Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de reconnaître sa pathologie comme imputable au service, d'enjoindre au préfet de la Haute -Vienne de lui attribuer le bénéfice de son plein traitement et des primes correspondantes de façon rétroactive, de condamner l'État à lui verser les sommes de 150 euros au titre d'une retenue sur salaire injustifiée, de 76 euros en récupération d'une permanence de week-end, de 296,10 euros pour des frais formation et de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018 et, à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire pour déterminer si cette pathologie est imputable au service.
Par un jugement n° 2100683 du 14 avril 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er juin 2022 et 21 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Soltner, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre au préfet de Haute-Vienne de déclarer sa pathologie en lien avec le service ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente dès lors que M. F..., n'était plus préfet de la Haute-Vienne le 8 novembre 2018 puisque son successeur a été nommé par décret du président de la République en date du 24 octobre 2018 ; si M. B..., successeur de M. F..., n'a pris ses fonctions que le 10 novembre 2018, il appartenait à M. Decours, secrétaire général de la préfecture, de signer l'arrêté contesté ;
- l'avis de la commission de réforme du 15 octobre 2018 est entaché de plusieurs irrégularités ; le délai de huit jours prévu à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 n'a pas été respecté ; la convocation ne précise pas qu'elle avait le droit de se faire entendre, ni de faire entendre un médecin ou une personne de son choix ; la commission était irrégulièrement composée dès lors qu'un seul représentant du personnel était présent et que le second médecin généraliste titulaire était absent, en méconnaissance respectivement des articles 12 et 5 du décret du 14 mars 1986 ; les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 ont été méconnues dès lors qu'un seul médecin généraliste était présent au sein de la commission de réforme ;
- elle est fondée à demander que son accident du travail soit pris en compte ;
- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 7 avril 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 12 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., attachée de préfecture depuis 1984, et attachée principale d'administration de l'Etat depuis le 1er janvier 2017, exerçait les fonctions de cheffe de bureau de la citoyenneté, de la nationalité et des affaires juridiques au sein de la préfecture de la Haute-Vienne. Sur demande de l'intéressée datée du 23 octobre 2017, et après avis défavorable de la commission de réforme du 15 octobre 2018, le préfet de la Haute-Vienne, par un arrêté du 8 novembre 2018, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.
Sur la légalité externe :
2. L'arrêté en litige est signé par M. D... F..., qui a été nommé préfet de Haute-Vienne par un décret du Président de la République du 17 décembre 2015, publié au journal officiel le 19 décembre 2015, pour une prise de fonction au 1er janvier 2016. Si, par un décret du 24 octobre 2018, M. E... B... a été nommé préfet de la Haute-Vienne, il ressort de son procès-verbal d'installation qu'il n'a pris ses fonctions que le 10 novembre 2018. Il n'apparaît pas que, à la date d'intervention de l'arrêté litigieux, soit le 8 novembre 2018, M. F... avait cessé ses fonctions. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.
3. Aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; / 2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; / 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de ce décret : " La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5. Pour chacun des membres, un ou plusieurs suppléants sont désignés. ". Aux termes de l'article 5 dudit décret : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. " Aux termes de l'article 18 de ce même décret : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet ". Aux termes de l'article 19 de ce décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote (...). Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. (...) ".
4. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que, par un courrier recommandé du 1er octobre 2018, reçu le 3 octobre 2018, Mme C... a été informée de la réunion prévue le lundi 15 octobre 2018 de la commission de réforme sur sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, de la possibilité en particulier de prendre connaissance personnellement ou par l'intermédiaire d'un représentant dûment mandaté par écrit, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée sur sa demande ou par l'intermédiaire de son médecin, de présenter des observations écrites et de fournir des certificats médicaux si nécessaire et de faire entendre la personne de son choix. Dans le délai dont elle a ainsi disposé, conforme aux prescriptions ci-dessus, elle a demandé à prendre connaissance, le 4 octobre 2018, de son entier dossier administratif et médical, qu'elle a reçu le 8 octobre suivant, rien ne permettant de dire que la consultation de ce dossier n'aurait pas été possible avant cette date. En outre si le courrier du 1er octobre 2018 n'indique pas que, lors de la réunion du 15 octobre 2018, Mme C... avait la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme mais seulement que cette dernière, si elle le jugeait utile, pourrait la faire comparaître, ni qu'elle avait, le cas échéant, la possibilité de faire également entendre le médecin de son choix, l'intéressée, qui a pu présenter des observations écrites, ne précise pas qu'elle aurait pu faire valoir d'autres éléments si elle avait été entendue, et elle a été informée qu'elle pouvait fournir des certificats médicaux et faire entendre une personne de son choix, qui pouvait être un médecin. Ni la réception par l'intéressée de son dossier administratif et médical le 8 octobre 2018, soit six jours avant la réunion de la commission de réforme, alors que dès le 10 octobre 2018 elle avait adressé à cette dernière des observations écrites, lues en séance, ni les conditions de sa convocation devant cette commission, en ce qui concerne spécialement la possibilité de faire entendre le médecin de son choix, ne sauraient, être regardées ici comme l'ayant privée de garanties ou avoir pu exercer une influence sur le sens de la décision prise. Dès lors, aucun des vices allégués relatifs aux conditions de convocation et de comparution devant la commission, et de communication du dossier ne saurait être retenu.
5. Ensuite, il ressort du procès-verbal de la séance du 15 octobre 2018 de la commission de réforme que la majorité absolue des membres en exercice y a assisté, dont un praticien de médecine générale, un représentant du personnel et que l'avis de cette commission a été émis à l'unanimité des membres présents, dans le respect des dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, mentionnées précédemment. Il n'apparaît pas que tous les membres de la commission de réforme n'auraient pas été convoqués et que le règles de quorum n'auraient pas été respectées. Le respect de ces dernières règles n'imposait pas que les deux médecins généralistes, membres de la commission de réforme, siègent lors de cette séance, l'absence de l'un d'entre eux étant en soi sans incidence sur la régularité de la procédure. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l'intéressée la convocation du médecin de prévention, qui ne fait pas partie des membres de la commission de réforme, ne s'imposait pas. A cet égard, la commission, ainsi que cela ressort de son avis, a eu communication du rapport de ce médecin. Par suite, aucune irrégularité de la consultation de la commission de réforme n'est caractérisée.
Sur la légalité interne :
6. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : [...] / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident [...] ".
7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
8. Si Mme C... se prévaut d'un accident de service survenu le 31 janvier 2017, il ressort des pièces du dossier, et notamment de sa demande reçue le 27 octobre 2017 par la commission de réforme, qu'elle a uniquement demandé que soit reconnue comme imputable au service la maladie dont elle souffre. Par suite, elle ne saurait utilement se prévaloir ici d'un tel accident de service.
9. Par son avis défavorable du 15 octobre 2018, qui portait sur la reconnaissance de maladie professionnelle, la commission de réforme a estimé à l'unanimité que, " au regard du contexte professionnel et de l'étude de l'entier dossier, il ne peut être rattaché au cas présent une origine professionnelle à la pathologie présentée par l'intéressée ". Il apparaît que Mme C... a été reçue à deux reprises par son directeur en janvier 2017 en raison de dysfonctionnements dans le service et de plaintes de la part d'agents placés sous sa responsabilité. Par un courrier du 8 février 2017 celui-ci a rappelé à l'intéressée que les agents du bureau dont elle avait la responsabilité lui ont fait part des difficultés qu'ils rencontraient dans leurs missions et du mauvais climat qui régnait dans le service, et lui a indiqué que ses méthodes de gestion inadéquates, qui comprenaient notamment des rétentions d'informations, un non-respect des missions contenues dans les fiches de poste des agents ou un traitement inégalitaire des agents, avaient contribué à cette situation, lui ayant déjà reproché par le passé un comportement inadapté en sa qualité de chef de bureau. Si un certain nombre d'éléments médicaux produits par l'intéressée, en particulier le rapport établi le 2 février 2018 par un médecin psychiatre agrée, désigné par la préfecture, et dont la commission de réforme a eu connaissance, indiquent que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre, détecté pour la première fois à la suite de l'entretien avec son directeur en janvier 2017, serait en lien avec son activité professionnelle, alors que la plupart de ces éléments reposent essentiellement sur les propres déclarations de l'intéressée au sujet de ses fonctions et conditions de travail, il n'en résulte pas pour autant que ces dernières suffiraient à expliquer le développement de la maladie dont elle souffre, qui s'est déclenchée dans un contexte de réorganisation globale des services de la préfecture (PPNG : plan préfecture nouvelle génération). Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme C....
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01757 2
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