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13/09/2023 | FRANCE | N°21LY00617

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 septembre 2023, 21LY00617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier des Hôpitaux du Léman lui a infligé la sanction de révocation à compter du 1er mars 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre aux Hôpitaux du Léman de la réintégrer dans son grade d'origine, d'autre part, de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des p

réjudices résultant des agissements de harcèlement moral qu'elle estime avoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier des Hôpitaux du Léman lui a infligé la sanction de révocation à compter du 1er mars 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre aux Hôpitaux du Léman de la réintégrer dans son grade d'origine, d'autre part, de condamner ce centre hospitalier à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant des agissements de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n°1804796 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février 2021 et 10 octobre 2022, Mme B..., représentée par la société d'avocats Ballaloud-Aladel, agissant par Me Ballaloud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle le directeur des Hôpitaux du Léman lui a infligé la sanction de révocation à compter du 1er mars 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre aux Hôpitaux du Léman de la réintégrer dans son grade d'origine ;

4°) de mettre à la charge des Hôpitaux du Léman une somme de 2 500 euros en application des dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- le rapport de saisine du conseil de discipline n'est pas daté et n'a pas été établi par l'autorité titulaire du pouvoir de nomination, en méconnaissance de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- les faits qui ont fondé la sanction ne sont ni établis ni circonstanciés ;

- il existe une disproportion manifeste entre les fautes reprochées et la sanction prononcée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2022, les Hôpitaux du Léman, représentés par Me Lamotte, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les Hôpitaux du Léman font valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., agent des services hospitaliers qualifiés, a été recrutée par les Hôpitaux du Léman, en qualité d'agent contractuel, le 17 juin 2009. Le 8 mars 2014, elle a été titularisée dans le grade des agents des services hospitaliers qualifiés et a exercé ses fonctions au sein du bloc opératoire de l'établissement à compter du 7 janvier 2013. Le 14 juin 2016, elle a fait l'objet d'un blâme à raison de son comportement. Par décision du 12 février 2018, le directeur des Hôpitaux du Léman lui a infligé la sanction de révocation, après avis du conseil de discipline du 5 février 2018. Mme B... fait appel du jugement du 29 décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin l'annulation de cette décision de révocation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen, invoqué en plusieurs branches en première instance, tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire, dès lors que le rapport de saisine du conseil de discipline n'est pas daté et n'a pas été établi par l'autorité titulaire du pouvoir de nomination, en méconnaissance de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, désormais repris à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". En vertu de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, désormais repris à l'article L. 533-1 du code précité, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires hospitaliers sont réparties en quatre groupes. Relèvent du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prononcer la révocation de Mme B..., le directeur des Hôpitaux du Léman s'est fondé, d'une part, sur les manquements répétés de cette dernière à son obligation d'effectuer les missions confiées, notamment le refus réitéré de réaliser certaines tâches pendant la tranche horaire comprise entre 6h30 et 13h30, ou en fonction du type de patients, une qualité de travail insuffisante et une mauvaise exécution des tâches, une lenteur et une absence d'investissement dans le travail, une volonté de dissimulation des tâches effectivement exécutées, d'autre part, sur son attitude provocatrice envers ses collègues, sa grossièreté et son absence de réserve dans son expression. La décision de sanction précise également que l'agent n'a pas mis fin à ces comportements en dépit de rappels à l'ordre et d'une précédente sanction prononcée à raison de faits similaires commis antérieurement.

En ce qui concerne la matérialité des faits :

5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport administratif du 23 août 2017 sur lequel l'autorité hiérarchique s'est fondée, bien qu'établi au cours de la période estivale, a été rédigé par le cadre du bloc opératoire, supérieure hiérarchique de Mme B..., et contresigné par douze de ses collègues de travail. Alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'obligeait l'administration à procéder à une enquête disciplinaire, ce rapport précise de façon circonstanciée et détaillée les nombreux manquements reprochés à l'intéressée, rappelés au point 4, liés notamment à ses difficultés quotidiennes à travailler au sein des blocs opératoires de l'établissement où l'entretien et l'hygiène des locaux sont primordiaux. En outre, des faits de même nature, ainsi que les relations professionnelles difficiles dont Mme B... est à l'origine et qu'au demeurant elle ne conteste pas, avaient déjà été signalés lors de ses évaluations professionnelles pour les années 2012 et 2013 et avaient conduit l'administration à lui infliger un blâme le 14 juin 2016. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 5 février 2018 qu'une représentante du personnel a indiqué, au cours de cette réunion, que de nombreux agents de son service " disent ne plus supporter travailler avec Mme B... " en raison de son comportement et qu'elle-même l'a entendue dénigrer le service ainsi que ses collègues dans un lieu public. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les faits retenus par l'administration ne seraient ni établis ni circonstanciés.

En ce qui concerne la qualification juridique des faits :

6. Alors qu'il ressort de l'avis du conseil de discipline que les évaluations de Mme B... étaient négatives et que " l'exigence très élevée d'hygiène dans un bloc opératoire et la nécessité de respecter scrupuleusement les protocoles rendent le comportement de Mme B... dangereux pour les patients ", les faits dont la matérialité est établie constituent des manquements à l'obligation de servir, à l'obligation de réserve et à l'obligation de dignité et de respect qui s'imposent à tous les agents publics, et sont constitutifs de fautes de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction disciplinaire. La circonstance, à la supposer établie, que les prélèvements effectués dans les blocs opératoires n'ont pas révélé de mise en danger de la vie des patients, ou que son comportement n'a pas entraîné de dysfonctionnement majeur au sein du service, est sans influence sur la qualification juridique de ces faits, constitutifs de manquements de Mme B... à ses obligations statutaires.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

7. En l'espèce, eu égard à la nature particulière des fonctions de l'agent et au caractère répété des faits reprochés, qui ont été précédés de rappels à l'ordre et d'une sanction prononcée à raison d'agissements antérieurs similaires, l'autorité disciplinaire, qui a au demeurant suivi l'avis du conseil de discipline du 5 février 2018, n'a pas entaché la sanction de révocation infligée à Mme B... de disproportion et n'a ainsi pas commis d'erreur d'appréciation. Le témoignage du 4 février 2021 d'un agent des Hôpitaux du Léman à la retraite, produit pour la première fois en cause d'appel, qui fait état, de façon peu circonstanciée, d'une situation de harcèlement de quelques collègues envers Mme B..., ainsi que le certificat médical du 19 janvier 2018 qui se borne à indiquer que celle-ci présente un syndrome anxiodépressif, une hypertension artérielle et une tachycardie atriale depuis 2013, enfin la circonstance qu'elle ait suivi en 2016 une formation sur " la communication en période de transition " auprès d'un organisme agréé ne sont pas de nature à atténuer la gravité des manquements commis par la requérante ni à justifier son comportement, et sont sans influence sur la légalité de la sanction, qui n'a pas, au surplus, été décidée au vu de la dénonciation de faits de harcèlement moral par Mme B.... En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un climat délétère au sein du service ou même une situation institutionnelle difficile, susceptibles de remettre en cause la sévérité de la sanction infligée, existeraient au sein des Hôpitaux du Léman.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux du Léman, qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les Hôpitaux du Léman sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des Hôpitaux du Léman présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et aux Hôpitaux du Léman.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie et en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY00617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00617
Date de la décision : 13/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP BALLALOUD ALADEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-13;21ly00617 ?
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