Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai.
Par un jugement n° 2102011 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 février 2022, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2102011 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 12 juillet 2021 ;
2°) d'enjoindre au Préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de délivrance du titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son identité a été parfaitement établie ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'éloignement est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
Par un mémoire enregistré le 8 février 2023, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête de M. B... et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les observations de Me D'Ovidio, pour le préfet de la Côte-d'Or ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... qui déclare être de nationalité ivoirienne et être né le 20 février 2003 à Saioua (Côte d'Ivoire), est entré irrégulièrement en France en mars 2019, selon ses déclarations, et il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or en raison de sa situation de mineur non accompagné. Le 20 février 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 12 juillet 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Sur la décision de refus de délivrance du titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code, la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Côte-d'Or a estimé que l'intéressé avait commis une fraude en produisant de faux documents à l'appui de sa demande de titre de séjour et qu'il ne démontrait pas, par conséquent, être dans sa dix-huitième année à la date du dépôt de sa demande. Pour remettre en cause la force probante de ces documents, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur un rapport d'analyse documentaire des services de la police aux frontières du 8 avril2021 dont il résulte, en particulier, que les documents produits, à savoir une copie intégrale de l'acte de naissance n° 221 pour l'année 2003, délivré le 25 novembre 2020 à Saïoua, et un extrait du registre des actes de l'état civil n° 221 du 26 février 2003, délivré le 25 novembre 2020, outre qu'ils n'étaient pas sécurisés et que leur mode d'impression n'était pas conforme aux documents authentiques, supportaient tous deux un tampon de la sous-préfecture comportant une mention " État-Civil " avec un trait d'union n'apparaissant pas sur cette même mention portée ailleurs dans ces documents et alors, en outre, que ces deux documents, délivrés le même jour par le même officier d'état civil utilisant plusieurs timbres humides différends pour apposer sa signature, feraient double emploi puisqu'ils indiquent les mêmes informations, et comportaient une multitude de tampons inutiles. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, que le prénom de la mère de M. B... mentionné sur les actes d'état civil produits par l'intéressé est différent de celui porté sur le jugement de placement en assistance éducative du juge des enfants du tribunal judiciaire de Dijon du 20 décembre 2019. Si M. B... a produit un passeport et une carte d'identité, documents au demeurant dépourvus de toute force probante pour l'application de l'article 47 du code civil dès lors qu'ils ne constituent pas un acte d'état civil, ils ont été délivrés, ainsi qu'ils l'indiquent, au vu de l'extrait d'acte de naissance frauduleux mentionné ci-dessus et ne peuvent donc être tenus pour probants. Dès lors, le préfet a pu en déduire que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour étaient entachés de fraude et ne pouvaient par suite être regardés comme faisant foi. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or pouvait, nonobstant le sérieux de la formation suivie par le requérant, légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressé, dont il n'est dans ces conditions pas davantage établi qu'elle avait été présentée dans l'année ayant suivi son dix-huitième anniversaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
8. En dernier lieu, si M. B... fait état de son insertion scolaire, il n'était présent que depuis un peu plus de deux ans en France à la date de l'arrêté en litige. Il est en outre célibataire et ne justifie pas, par la seule production d'une reconnaissance anticipée de paternité, établie le jour-même de l'arrêté en litige, la réalité des liens qu'il invoque avec une ressortissante française, alors qu'une partie de sa famille, dont sa mère, demeure dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
10. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 8, les moyens tirés d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".
12. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la situation personnelle de M. B... ait pu justifier l'octroi, à titre exceptionnel, d'un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours prévu par la loi pour organiser son départ. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Eu égard à ce qui précède, la fixation du pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00419
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