Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 10 janvier 2022 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence dans la département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2200168 du 17 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, Mme A..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble du 17 janvier 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 10 janvier 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa situation particulière aurait dû conduire le préfet à lui accorder un délai de départ volontaire ; elle n'a eu de cesse de solliciter la régularisation de sa situation ; elle s'est opposée à un refus de rendez-vous ; elle justifie de garanties de représentation ;
- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'obligation de présentation dont elle est assortie est disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 24 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante marocaine née le 2 septembre 1995, est entrée en France le 11 septembre 2015, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Elle a bénéficié en cette qualité d'un titre de séjour renouvelé jusqu'au 30 septembre 2019. Sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié " a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 15 juin 2020, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2020 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 juin 2021. Par un arrêté du 10 janvier 2022, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Savoie l'a assignée à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A... relève appel du jugement du 17 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés du 10 janvier 2022 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Mme A... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
3. Mme A..., qui s'est soustraite à l'exécution de la mesure d'éloignement du 15 juin 2020 comme le retient l'arrêté attaqué, se trouvait dans le cas visé au 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement en litige. Si elle indique qu'elle n'a eu de cesse de solliciter la régularisation de sa situation, qu'elle se serait opposée à un refus de rendez-vous en préfecture et qu'elle justifie de garanties de représentation, sa situation ne révèle, contrairement à ce qu'elle soutient, l'existence d'aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions. Le moyen selon lequel le préfet de la Haute-Savoie a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
4. Pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie a relevé que, même si sa présence sur le territoire français ne présente pas une menace à l'ordre public, l'intéressée ne justifie pas d'attaches familiales proches en France et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Maroc, où vit notamment sa mère. Si la requérante soutient que ses trois frères et sœurs résident en France, et que l'une d'entre elle est de nationalité française, qu'elle est devenue propriétaire d'un appartement en France où elle loge depuis plus de six ans, les éléments dont elle fait ainsi état ne suffisent pas pour considérer qu'elle justifierait d'une " circonstance humanitaire " faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire soit prononcée à son encontre. Elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans dans son pays d'origine, et n'avait pas vocation à s'installer durablement en France où elle n'a été autorisée à résider qu'en qualité d'étudiante. Mme A..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée, n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence (...) sont motivées ". La décision assignant à résidence Mme A... est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des dispositions précitées.
6. En second lieu, l'arrêté attaqué du 10 janvier 2022 impose à la requérante de se rendre entre 8 heures et 10 heures tous les jours, hors dimanches et jours fériés, à la police aux frontières d'Annemasse en charge des pointages. En se bornant à invoquer l'existence de garanties de représentation, Mme A... n'invoque aucun élément de nature à établir que les modalités de contrôle de l'assignation à résidence en litige présenteraient un caractère disproportionné.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00509