Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1801033 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Plottin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée ;
- la société Slipnaxos-Rappold France, dont les titres ont été cédés par M. A..., remplit les conditions posées par le c) du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dès lors que la société suédoise Slipnaxos-Aktiebolag, qui la détient directement, remplit elle-même les conditions de seuil prévues au a) et b) du même 3° ;
- l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, ne renvoie pas à la notion de petite ou moyenne entreprise au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, ainsi que cela ressort d'ailleurs de l'exposé des motifs de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;
- ils sont fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des points n° 250 et 260 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-20 du 20 mars 2015, qui fait état d'une détention directe des titres ;
- la décision n° 343844 du Conseil d'Etat du 11 octobre 2012 n'est pas transposable à leur situation, dès lors qu'elle se prononce sur l'article 150-0 D ter dans une version différente de celle qui leur est applicable et qu'elle impose seulement à l'administration de prendre en compte, en cas de consolidation, les participations détenues par la société dont les titres sont cédés ;
- en tout état de cause, la société Slipnaxos-Rappold France, dont les titres ont été cédés, n'établissait pas de comptes consolidés, n'y étant pas tenue par la législation commerciale.
Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion de son départ en retraite, M. B... A..., dirigeant de la société Slipnaxos-Rappold France, a cédé, le 2 février 2015, les 4 275 parts qu'il détenait dans le capital de cette société et a déclaré une plus-value nette imposable de 30 315 euros, après avoir appliqué à la plus-value brute réalisée de 692 495 euros, un abattement fixe de 500 000 euros ainsi qu'un abattement proportionnel pour durée de détention. L'administration, estimant que la condition prévue au c) du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts n'était pas satisfaite, a remis en cause l'abattement fixe de 500 000 euros et assujetti, en conséquence, M. et Mme A... à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2015. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 € et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies. / (...) 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : / (...) 3° La société dont les titres ou droits sont cédés répond aux conditions suivantes : / a) Elle emploie moins de deux cent cinquante salariés au 31 décembre de l'année précédant celle de la cession ou, à défaut, au 31 décembre de la deuxième ou de la troisième année précédant celle de la cession ; / b) Elle a réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours du dernier exercice clos ou a un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros à la clôture du dernier exercice ; / c) Son capital ou ses droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations de sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l'article L. 214-37 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. Cette condition s'apprécie de manière continue au cours du dernier exercice clos ; (...) ".
3. D'une part, il résulte des termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dont la portée doit être éclairée par l'examen des travaux préparatoires de l'article 17 de la loi de finances pour 2014 du 29 décembre 2013 dont il est issu, que le législateur a entendu réserver le régime de faveur qu'il prévoit aux dirigeants qui procèdent à la cession des titres de sociétés satisfaisant aux conditions de seuils retenues pour la définition des petites et moyennes entreprises par le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises, et reprises dans le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des 107 et 108 du traité. Il résulte de ce règlement que, pour vérifier, au titre du a et du b du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter, si une société répond à cette définition, les données relatives à l'effectif, au chiffre d'affaires et au total du bilan sont déterminées sur la base, lorsqu'ils existent, des comptes consolidés. Toutefois, l'absence de comptes consolidés, en raison du mode de détention des participations retenu par le contribuable pour exercer l'activité économique ou de la forme juridique de la société holding détenant ces participations, n'est pas à elle seule de nature à permettre à cette société de bénéficier du régime de faveur prévu par cette disposition législative.
4. D'autre part, il résulte de ces mêmes dispositions que le bénéfice de ce régime est soumis, au titre du c du 3° du 3 du I du même article, à la condition que le capital ou les droits de vote de la société dont les titres sont cédés ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une société ou conjointement par plusieurs sociétés ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos. Pour l'appréciation de ces conditions de seuil maximal d'effectifs et de chiffre d'affaires ou de bilan annuels, il y a lieu, comme pour la société dont les titres sont cédés et selon les modalités indiquées au point précédent, de tenir compte des participations que ces sociétés détiennent.
5. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'apprécier si la ou les sociétés détentrices de plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société dont les titres sont cédés sont elles-mêmes indépendantes au regard des critères définis, à cet égard, par la règlementation communautaire, ce qui fait obstacle, au regard des conditions de seuil maximal d'effectif, de chiffre d'affaires et de bilan, à ce que soient agrégées aux données de la ou des sociétés détentrices, celles des sociétés qui détiennent, en amont, tout ou partie du capital de celles-ci.
6. Pour refuser à M. A... le bénéfice de l'abattement fixe de 500 000 euros prévu au 1 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur la seule circonstance que la société suédoise Slipnaxos Aktiebolag, qui détient 47 % du capital de la société Slipnaxos-Rappold France dont les titres ont été cédés par M. A..., bien qu'elle respecte les seuils d'effectif et de chiffre d'affaires prévus aux a et b du 3° du 3 du I de cet article, ne remplissait pas les conditions lui permettant d'être qualifiée de petite ou moyenne entreprise au sens du droit communautaire, dès lors qu'elle est contrôlée à 100 % par la société suédoise 3M Svenska AB, qui, elle, excède ces seuils. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que, ce faisant, l'administration fiscale a fait une inexacte application des dispositions précitées du c du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.
7. Le ministre n'établit pas, ni même n'allègue, que les données de la société Slipnaxos Aktiebolag agrégées, dans les conditions énoncées au point 4 du présent arrêt, à celles de la société cédée Slipnaxos-Rappold France à hauteur de la part qu'elle détient dans le capital de cette dernière, excéderaient les seuils fixés aux a et b de cet article.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 février 2021 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des 4 275 titres de la société Slipnaxos-Rappold France.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00708