Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la préfète du Puy-de-Dôme a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour formée le 25 juin 2020 et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.
Par jugement n° 2100096, 2102785 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Habiles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le préfet ne lui a pas communiqué, en dépit de sa demande, les motifs de la décision de refus de séjour implicite, si bien que cette décision est réputée être insuffisamment motivée ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 425-9, L. 425-10 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles 8 et 14 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
Le préfet du Puy-de-Dôme auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe né le 21 janvier 1987, est entré sur le territoire français le 3 février 2012 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, instruite selon la procédure prioritaire, a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 13 août 2012. Le préfet du Cantal a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français le 25 juillet 2012. Le 3 février 2014, le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. M. C... a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a donné lieu à une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2013, annulée pour un motif de procédure par la CNDA, le 18 octobre 2013. En conséquence, l'OFPRA a de nouveau statué sur sa demande qu'il a rejetée par une décision du 19 mars 2015, confirmée par la CNDA, le 16 juillet 2018. M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, la décision par laquelle la préfète du Puy-de-Dôme a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour, formée le 25 juin 2020 et, d'autre part, l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel la même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. Il relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la légalité du refus implicite de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311- 12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° (...) de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...)".
3. Lorsque le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.
4. M. C... fait valoir que la décision implicite de rejet née à la suite de sa demande de titre de séjour du 25 juin 2020 méconnaît l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la décision expresse du préfet du Puy-de-Dôme du 27 septembre 2021 lui refusant un titre de séjour s'est substituée à cette décision implicite. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 27 septembre 2021 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes de l'arrêté contesté que M. C... a demandé, le 6 mai 2019, un titre de séjour compte tenu de l'état de santé de sa fille A.... Le requérant fait valoir que cette dernière souffre d'une dolichocéphalie, qu'elle a subi une scaphocéphalie au mois de juillet 2020 et que son état de santé justifie des soins de suite qui ne peuvent lui être prodigués en Russie. Toutefois, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 24 juin 2021, que si l'état de santé de la jeune A... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Les différents certificats médicaux produits par M. C..., et en particulier ceux des 7 octobre 2020 et 29 septembre 2021 établis par le neurochirurgien en pédiatrie qui l'a opérée, ceux du 25 juin 2020 et 25 janvier 2021 établis par le médecin généraliste qui la suit et celui du 18 novembre 2021 établi par un médecin pédiatre, qui se bornent à faire état de l'affectation et de l'opération subie par l'enfant ainsi que de la nécessité d'un suivi médical annuel jusqu'à l'adolescence incluant la réalisation d'examens de type tomodensitométrie ou IRM, ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si M. C... produit un formulaire de dépôt d'une demande de titre de séjour daté du 26 juin 2020 mentionnant que la demande est fondée sur la vie privée et familiale, un motif exceptionnel et humanitaire et l'état de santé de sa fille, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette demande aurait été transmise au préfet du Puy-de-Dôme, lequel indique avoir statué sur une demande effectuée le 6 mai 2019. Dans ces conditions, il n'est pas établi que M. C... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas examiné d'office le droit au séjour du requérant sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays (...) ", et aux termes l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune fondée notamment sur (...) l'origine nationale ou sociale (...), la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
9. M. C... fait valoir qu'il réside en France avec son épouse depuis 2012, que ses trois enfants sont nés sur le territoire et que sa fille est atteinte d'une dolichocéphalie ayant justifié une opération. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... n'a été admis au séjour que durant l'examen de sa demande d'asile et qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, sa fille ne souffre pas d'une pathologie dont le défaut de prise en charge l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, son épouse se maintient irrégulièrement sur le territoire. Le requérant ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale avec son épouse et ses enfants en Russie dont ils sont tous ressortissants, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où il n'établit pas être dépourvu de toute attaches privées et familiales. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé. Enfin, le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par cette convention et ses protocoles additionnels. Le refus de titre de séjour ne portant pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, le moyen tiré de la discrimination dans l'exercice de ce droit ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, M. C... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de ce que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03114