Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 juin 2021 par lequel la préfète de Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2105073 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Tomc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de Loire du 2 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Loire de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète de Loire, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. A..., enregistrée le 11 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né en 1972, relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Loire du 2 juin 2021 refusant de l'admettre au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2021 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... est entré pour la première fois en France en 2009, sous couvert d'une carte de résident italienne. Il réside en France depuis plusieurs années à la date de la décision attaquée, même s'il est reparti en Tunisie en 2014, comme l'atteste son passeport. A la date de la décision attaquée, il est marié depuis le 13 août 2018, soit un peu plus de trois ans, à une compatriote, elle-même entrée en France en 2009 et titulaire d'un titre de séjour. De leur mariage sont nés en France trois enfants respectivement, en 2010, 2012 et 2016. Son épouse souffre d'un cancer du sein sous une forme métastatique à l'os au niveau cotyloïdien, qui a justifié qu'un titre de séjour valable jusqu'au 6 octobre 2022 lui soit délivré. Compte tenu de l'état de santé de son épouse, le requérant s'occupe des tâches quotidiennes et s'investit auprès de ses enfants, en particulier quant à leur scolarité en France. Dans ces circonstances très particulières, M. B... A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de Loire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise et a ainsi méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et des décisions préfectorales.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard aux motifs exposés ci-dessus et en l'absence de tout changement de circonstances de fait ou de droit, la présente décision implique qu'il soit enjoint à la préfète de la Loire de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2021 et l'arrêté de la préfète de Loire du 2 juin 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04165