Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la résiliation du marché conclut le 29 juin 2016 avec la société Compoeco, de condamner cette société à lui verser une indemnité de 118 000,63 euros correspondant au remplacement de l'intégralité du matériel défectueux et des honoraires de l'expert judiciaire.
Par jugement n° 1807977 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande, ainsi que la demande reconventionnelle de la société Compoeco tendant à ce que la communauté de communes lui verse la somme de 22 464 euros augmentée des intérêts au taux légal.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 février 2021 et le 24 novembre 2022, la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans, représentée par Me Beraldin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2020 en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la société Compoeco à lui verser la somme de 130 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait du non-respect de ses engagements contractuels ainsi que l'intégralité des frais d'expertise ;
3°) de mettre à la charge de la société Compoeco une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le matériel livré n'est pas conforme aux engagements contractuels de la société prestataire ; la conception du système d'accrochage des nacelles, fournies par le prestataire, au vérin Kinshofer, auquel le recours était imposé par les documents contractuels, ne permettait pas d'éviter la déformation de l'axe mobile de fermeture des portes et la casse des potences horizontales ; la société Compoeco n'a pas respecté ses engagements énoncés à l'article 8 du CCAP et l'article 1er du CCTP en ne contrôlant pas la conformité du matériel déployé avec les contraintes liées à l'utilisation du vérin kinshofer ;
- la société Compoeco a méconnu les obligations mises à sa charge par l'article 8.3 du CCTP en ne remplaçant les matériels défectueux ;
- les préjudices subis ayant trait à la désorganisation du service de collecte, à la nécessité de stocker les colonnes défectueuses et au coût d'intervention des agents intercommunaux, peuvent être évalués, au 31 mars 2019, à 130 000 euros, ce qui correspond aux conclusions de l'expertise ;
- les frais d'expertise doivent être intégralement mis à la charge de la société Compoeco.
Par mémoire enregistré le 19 avril 2021, la société Compoeco, représentée par Rajon Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, de condamner la communauté de communes, le cas échéant après nouvelle expertise, à lui verser la somme de 22 464 euros en paiement des factures de juillet 2017 non acquittées à ce jour, outre intérêts au taux légal ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- aucune méconnaissance de ses obligations contractuelles ne saurait être retenue à son encontre, dès lors qu'aucune non-conformité de conception ou défauts structurels des matériels livrés n'est établi ; les dysfonctionnements relevés par la communauté de communes lui sont imputables ;
- les préjudices allégués ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum ;
- l'expertise n'est pas suffisamment étayée quant aux causes et à l'étendue des dysfonctionnements, ce qui rend nécessaire une nouvelle expertise ;
- elle est fondée à demander le paiement de deux factures d'un montant global de 22 464 euros correspondant à du matériel livré en juillet 2017.
Par ordonnance du 4 avril 2023, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril suivant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 13 ;
- le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administrative générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Beraldin pour la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans, et celles de Me Rajon pour la société Compoeco ;
Considérant ce qui suit :
1. En vue de la fourniture de conteneurs aériens de collecte d'ordures ménagères sur le territoire de ses communes membres, la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans a conclu, par acte d'engagement signé le 30 mars 2016, un marché de fournitures et services avec la société Compoeco. Constatant des dysfonctionnements des colonnes livrées, la communauté de communes a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de résiliation du contrat et de condamnation du prestataire à lui verser la somme de 118 000,63 euros en réparation du préjudice subi du fait d'un manquement aux obligations contractuelles puis a, en cours d'instance devant le tribunal, résilié le contrat par décision de son président du 21 février 2019. La communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans relève appel du jugement du 22 juin 2021 en ce tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire. La société Compoeco forme un appel incident de ce jugement.
Sur l'appel principal de la communauté de communes :
2. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'expertise, que le mauvais usage des containeurs par la communauté de communes soit à l'origine des dysfonctionnements du matériel fourni par la société Compoeco, alors en outre que l'expertise a permis de déceler que les mécanismes des colonnes fournies étaient défectueux. Compte tenu du motif de résiliation non contestée, tiré de la faute du cocontractant, la communauté de communes peut obtenir l'indemnisation des seuls frais de remplacement et de réparation des colonnes tels que mentionnées dans le tableau joint à sa demande et dont les postes de préjudice sont, contrairement à ce que soutient la société Compoeco, précisément chiffrés sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise. Ces frais qui correspondent aux interventions des agents de la communes ou de d'entreprises tiers sur les équipements à ordures ménagères et dont les modalités de calcul et le montant n'est pas sérieusement contesté par la société intimée, sont les suivants : interventions des 27 avril et 4 mai 2017 pour un montant de 497,28 euros TTC chacune, du 5 mai 2017 pour un montant de 350 euros TTC, des 10 et 12 mai 2017 pour des montants respectifs de 1 512,16 euros et 490,92 euros TTC, des 6 et 7 juin 2017 pour des montants de 986,08 euros TTC chacune, interventions du 30 juin 2017 et le 12 octobre 2017 pour 206,08 euros TTC chacune, des 3 et 18 juillet 2017 pour un montant de 986,08 euros TTC chacune, du 2 août 2017 pour un montant de 221,60 euros TTC, des 13 novembre 2017, 31 janvier 2018, 12 février 2018 pour un montant de 191,52 euros chacune, du 5 avril 2018 pour un montant de 986,08 euros TTC, du 26 au 29 juin 2018 pour un montant de 640,20 euros TTC, du 20 août 2018 pour un montant de 383,04 euros, et enfin, de début septembre 2018 à Espenel pour un montant de 191,52 euros. Leur montant global s'élève à la somme de 10 701,10 euros TTC.
3. En revanche, les préjudices afférents aux frais exposés pour les besoins des opérations de l'expertise juridictionnelle ordonnée par le tribunal administratif de Grenoble, incluant notamment les frais de participation aux réunions du conseil de la collectivité et de ses agents, ainsi que les frais d'avocats afférents à la procédure ne peuvent être indemnisés qu'au titre des frais alloués, le cas échéant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, le pretium doloris, non chiffré, n'ouvre droit à aucune indemnité. Enfin, tant les frais de passation d'un marché de substitution que les frais de restitution du matériel ne peuvent donner lieu à indemnisation compte tenu de ce que, d'une part, la résiliation du marché en litige n'a pas été prononcée aux frais et risques du titulaire défaillant et, d'autre part, aucune clause contractuelle ne prévoit la restitution des conteneurs livrés à l'échéance du marché, non plus que l'obligation du prestataire de les enlever à ses frais.
4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 qu'il convient de fixer les sommes que la société Compoeco doit à la communauté de communes en règlement du contrat en litige à hauteur de 10 701,10 euros TTC et de rejeter le surplus de sa demande.
Sur les demandes incidentes de la société Compoeco :
5. La société intimée fait valoir que la communauté de communes ne lui a pas réglé deux factures correspondant à la livraison et la pose de conteneurs, antérieurement à la résiliation en juillet 2017 dont le montant global s'établit à la somme de 18 720 euros HT soit 23 864 euros TTC. Or, il n'est pas contesté que ces factures ont été émises en règlement de prestations livrées, antérieurement à la résiliation et que la communauté de communes n'invoque aucun motif tiré de la non-conformité au marché qui ferait obstacle au paiement. Il doit, dès lors, être fait droit intégralement à ces conclusions.
6. En application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur la somme de 23 864 euros TTC à compter du 18 juillet 2019, date d'enregistrement de la demande de la société Compoeco devant le tribunal valant mise en demeure de payer.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Compoeco doit être condamnée à verser la somme de 10 701,10 euros à la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans, et que ladite communauté de communes du Crestois doit être condamnée à verser à la société Compoeco la somme de 23 864 euros TTC.
Sur les dépens de première instance :
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
9. Les dépens, liquidés à la somme de 7 954 euros par ordonnance du président du tribunal, ont été maintenus à la charge de la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans par le jugement attaqué. Dès lors que cette mesure a permis de déterminer le bien fondé du motif de résiliation et qu'elle était étrangère au litige afférent à l'arriéré de factures, la société Compoeco doit être regardée comme partie perdante au sens des dispositions précitées. En l'absence de circonstances particulières, il y a lieu de mettre à la charge de la société Compoeco l'intégralité de ladite somme et de réformer le jugement en conséquence.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La société Compoeco est condamnée à verser la somme de 10 701,10 euros à la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans.
Article 2 : La communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans est condamnée à verser à la société Compoeco la somme de 23 864 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019.
Article 3 : Le montant des dépens de première instance que la société Compoeco doit prendre en charge est fixé à 7 954 euros.
Article 4 : Le jugement n° 1807977 du 23 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans et à la société Compoeco.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbaretaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
Christine Psilakis
Le président,
Philippe Arbaretaz
La greffière,
Marie-Thérèse Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00551