Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner, à titre principal, la société l'Auxiliaire, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle d'assureur, à lui verser la somme de 22 570,70 euros HT, assortie des intérêts de retard à compter de l'introduction de la demande, capitalisés, à titre subsidiaire, de condamner, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société BET Arcoba à lui verser la somme de 4 069, 50 euros HT, la société LGC à lui verser la somme de 11 426,44 euros HT, la société Apave Sudeurope à lui verser la somme de 2 499,34 euros HT et la société Engie Cofely à lui verser la somme de 4 578,42 euros, outre intérêts de retard capitalisés, en indemnisation des désordres affectant le chauffage des immeubles situés 16 avenue des Droits de l'Homme à Chenôve (Côte-d'Or).
Par jugement n° 1900688 du 11 mars 2021, le tribunal, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la société l'Auxiliaire, faisant partiellement droit aux conclusions subsidiaires de Grand Dijon Habitat, a condamné la société Apave Sudeurope à lui verser la somme de 786,59 euros HT et la société Artelia Bâtiment et Industrie, venant aux droits de la société BET Arcoba, à lui verser la somme de 2 359,75 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019, capitalisés aux 8 mars 2020 et 2021, a condamné la société Apave Sudeurope à garantir la société Artelia Bâtiment et Industrie à hauteur de 5 % des condamnations prononcées aux articles 3 et 4 du jugement et la société Artelia Bâtiment et Industrie à garantir la société Apave Sudeurope à hauteur de 15% des condamnations prononcées aux articles 3 et 4 du jugement, et a mis à la charge de ces deux sociétés les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 6 839,80 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 12 janvier 2023, Grand Dijon Habitat, représenté par Me Corneloup, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la société l'Auxiliaire ;
2°) de condamner la société l'Auxiliaire à lui verser la somme de 22 570,70 euros HT, majorée des intérêts de retard à compter de l'enregistrement de la requête d'appel et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société l'Auxiliaire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement a irrégulièrement rejeté la demande dirigée contre la société l'Auxiliaire alors qu'elle était recevable, sans égard à l'antériorité de la saisine du juge des référés sur la déclaration de sinistre ;
- ces désordres, qui rendent les logements impropres à leur destination, sont couverts par la garantie dommages ouvrage ;
- en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, la société l'Auxiliaire BTP est en conséquence tenue de lui verser une indemnité de nature à couvrir la totalité des travaux de réparation de ces dommages ;
- les préjudices subis consistent en la fourniture et la pose de filtres pour un montant de 2 167,20 euros HT, en l'opération de désembouage pour un montant de 6 176,40 euros HT soit un total de 8 343,60 euros HT, le remplacement des corps de chauffe pour un montant de 5 737,34 euros HT et l'installation d'un adoucisseur d'eau sur l'appoint chauffage d'un montant de 1 650,76 euros HT ;
- elle est également fondée à demander la condamnation de la société l'Auxiliaire à supporter la somme de 6 839,80 euros à raison des frais d'expertise ;
Par mémoires enregistrés le 5 août 2021, le 29 décembre 2021, le 3 mars 2022 et le 25 janvier 2023, la société l'Auxiliaire, représentée par Me Ligier et Me Perrey, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête et les demandes de la société Apave Sudeurope, Engie Energie Services et Artelia Bâtiments et industrie ;
2°) de condamner les sociétés LGC Habitat, Artelia Bâtiments et Industrie, Apave Sudeurope et Engie Energie Service à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de Grand Dijon Habitat ou de tout succombant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors qu'en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, Grand Dijon Habitat était tenu de souscrire une assurance dommages-ouvrages à raison des travaux entrepris qui portaient sur la construction d'un bâtiment à usage d'habitation, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'année II de l'article A. 243-1 du code des assurances qui prévoient l'obligation de déclaration du sinistre à l'assureur ;
- la déclaration de sinistre du 25 mars 2016 ne visait pas le désordre relatif au percement des corps de chauffe des chaudières, lequel est intervenu au cours des opérations d'expertise ;
- les frais engagés par le maître de l'ouvrage, antérieurement à toute déclaration de sinistre, ne peuvent être couverts au titre de l'assurance dommages-ouvrages ;
- à titre subsidiaire, les désordres en cause n'étaient pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, dès lors que l'expert n'a pas constaté de désordres de température de chauffage et d'eau chaude sanitaire lors de ses deux réunions d'expertise et que les réclamations des locataires ne suffisent pas à établir une insuffisance de température ;
- Grand Dijon Habitat ne sollicite pas l'annulation du jugement contesté en ce qu'il a mis à la charge in solidum des sociétés Apave Sudeurope et Artelia Bâtiment Industrie les frais d'expertise ;
- elle est fondée à solliciter, sur le terrain quasi-délictuel, la garantie des constructeurs responsables des dommages alors même qu'elle n'a versé aucune indemnité ;
- en ce qui concerne les désordres affectant le désembouage et la pose de filtres, la société Lastella Génie Climatique a commis une faute dès lors qu'elle n'a pas respecté le paragraphe 3.3.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché du lot 17A, selon lequel l'eau des circuits devait recevoir des additifs permettant de lutter contre la corrosion, le remplissage se faire à partir du réseau brut et des analyses d'eau avant et après les traitements aux fins d'adapter les traitements et de vérifier leur efficacité ;
- la société BET Arcoba, qui avait une mission de direction de l'exécution des travaux, aurait dû vérifier la réalisation du traitement de l'eau avant de réceptionner l'ouvrage ;
- la société Apave Sudeurope était chargée d'une mission Th au titre de laquelle il lui incombait de donner un avis sur la capacité de l'ouvrage à satisfaire aux prescriptions réglementaires relatives à l'isolation thermique et aux économies d'énergie ;
- en ce qui concerne le remplacement des corps de chauffe, il incombait à la société Apave Sudeurope au titre de sa mission LP de prévenir les aléas techniques qui seraient susceptibles de porter atteinte à la solidité de l'ouvrage et non uniquement de ceux qui compromettent effectivement sa solidité ;
- ses conclusions tendant à ce que la société Engie Energie Services la garantisse ne relèvent pas de la compétence des juridictions judiciaires ; cette société a commis une faute dans la mesure où elle ne s'est pas préoccupée des conséquences des appoints d'eau très importants, qui ont développé de la corrosion et le percement des chaudières ;
- compte-tenu des fautes qu'elles ont commises, les sociétés LGC Habitat, Artélia Bâtiments et Industrie, Apave Sudeurope et Engie Energie Services doivent la garantir en cas de condamnation au versement d'une indemnité à raison du remplacement des corps de chauffe des chaudières ;
- en ce qui concerne l'installation d'un adoucisseur d'eau, la société Apave Sudeurope, qui était chargée de contrôler la qualité de l'eau du circuit de chauffage pour s'assurer de la solidité de l'élément dissociable, a commis un manquement à ses obligations ;
Par mémoire enregistré le 27 octobre 2021, la société Apave Sudeurope, représentée par Me Martineu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et de rejeter la demande ainsi que les appels en garantie formés à son encontre ;
2°) de condamner la société LGC, la société Artélia Bâtiments et Industrie et la société Engie Cofely à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de Grand Dijon Habitat, de la société LGC, de la société Artélia Bâtiments et Industrie et de la société Engie Cofely une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'existence de désordres relevant de la garantie décennale n'est pas établie ;
- il n'y a pas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- la prévention des aléas techniques découlant du mauvais fonctionnement des installations de chauffage ne relevait pas de ses missions ;
- en outre, le sinistre trouve son origine dans une violation des prescriptions contractuelles et non dans l'absence de respect de la réglementation thermique ;
- les conclusions d'appel provoqué de la société l'Auxiliaire sont irrecevables dès lors qu'elle n'a versé aucune indemnité à Grand Dijon Habitat ; il ne pourrait y être fait droit, en tout état de cause, que pour un montant limité à 786,59 euros ;
- elle est fondée à appeler en garantie les sociétés LGC, Artelia Bâtiments et Industrie et Engie Cofely, dès lors que le défaut de traitement du système de chauffage lors de sa mise en service ressort uniquement de la responsabilité de la société LGC et de la société Artelia Bâtiments et industrie et que les apports d'eau sont le fait de la société Engie Cofely ;
- les appels en garantie formés à son encontre par ces sociétés doivent être rejetés ;
- la société LGC a bien effectué les travaux si bien que sa responsabilité se trouve engagée ;
Par mémoire enregistré le 6 janvier 2022, la société Engie Energie services, venant aux droits de la société Engie Cofely, représentée par Me Charlemagne, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à 2 868,67 euros ;
3°) de condamner in solidum les sociétés LGC, Artélia Bâtiments et Industrie et Apave Sudeurope à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge des sociétés l'Auxiliaire, LGC, Artélia Bâtiments et Industrie et Apave Sudeurope la somme de 2000 euros au titre des frais exposés ;
Elle soutient que :
- elle n'a pas la qualité de constructeur, étant simplement liée à Grand Dijon Habitat par un contrat de maintenance ; dès lors, elle ne peut être condamnée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
- en tout état de cause, la juridiction administrative n'est pas compétente, dès lors qu'elle n'a pas la qualité de participant à l'exécution de travaux publics ;
- les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Apave Sudeurope et l'Auxiliaire ne sont pas fondés, dès lors que les désordres existaient avant qu'elle ne conclue le contrat de maintenance ;
Par mémoire enregistré le 11 janvier 2023, la société Artélia Bâtiments et Industrie, représentée par Me Duflot, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête et les appels en garantie formés par la société l'Auxiliaire à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement en tant qu'il a considéré que les désordres relevaient de la garantie décennale et de rejeter la demande de Grand Dijon Habitat à l'encontre de la société l'Auxiliaire ainsi que les appels en garantie formés par la société l'Auxiliaire à son encontre ;
3°) de condamner in solidum les sociétés LGC, Engie et Apave Sudeurope à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et de limiter le montant des condamnations mises à sa charge à 2 359,75 euros ;
4°) de mettre à la charge de la société l'Auxiliaire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens.
Elle soutient que :
- l'existence de désordres relevant de la garantie décennale n'est pas établie ;
- il n'y a pas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage et l'ouvrage n'est pas rendu impropre à sa destination ;
- dès lors que le tribunal l'a condamnée à verser la somme de 2 359,75 euros HT, il ne peut être fait droit à l'appel en garantie formé par la société l'Auxiliaire pour un montant excédant cette somme ;
- la mission du maître d'œuvre n'impliquant pas un contrôle de l'ensemble des prestations réalisées sur le chantier, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir contrôlé les travaux effectués par l'entreprise ;
- elle est fondée à appeler en garantie les sociétés LGC, Artelia Bâtiments et industrie, Apave Sudeurope et Engie Cofely, sur le fondement de l'article 1240 du code civil dès lors que le défaut de traitement du système de chauffage lors de sa mise en service ressort uniquement de la responsabilité de la société LGC, que la société Apave Sudeurope n'a pas contrôlé le traitement de l'eau et que les apports d'eau sont le fait de la société Engie Cofely ;
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que, dans le cas où il serait fait droit aux conclusions principales de Grand Dijon Habitat, la cour serait susceptible d'annuler, par voie de conséquence, les dispositions du jugement du tribunal administratif de Dijon faisant droit aux conclusions subsidiaires de Grand Dijon Habitat présentées contre les constructeurs, lesquelles sont exclusives d'une condamnation de l'assureur dommages-ouvrage.
La société l'Auxiliaire a présenté ses observations au moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 4 avril 2023. Elle soutient que sa condamnation en sa qualité d'assureur dommages ouvrage ne fait pas obstacle à ce que les constructeurs responsables des dommages soient condamnés à garantir l'assureur de toute condamnation prononcée à son encontre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Hortance pour Grand Dijon Habitat, celles Me Mekki pour la société l'Auxiliaire et celles de Me Cusin-Rollet pour la société Artelia Bâtiment et Industrie.
Considérant ce qui suit :
1. Grand Dijon Habitat a entrepris en 2012 la construction de deux immeubles collectifs comportant quarante-deux logements BBC à Chenôve (Côte d'Or) et a souscrit à cette fin une assurance dommage-ouvrage auprès de la société l'Auxiliaire. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement formé de la société Babylone Avenue, mandataire, et de la société Arcoba. Le contrôle technique était assuré par la SAS Apave Sudeurope. Le lot n° 17A des travaux de chauffage et de ventilation a été attribué à la société Lastella Génie Climatique (LGC) Habitat. La réception de l'ouvrage a été prononcée avec des réserves étrangères aux désordres, le 3 février 2014. La société Engie Cofely, aux droits de laquelle est venue la société Engie Energie France, a été chargée de l'exploitation de l'installation de chauffage. A partir d'avril 2014, Grand Dijon Habitat a constaté des températures d'eau chaude et de chauffage insuffisantes. Les dysfonctionnements ont persisté en dépit des interventions de la société LGC et de la société Engie Cofely. Le 29 février 2016, Grand Dijon Habitat a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande de désignation d'un expert aux fins de déterminer les causes des désordres et le montant des préjudices. Le 25 mars 2016, Grand Dijon Habitat a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société l'Auxiliaire qui, par lettre du 24 juin 2016, a refusé d'indemniser les désordres au motif que leur matérialité n'était pas établie. L'expert judiciaire désigné en référé, le 3 mai 2016, a remis son rapport le 23 mai 2017. S'appuyant sur ses conclusions, Grand Dijon Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon, à titre principal, de condamner la société l'Auxiliaire sur le fondement de sa responsabilité contractuelle d'assureur dommages ouvrage, à lui verser la somme de 22 570,70 euros HT, outre intérêts de retard capitalisés, à titre subsidiaire, de condamner, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société Arcoba à lui verser la somme de 4 069,5 euros HT, la société LGC à lui verser la somme de 11 426,44 euros HT, la société Apave Sudeurope à lui verser la somme de 2 499,34 euros HT et la société Engie Cofely à lui verser la somme de 4 578,42 euros. Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la société l'Auxiliaire, a partiellement fait droit aux conclusions subsidiaires et a condamné la société Apave Sudeurope à verser à Grand Dijon Habitat la somme de 786,59 euros HT et la société Artelia Bâtiment et Industrie, venant aux droits de la société Arcoba, à lui verser la somme de 2 359,75 euros HT, ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019, capitalisés aux 8 mars 2020 et 2021. Il a, en outre, condamné la société Apave Sudeurope à garantir la société Artelia Bâtiment et Industrie à hauteur de 5% des condamnations prononcées et la société Artelia Bâtiments et industrie à garantir la société Apave Sudeurope à hauteur de 15 % des condamnations et a mis à la charge de ces deux sociétés les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 6 839,80 euros. Grand Dijon Habitat relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande principale tendant à la condamnation de la société l'Auxiliaire au titre de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'assureur. Les sociétés l'Auxiliaire, Artelia Habitat, venant aux droits de la société Artelia Bâtiments et industrie et Engie Energie France concluent au rejet de la requête et appellent en garantie les autres constructeurs. La société Apave Sudeurope conclut à l'annulation de ce jugement et appelle en garantie les autres constructeurs.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'antériorité de l'instance de référé expertise et de l'engagement d'une partie des frais de réparation des désordres sur la déclaration de sinistre ne peut être utilement opposée à l'assuré, ainsi qu'il est dit aux points 4 à 6 et, en outre, est susceptible d'avoir une incidence sur le bien-fondé de la demande, non pas sur sa recevabilité. Par suite, Grand Dijon Habitat est fondé à soutenir que le tribunal a irrégulièrement rejeté comme irrecevable la demande présentée à titre principal contre la société l'Auxiliaire. Le jugement du 11 mars 2021 doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Grand Dijon Habitat contre la société l'Auxiliaire.
Sur les conclusions à fin de condamnation de la société l'Auxiliaire :
En ce qui concerne l'application de la garantie contractuelle :
4. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage (...), fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, (...) une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 (...) / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public (...) ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation ". Aux termes de l'annexe II de l'article A. 243-1 du même code définissant les clauses-types des contrats d'assurance de dommages ouvrage, rendu applicable en vertu de l'article L. 243-8 à tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance : " (...) 2° En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l'assuré est tenu d'en faire la déclaration à l'assureur (...)". Ces dispositions, qui ont pour objet de permettre à l'assureur de faire constater les dommages par un expert et de proposer à l'assuré une indemnité destinée au financement des travaux de réparation des dommages, font obstacle à ce que l'assuré perçoive une indemnité en l'absence de déclaration de sinistre, ou bien tant que celle-ci n'a pas été notifiée à l'assureur.
5. Enfin, aux termes de l'article 12 du contrat souscrit par Grand Dijon Habitat auprès de la société l'Auxiliaire, le 23 octobre 2012 : " Vous devez nous aviser, par écrit, de tout évènement susceptible de faire jouer la garantie, dès que vous en avez connaissance et au plus tard dans un délai de 10 jours. Si vous ne respectez pas ces délais, vous pouvez perdre tout droit à garantie pour le sinistre en cause dès lors que nous aurons établi que le retard nous a causé un préjudice. (...) Cette déclaration devra préciser les circonstances du sinistre et en comporter la description sommaire ainsi que l'indication des mesures conservatoires que vous avez pu être amené à prendre en raison de l'urgence ".
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Grand Dijon Habitat, qui était soumis à l'obligation de souscription d'une assurance dommages-ouvrage dès lors que, ayant entrepris la construction d'immeubles à usage d'habitation, il n'entrait pas dans le champ des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances, a déclaré auprès de la société l'Auxiliaire, le 25 mars 2016, que les deux bâtiments qu'il avait fait construire à Chenôve présentaient des dysfonctionnements affectant, d'une part, l'eau chaude, la température relevée étant trop faible, d'autre part, le chauffage, la température minimale légale n'étant pas atteinte, et enfin, un dysfonctionnement général de l'installation. Lorsque le tribunal a été saisi de la demande de Grand Dijon Habitat tendant à la condamnation de la société l'Auxiliaire à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'assureur, de ces dommages, le 8 mars 2019, la déclaration de sinistre était déjà intervenue, si bien que l'assureur avait été mis à même de constater leur matérialité par un expert désigné à son initiative et de proposer une indemnité, ce qu'il a fait en refusant tout paiement par une décision du 24 mai 2016 au motif que l'existence des dommages n'avait pas été constatée par l'expert, le jour de sa visite. L'assureur ayant été mis à même d'exercer ses droits consécutivement à la déclaration de sinistre, il est sans incidence sur la créance détenue par l'assuré au titre du contrat que cette déclaration lui ait été notifiée postérieurement à la saisine du juge des référés aux fins de désignation d'un expert judiciaire, instance qui n'avait ni pour objet ni pour effet de modifier l'état de l'ouvrage et qui n'a donc pu affecter les prérogatives de l'assureur. Contrairement à ce que soutient la société l'Auxiliaire, la déclaration de sinistre, qui portait sur le dysfonctionnement généralisé du chauffage, visait nécessairement le percement des corps de chauffe des chaudières qui a contribué à la sous-performance de l'installation. Enfin, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucune stipulation du contrat conclu entre Grand Dijon Habitat et la société l'Auxiliaire que la déchéance de garantie devrait sanctionner l'engagement de frais de réparation préalablement à la déclaration de sinistre, sous la réserve qu'ils n'aient pas pour effet de faire disparaître la preuve de la matérialité du désordre.
7. En second lieu, lors que sa visite dans les locaux de la chaufferie, le 24 novembre 2016, l'expert a constaté que la première chaudière était en arrêt sécurité pour un défaut d'ionisation et que la deuxième chaudière présentait des fuites d'eau au niveau des corps de chauffe, si bien que la pression était nulle. Si les températures relevées dans les appartements lors d'une nouvelle visite de l'expert effectuée le 19 janvier 2017, n'étaient pas anormalement faibles, il résulte de l'instruction que les corps de chauffe percés avaient été remplacés le 10 janvier précédent à titre conservatoire. Enfin, il résulte de l'instruction que Grand Dijon Habitat a été saisi, à compter du mois de novembre 2014, de plusieurs réclamations de locataires en raison de températures insuffisantes dans les logements. Ces désordres, apparus pendant la période couverte par la garantie décennale, ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination qui est d'offrir des conditions de logement acceptables, et relèvent des risques couverts par le contrat d'assurance. Par suite, Grand Dijon Habitat est fondé à se prévaloir d'un droit de créance sur la société l'Auxiliaire trouvant sa cause dans l'exécution du contrat d'assurance de dommages ouvrage.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité :
8. Il résulte de l'instruction que les reprises des désordres nécessitent la fourniture et la pose de filtres, pour un montant de 2 167,20 euros HT, le désembouage de l'installation pour un montant de 6 176,40 euros HT, le remplacement des corps de chauffe pour un montant de 5 737,34 euros HT et l'installation d'un adoucisseur d'eau sur l'appoint chauffage, pour un montant de 1 650,76 euros HT. Toutefois, les dépenses de 2 167,20 euros HT et de 6 176,40 euros HT, engagées avant la déclaration de sinistre et qui ont eu pour effet de priver l'assureur d'en apprécier l'utilité, ne peuvent être indemnisées, ainsi qu'il est dit au point 6. Il suit de là que le montant des dommages devant être indemnisés par l'assureur s'élève à 7 388,10 euros HT. Après déduction des condamnations de 786,59 euros HT et 2 359,75 euros HT prononcées par le tribunal et qui sont devenues définitives, Grand Dijon Habitat est fondé à demander la condamnation de la société l'Auxiliaire à lui verser la somme de 4 241,46 euros HT.
9. En application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur la somme de 4 241,46 euros HT à compter du 7 mai 2021, date d'enregistrement de la requête d'appel valant mise en demeure de payer. Il a également demandé le 7 mai 2021 la capitalisation de ces intérêts. A cette date, il était dû moins d'une année d'intérêts. Dès lors, la demande doit être rejetée.
En ce qui concerne la charge des dépens :
10. Dès lors que la présente instance ne se prononce pas sur la responsabilité décennale des constructeurs, et alors au surplus que les frais d'expertise ont été mis à la charge des sociétés Apave et Artelia Bâtiment et Industrie par le jugement attaqué, devenu définitif sur ce point, la demande de Grand Dijon Habitat tendant à ce que la société l'Auxiliaire soit condamnée à lui verser la somme de 6 839,80 euros TTC au titre des frais d'expertise ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions de la société l'Auxiliaire dirigées contre les constructeurs :
11. En vertu des dispositions combinées des articles L. 121-12 et L. 242-1 du code des assurances, il appartient à l'assureur qui se prévaut de la subrogation dans les droits du maître de l'ouvrage affecté de désordres, de justifier par tout moyen du paiement de l'indemnité due au titre du contrat d'assurance. Il est constant que la société l'Auxiliaire n'a assuré le versement à Grand Dijon Habitat d'aucune indemnité à raison des dommages en litige. Dans ces conditions, faute de droit de créance, ses conclusions tendant à ce que les constructeurs la garantissent de la condamnation prononcée à son encontre doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société l'Auxiliaire une somme de 1 500 euros à verser à Grand Dijon Habitat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Grand Dijon Habitat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les sociétés l'Auxiliaire, Artelia Habitat, Engie Energie France et Apave Sudeurope sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900688 du 11 mars 2021 est annulé en tant qu'il rejette la demande de Grand Dijon Habitat dirigée contre la société l'Auxiliaire.
Article 2 : La société l'Auxiliaire est condamnée à verser à Grand Dijon Habitat la somme de 4 241,46 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2021.
Article 3 : La société l'Auxiliaire versera à Grand Dijon Habitat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Grand Dijon Habitat, à la société l'Auxiliaire, à la société Artelia Habitat, à la société Engie Energie France, à la société LGC et à la société Apave Sudeurope.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 25 mai 2023.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01461