuts du Syndicat mixte Ardèche Claire ;
* l'arrêté du 21 mai 2015 du préfet de l'Ardèche portant règlement particulier de police de la navigation sur la rivière Ardèche entre le vieux pont de Voguë et le pont d'Arc ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bosquet représentant pour l'EURL Suel et la Compagnie Generali IARD, de Me Cunin, représentant l' l'EPTBV de l'Ardèche et de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 20 septembre 2015, à l'occasion d'une sortie en canoë sur la rivière Ardèche au seuil des anciennes brasseries à Ruoms, Peter et Paul B..., âgés respectivement de 18 et 11 ans, sont décédés, leur canoë ayant traversé la digue d'une usine hydro-électrique. M. B..., père des victimes a sollicité du tribunal administratif de Lyon la condamnation solidaire de l'établissement public territorial du bassin versant (EPTBV) de l'Ardèche, de la société Suel et de son assureur, la société Generali IARD ainsi que de l'Etat en raison du défaut d'entretien de l'ouvrage public que constitue la passe à canoé qui vise à permettre d'éviter le barrage. Il a également sollicité la condamnation de l'Etat en raison de sa carence fautive à édicter l'arrêté listant les ouvrages devant faire l'objet d'une signalisation à la charge de leurs propriétaires ou exploitants. Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente les conclusions de M. B... dirigées contre la société d'assurance Generali IARD et a rejeté comme non fondées le surplus des conclusions indemnitaires. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Les conclusions de M. B... tendent, notamment, à engager la responsabilité de la société Suel, au titre du défaut d'entretien de la passe à canoé. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société, qui exploite une installation privée, se serait vu confier, à la date des faits, la mission d'entretenir par ailleurs la passe à canoé, qui est un ouvrage public distinct, en veillant à la sécurité de ses usagers. Il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître du litige ainsi soulevé relatif à l'exercice, par une société privée, d'une activité privée qui ne met en œuvre l'exercice d'aucune prérogative de puissance publique. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement n° 1905089 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de M. B... dirigée à l'encontre de la société Suel et, par la voie de l'évocation, de rejeter les conclusions de M. B... dirigées contre la société Suel comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur le bien-fondé du jugement et les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :
3. La juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'une action de la victime d'un dommage de travaux publics dirigée contre l'assureur d'une société privée dont les obligations trouvent leur origine dans les clauses du contrat privé d'assurances. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, dont la régularité du jugement n'est en tout état de cause pas contestée, les conclusions de M. B... dirigées contre la société Generali IARD doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de M. B... :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 421-2 dudit code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". L'article R. 421-5 du même code précise : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". L'article R. 421-7 du même code prévoit, enfin, que le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger.
5. Il résulte de l'instruction que M. B... a formé, le 31 janvier 2019, une réclamation préalable auprès de l'EPTBV de l'Ardèche tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident dont ont été victimes ses deux fils. L'EPTBV de l'Ardèche a accusé réception de cette demande le 1er mars 2019 dans les conditions prévues à l'article L. 112-12 du code des relations entre le public et cette demande n'a donné lieu à aucune décision expresse de rejet. Ainsi, la requête présentée par M. B..., qui réside aux Pays-Bas et bénéficie dès lors du délai de distance de deux mois supplémentaires prévu par l'article R. 421-7 précité, qui a été enregistrée le 20 juin 2019 n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée par l'EPTBV de l'Ardèche tirée du caractère tardif de la requête de M. B... doit, par conséquent, être écartée.
6. En second lieu, si des conclusions indemnitaires doivent en principe être chiffrées devant les juges de première instance sous peine d'irrecevabilité et ne peuvent par suite l'être pour la première fois devant le juge d'appel, il en va différemment lorsque, comme en l'espèce et cette irrecevabilité étant régularisable devant le juge de première instance, celui-ci, en l'absence de toute fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur, a omis d'inviter le demandeur à préciser le montant de la condamnation qu'il sollicitait. Dès lors, bien que M. B... n'ait chiffré ses conclusions indemnitaires pour la première fois qu'en appel, celles-ci sont recevables.
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
7. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
8. En premier lieu, l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche (EPTBVA) vient aux droits d du syndicat mixte Ardèche Claire. L'article 3 des statuts de ce syndicat mixte, relatif aux " compétences sur le territoire des membres du Syndicat Mixte Ardèche Claire ", dont le préfet de l'Ardèche a pris acte par arrêté du 30 mars 2015, prévoit que le syndicat exerce les compétences relatives, notamment, à la mise en œuvre du schéma de cohérence des activités de loisirs ainsi que la compétence d'aménagement de zones d'activités de pleine nature et d'équipements structurants, tels que les passes à canoës, dans le cadre du schéma de cohérence des activités sportives et de loisirs liées à l'eau afin d'assurer la préservation des milieux aquatiques. Il prévoit qu'une convention de gestion est établie avec les communes ou communautés de communes concernées qui s'engagent à gérer les aménagements et équipements et que l'organisation de la maîtrise d'ouvrage et de la gestion des aménagements après leur réalisation sera précisée par une convention entre le syndicat et la commune ou communauté de communes, propres à chaque aménagement. Par délibération du 9 novembre 1989, la commune de Ruoms a confié au syndicat mixte Ardèche Claire devenu EPTBVA de l'Ardèche l'aménagement d'une passe à canoë au niveau du barrage de la brasserie.
9. Il résulte de l'instruction, notamment de l'enquête effectuée par la gendarmerie nationale à la suite de l'accident et de la planche photographique réalisée à cette occasion, que le pont de la Bigournette, situé en amont du barrage, comporte un panneau de forme triangulaire portant la seule mention " T.C.F.F.F.C.K " censée signaler, à l'attention des pratiquants du canoë, l'emplacement de la passe à canoë. Il résulte également des constations effectuées par les mêmes services ainsi d'ailleurs que des auditions réalisées à cette occasion, que la hauteur de l'entonnement de la passe à canoë, construite dans le seul objectif de sécuriser la pratique du canoë lors du franchissement de la digue, est insuffisante pour être visible, l'eau affleurant la partie haute du muret, y compris lorsque les conditions de navigation sont situées dans le " vert ", alors qu'elle aurait dû permettre une pratique de la navigation du public en toute sécurité. Il en résulte que la passe à canoë, dont l'utilisation est nécessaire pour garantir la sécurité des usagers venant en canoë, ne peut être repérée aisément en conditions normales de navigation, y compris pour une personne raisonnablement attentive. Ainsi, la conception de l'ouvrage que constitue la passe à canoë, du fait de sa signalisation inappropriée, accessoire pourtant nécessaire d'un tel ouvrage, et du fait de l'absence de visibilité suffisante de son entonnement, est en l'espèce constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. Par suite, M. B... est fondé à rechercher la responsabilité de l'EPTBVA en charge de la réalisation de l'aménagement des zones d'activités de pleine nature et des équipements structurants, au nombre desquels figure la passe à canoë située au seuil " des brasseries " sur la commune de Ruoms.
10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de l'instruction que la passe à canoë dont il met en cause la surveillance et l'entretien serait un ouvrage public relevant de l'Etat ni même que le cours d'eau sur lequel a eu lieu l'accident soit un cours d'eau domanial appartenant à l'Etat. Par suite, M. B... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des dommages de travaux publics.
11. En troisième lieu, le requérant recherche encore la responsabilité de l'Etat au regard de sa compétence en matière de réglementation de la navigation et en raison de sa carence à ne pas avoir édicté, conformément au décret du 14 juillet 2010 et aux articles R. 4242-1 et suivants du code des transports, la liste des ouvrages hydrauliques devant faire l'objet d'une signalisation appropriée par leurs concessionnaires ou exploitants. D'une part, s'agissant des règles relatives à la navigation, il résulte de l'instruction qu'à la date de l'accident, l'arrêté du 21 mai 2015 prévoyait, par un jeu de couleur, verte, orange et rouge, par référence à l'échelle dite de Voguë, les conditions de restrictions et d'interdiction de navigation sur l'Ardèche. D'autre part, si la liste des ouvrages hydrauliques devant faire l'objet d'une signalisation appropriée par leurs concessionnaires ou exploitants n'avait pas été édictée par le préfet, à la date de l'accident, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette carence soit directement à l'origine de l'accident dont ont été victimes les deux fils du requérant.
12. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les victimes aient commis de quelconques fautes de nature à exonérer en totalité ou en partie l'EPTBV de l'Ardèche de sa responsabilité compte-tenu de l'absence de signalisation et de visibilité de la passe à canoë.
En ce qui concerne les préjudices :
13. En premier lieu, M. B... justifie avoir exposé, en lien avec le décès de ses deux enfants, la somme de 22 122,92 euros correspondant aux frais exposés pour l'enterrement, somme de laquelle il convient de déduire celle de 15 002 euros reçue de son assureur à ce même titre. Il justifie également avoir dû prolonger son séjour en France, et exposé de ce fait une somme de 158 euros. Ainsi, il sera fait une exacte appréciation des frais divers subis en conséquence de l'accident en condamnant l'EPTBV de l'Ardèche à lui verser la somme de 7 278,92 euros à ce titre.
14. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation de la douleur morale et du préjudice d'affection subis par M. B... du fait du décès de ses deux enfants, qui étaient âgés de 18 et 11 ans au moment des faits et qui résidaient à son foyer, en les évaluant à la somme globale de 50 000 euros.
15. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise psychologique et psychiatrique réalisée le 6 mars 2017 par la société BirdView à la demande de son employeur que M. B... présente, depuis le décès de ses deux enfants, une détresse psychologique importante se manifestant, notamment, par des troubles de l'humeur, des difficultés de concentration et d'attention. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel subi par lui depuis le décès de ses fils en l'évaluant en l'espèce à la somme de 30 000 euros.
16. En quatrième lieu, il résulte également de ce rapport ainsi que des pièces produites par M. B... que celui-ci, âgé de 57 ans au moment des faits, n'a pu reprendre son poste de conseiller en assurance-vie après le décès de ses fils malgré plusieurs tentatives de réintégration. L'expertise précitée indique que ses possibilités de travail sont dorénavant réduites à des tâches simples et non stressantes au regard de ses difficultés d'attention et de concentration. Au regard de ces éléments, des fiches de salaire produites par M. B... ainsi que des prestations qu'il a perçues de la société De Amersfoortse, assureur de son ancien employeur et de l'Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (UWV), organisme d'assurance chômage au Pays-Bas, il sera fait une juste évaluation des pertes de revenus en lien avec le décès de ses deux enfants en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 58 196,20 euros. Il sera également fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle résultant de son incapacité à reprendre le poste qu'il occupait précédemment, au regard de son âge à la date des faits et de l'âge légal de la retraite aux Pays-Bas, en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à l'expertise sollicitée, que M. B... est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'EPTBV de l'Ardèche. Ce dernier est condamné à verser à M. B... la somme totale de 155 475,12 euros.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EPTBV de l'Ardèche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'EPTBV de l'Ardèche une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905089 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B... dirigées à l'encontre de la société Suel et de la société Generali IARD sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : L'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche est condamné à verser à M. B... une somme de 155 475,12 euros.
Article 4 : L'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'établissement public territorial du bassin versant de l'Ardèche, à la société Suel, à la société Generali IARD, à la société Zilveren Kruis, à la société UWV et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président,
Mme Bentéjac, première conseillère,
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
La rapporteure,
C. Bentéjac
Le président,
H. StillmunkesLa greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00766