Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Bouillet Energie a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1800758 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mars 2021 et 9 septembre 2022, la SAS Bouillet Energie, représentée par Me Rebinguet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et intérêts de retard.
Elle soutient que :
- elle peut bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, la condition relative à la détention du capital social étant remplie au regard de l'instruction administrative BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20, qui prévoit que la détention indirecte n'est pas caractérisée si plusieurs sociétés sont créées par une même personne, dès lors que ces sociétés exercent des activités éligibles n'ayant aucune similitude ou aucune complémentarité entre elles ;
- il convient de prendre en compte la circonstance que les producteurs d'électricité se trouvent en situation de dépendance vis-à-vis d'EDF, raison pour laquelle deux autres structures ont été créées par les mêmes associés, afin de répondre aux contraintes techniques imposées par EDF ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, dès lors que le vérificateur a fait référence aux notions de similitude et de complémentarité sans développer leur application à son cas ;
- à la lecture de l'instruction BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20, les notions de similitude et de complémentarité doivent être appréciées au regard d'une participation à une même chaîne d'activité dans le cadre de la fabrication de produits distribués par une autre entreprise ou de la fabrication de pièces qui s'intègrent dans un produit élaboré, ce qui ne correspond pas à sa situation, si bien qu'aucune situation de complémentarité n'existe entre elle et les sociétés Prelon Energie et Aumance Energie ;
- elle peut bénéficier du régime d'exonération prévu à l'article 44 quindecies du code général des impôts, son activité ayant débuté le 30 août 2012, date de signature du contrat avec EDF, le tribunal lui ayant, à tort sur ce point, opposé la condition de détention indirecte de son capital par d'autres sociétés à plus de 50 %, pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant de l'article 44 sexies du même code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 août 2022, la clôture d'instruction, initialement fixée au 6 septembre 2022, a été reportée au 27 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Bouillet Energie, qui exerce une activité de production et de vente d'électricité d'origine photovoltaïque, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, selon la procédure contradictoire, remis en cause l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts sous le bénéfice de laquelle s'était placée la SAS Bouillet Energie au titre de la période vérifiée et l'a assujettie, en conséquence, à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. La SAS Bouillet Energie relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. La proposition de rectification du 6 novembre 2015 mentionne qu'elle porte, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et précise les bases d'imposition retenues pour chacun d'entre eux. Elle cite le fondement légal de la rectification, soit l'article 44 sexies du code général des impôts, et notamment son II et énonce les raisons pour lesquelles la SAS Bouillet Energie ne peut bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par ce texte, à savoir qu'elle est détenue indirectement, à 100 %, par d'autres sociétés, dès lors que ses trois associés personnes physiques détiennent chacun un tiers du capital de deux autres sociétés ayant une activité similaire à la sienne. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions précitées et procède, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, à la qualification de son activité au regard de la notion de similarité prévu au II de l'article 44 sexies du code général des impôts. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'exonération de l'article 44 sexies du code général des impôts :
4. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...) / les entreprises qui se sont créées à compter du 1er janvier 2004 jusqu'au 31 décembre 2010 dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, et à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans ces zones, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, des sixième et septième ou des huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération (...) / II. Le capital des sociétés nouvellement créées ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. / Pour l'application du premier alinéa, le capital d'une société nouvellement créée est détenu indirectement par d'autres sociétés lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : / a - un associé exerce en droit ou en fait une fonction de direction ou d'encadrement dans une autre entreprise, lorsque l'activité de celle-ci est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire ; / b - un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 % au moins des droits sociaux dans une autre entreprise dont l'activité est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que la condition prévue au II de l'article 44 sexies du code général des impôts doit être remplie dès la création de l'entreprise nouvelle et à tout moment de son existence aussi longtemps que l'intéressée entend bénéficier de l'allégement fiscal prévu au I du même article.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification du 6 novembre 2015, non contestés sur ce point, que le capital de la SAS Bouillet Energie, créée le 1er juillet 2010, est réparti à parts égales (un tiers chacun) entre MM. Laurent Venuat, Nicolas Venuat et Ludovic Lamarque, également associés, dans les mêmes proportions, des SAS Prelon Energie et Aumance Energie, sociétés respectivement créées le 1er juillet et le 1er septembre 2010, exerçant la même activité de production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques que la SAS Bouillet Energie. Dans ces conditions, et alors que les trois associés de la SAS Bouillet Energie détiennent 25 % au moins des droits sociaux de deux autres entreprises similaires à celle de l'entreprise nouvellement créée, le capital de celle-ci doit être regardé comme détenu indirectement, à 100 %, par d'autres sociétés, au sens du b du II de l'article 44 sexies du code général des impôts, circonstance qui fait obstacle au bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au I de cet article. La société requérante ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, de la circonstance que les producteurs d'électricité se trouvent en situation de dépendance vis-à-vis d'EDF, ce qui aurait nécessité, en vue de répondre aux contraintes techniques imposées par cet opérateur, la création de deux autres structures par les mêmes associés, qui est sans incidence sur l'application de la condition de détention directe ou indirecte ici en litige. Elle ne saurait davantage utilement faire valoir que l'activité qu'elle exerce ne serait pas complémentaire de celle exercée par les sociétés Prelon Energie et Aumance Energie, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration s'est fondée sur la similarité de l'activité des trois sociétés et non sur leur complémentarité. Par suite, la SAS Bouillet Energie n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait, sur le terrain de la loi fiscale, la condition de détention du capital social lui ouvrant droit au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts.
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ".
8. La SAS Bouillet Energie n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, du paragraphe 300 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20 selon lequel : " Le caractère similaire ou complémentaire de deux activités est une question de fait. / La similitude des activités s'apprécie en fonction de la nature des opérations effectuées ou des produits fabriqués, même s'ils le sont sous des marques différentes, avec des réseaux commerciaux différents ou selon des modalités différentes. / Les activités sont complémentaires lorsqu'elles participent à une même chaîne d'activités, quel que soit le lieu d'intervention de l'entreprise nouvelle dans cette chaîne (avant ou après l'intervention de l'entreprise dont l'activité est complémentaire). /Il en est ainsi, par exemple, de la fabrication de produits distribués par une autre entreprise ou de la fabrication de pièces simples qui s'intègrent dans un produit élaboré. 5...) ", dès lors qu'il ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle faite au point 6 ci-dessus.
En ce qui concerne l'exonération de l'article 44 quindecies du code général des impôts :
9. Aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts : " I. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...) / II. Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : (...) / d) Le capital de l'entreprise créée ou reprise n'est pas détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés (...) / IV. - Lorsqu'elle répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'un des régimes prévus aux articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies, 44 quaterdecies, 44 sexdecies ou 44 septdecies et du régime prévu au présent article, l'entreprise peut opter pour ce dernier régime dans les six mois suivant le début d'activité. L'option est irrévocable et emporte renonciation définitive aux autres régimes (...) ".
10. Pour l'application de ces dispositions, la date à laquelle une entreprise a été créée s'entend de celle à laquelle elle a effectivement commencé à exercer son activité.
11. Il résulte de l'instruction que la SAS Bouillet Energie a mentionné, dans sa déclaration de création parue au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, un début d'activité au 1er juillet 2010 et qu'elle s'est elle-même placée, dans ses déclarations, sous le bénéfice du régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts, applicable aux entreprises créées jusqu'au 31 décembre 2010. Il résulte également de l'instruction qu'elle a ouvert deux comptes bancaires en 2010 et qu'elle a procédé à d'importants achats d'immobilisations (844 478 euros), souscrit des emprunts (980 215 euros) et procédé à des achats auprès de fournisseurs au cours de son premier exercice, qui a couru du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, sans justifier, ce qu'elle seule est en mesure de faire, que ces opérations ne sont pas intervenues, au moins pour partie, avant le 1er janvier 2011. Si le contrat d'achat d'électricité à EDF n'a été conclu que le 30 août 2012 et si ce contrat fait état d'une date de raccordement au 4 janvier 2012, il mentionne qu'elle a démarché EDF en vue du rachat de l'électricité qu'elle envisageait de produire dès le 31 décembre 2009. Dans ces conditions, la SAS Bouillet Energie ne peut être regardée comme ayant effectivement débuté son activité, comme elle le soutient, après le 1er janvier 2011. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de bénéficier, au titre des exercices 2012 à 2014 en litige, du régime d'exonération prévu à l'article 44 quindecies du code général des impôts, qui n'est applicable qu'aux entreprises créées ou reprises à compter du 1er janvier 2011.
12. La SAS Bouillet Energie n'est pas davantage fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20, qui ne concerne que les conditions d'application de l'article 44 sexies du code général des impôts.
13. Il résulte de ce qui précède que la SAS Bouillet Energie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Bouillet Energie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bouillet Energie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00758