Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société à responsabilité limitée (SARL) AHA Expertises et Conseils a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 du fait de l'exercice clos le 31 juillet 2014, à raison d'une plus-value de cession d'une partie de sa clientèle réalisée le 29 novembre 2013, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1907315 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, la SARL AHA Expertises et Conseils, représentée par Me Plottin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la cession de clientèle du 29 novembre 2013, à laquelle elle a appliqué l'exonération prévue à l'article 238 quindecies du code général des impôts, n'était pas dissociable et ne pouvait ainsi être assimilée à une branche complète d'activité, alors que la clientèle cédée, géographiquement distincte et attachée à la personne du cessionnaire, était nettement individualisée par l'acte de cession et pouvait faire l'objet d'une exploitation autonome ;
- au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par l'administration ne sont pas fondés, ni l'absence de transfert de l'effectif affecté à une activité d'expertise-comptable ni l'absence de transfert du droit au bail ne faisant obstacle au bénéfice de l'exonération.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudaoud, représentant la SARL AHA Expertises et Conseils ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale, par proposition de rectification contradictoire du 22 décembre 2017, a réintégré au résultat de la SARL AHA Expertises et Conseils, qui exerce une activité d'expertise comptable, le montant d'une plus-value de cession de clientèle du 29 novembre 2013 à laquelle la société avait entendu appliquer le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 238 quindecies du code général des impôts. Elle a en conséquence assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties d'intérêts de retard, au titre de l'année 2014, du fait de l'exercice clos le 31 juillet. Les pénalités prononcées pour abus de droit ont été ultérieurement abandonnées, avant la mise en recouvrement intervenue le 30 novembre 2018. La SARL AHA Expertises et Conseils relève appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité (...) libérale (...) à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : / (...) 2° Une partie de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 (...) est supérieure à 300 000 € et inférieure à 500 000 € (...) ". En cas de cession d'une branche complète d'activité, la plus-value n'est exonérée, en application de ces dispositions, que si la branche d'activité en cause est susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez le cédant comme chez le cessionnaire et sous réserve que la transmission de cette branche d'activité opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine du cédant et dans des conditions permettant au cessionnaire de disposer durablement de tous ces éléments.
3. Par acte sous seing privé du 29 novembre 2013, la SARL AHA Expertises et Conseils a cédé un droit de présentation d'une partie de sa clientèle, dans une proportion non discutée d'environ 25%, au bénéfice d'une associée souhaitant quitter la société. Aux termes de l'acte, la cession exclut le droit au bail des locaux professionnels dans lesquels le fonds cédé est exploité, mais comprend les clients figurant sur une liste nominative annexée, ainsi que les fichiers et dossiers correspondants, le matériel professionnel, les meubles et objets mobiliers figurant aussi sur une liste annexée, les manuels et documentations professionnelles, les archives et dossiers clients dématérialisés, le contrat de travail conclu avec une assistante du cabinet, et les travaux en cours à la date de l'acte.
4. En premier lieu, la circonstance que les mandats cédés soient nominativement identifiés ne peut suffire à caractériser une exploitation autonome de l'activité correspondante chez le cédant. Si la requérante soutient à ce titre que la clientèle cédée serait géographiquement distincte du reste de la clientèle, prétendument rattachée à un bureau principal lyonnais du cabinet, il résulte toutefois des propres termes de l'acte de cession qu'à cette date, la SARL AHA Expertises et Conseils ne disposait que d'un établissement principal au Coteau (42) et d'un établissement secondaire à Charlieu (42), mais n'avait pas encore d'établissement à Lyon. Il résulte également des termes de l'article 5 de l'acte de vente que la société cédante était titulaire du droit de présentation de la clientèle faisant l'objet de la cession pour l'avoir en partie créée et en partie acquise en 2003 auprès de Mme A..., cessionnaire. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la clientèle initialement acquise auprès de Mme A... aurait fait l'objet d'une exploitation autonome depuis son acquisition jusqu'à sa cession, et ne se serait pas intégrée dans un portefeuille se renouvelant en permanence et faisant l'objet d'une exploitation commune.
5. En second lieu, il n'est pas contesté qu'avant la cession, la société disposait de 18 assistants salariés pour assurer l'activité correspondant à l'ensemble de la clientèle, alors que la cession de 25% de cette clientèle ne s'est accompagnée du transfert du contrat que d'une seule assistante. Il résulte de la proposition de rectification que cette circonstance s'explique par le souhait de la SARL AHA Expertises et Conseils de " conserver un maximum de personnel afin de pouvoir servir au mieux [ses] clients dans le cadre d'une clientèle déstabilisée " par la séparation. Il n'est par ailleurs pas contesté que la cessionnaire a dû en conséquence procéder à de nouvelles embauches pour exercer l'activité. Si la société requérante fait valoir que les assistants salariés d'un cabinet d'expertise comptable ne seraient pas indispensables à l'exercice de l'activité, il résulte toutefois des termes du contrat de la collaboratrice dont le contrat a été transféré à Mme A... que ses fonctions consistaient notamment à tenir la comptabilité des clients et à suivre les missions de révision des comptes ainsi que les établissements des états comptables et fiscaux. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les missions exercées par les assistants ne seraient pas essentielles à la poursuite de l'activité.
6. En conséquence, quand bien même le transfert du droit au bail des locaux accueillant l'établissement principal de la SARL AHA Expertises et Conseils n'apparaissait pas essentiel à l'activité cédée, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions du bénéfice de l'exonération partielle des plus-values de cession d'une branche complète d'activité d'un fonds libéral.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL AHA Expertises et Conseils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL AHA Expertises et Conseils la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL AHA Expertises et Conseils est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AHA Expertises et Conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
La rapporteure,
M. Le Frapper
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A.-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01497
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