Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Arrow Génériques a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à hauteur de la somme globale de 5 174 553 euros.
Par un jugement n°2005396 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, réduit le résultat imposable de la SAS Arrow génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 865 767 euros au titre de l'exercice 2010, dans un article 2, déchargé la SAS Arrow génériques en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés de l'année 2010 auxquelles la société a été assujettie résultant de la réduction de sa base d'imposition définie à l'article 1er, ainsi que du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises correspondant, dans un article 3, réduit le résultat de la SAS Arrow génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 694 974 euros au titre de l'exercice 2011, dans un article 4, rétabli le déficit reportable déclaré par la SAS Arrow génériques au titre de l'année 2011 à proportion de la réduction de son résultat défini à l'article 3, dans un article 5, déchargé la SAS Arrow génériques de la totalité du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre de l'exercice 2011, dans un article 6, déchargé la SAS Arrow génériques en droits et pénalités des retenues à la source mises à sa charge au titre des exercices 2010 et 2011, dans un article 7, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans un article 8, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier 2022 et 16 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler les articles 1er à 7 de ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que constitue une circonstance insuffisante pour remettre en cause les versements opérés le fait que les molécules n'étaient pas détenues à quelque titre que ce soit par les sociétés Ail, Arrow group ApS ou Breath Ltd ;
- le versement de redevances pour la disposition de molécules est dépourvu de cause dès lors que les formules ne sont plus protégées par un brevet et que la SAS Arrow Génériques élabore elle-même les dossiers en vue de l'obtention d'autorisations de mise sur le marché par ses propres moyens ou le concours de sous-traitants ;
- la valeur ajoutée créée par la société repose sur le développement de son réseau commercial et les redevances versées privent la SAS Arrow Génériques du retour sur investissement auquel elle aurait droit en raison de l'activité qu'elle déploie ;
- les redevances en litige constituent un avantage par nature consenti à la société Arrow group ApS, sans qu'il soit besoin d'examiner le panel de comparables présenté par la société Arrow Génériques qui n'est pas pertinent.
Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2022, la SAS Arrow Génériques, représentée par Me Roirand, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la procédure suivie est entachée d'irrégularité dès lors que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie de la question de l'existence d'un avantage par nature caractérisé selon le service par l'absence de contrepartie aux redevances en litige ;
- c'est à bon droit que le tribunal l'a déchargée des impositions mises à sa charge résultant de la réintégration dans ses bénéfices imposables du montant total des redevances versées aux sociétés Arrow Group ApS et Breath Ltd.
Une ordonnance du 16 septembre 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 31 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Roirand pour la SAS Arrow génériques.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Arrow Génériques a pour activité la distribution de médicaments génériques à destination principalement du marché officinal, mais également du marché hospitalier en France. Elle est détenue à hauteur de 82,22 % par sa société mère de droit danois, Arrow Groupe ApS, elle-même filiale à 100 % de la société de droit maltais, Arrow International Limited. La SAS Arrow Génériques a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à raison des déclarations fiscales et des opérations portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification des 26 décembre 2013 et 19 décembre 2014, le service a opéré des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011. La SAS Arrow Génériques a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à hauteur de la somme globale de 5 174 553 euros, ainsi que le rétablissement de ses déficits annulés pour un montant de 4 614 757 euros.
2. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal a, dans un article 1er, réduit le résultat imposable de la SAS Arrow Génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 865 767 euros au titre de l'exercice 2010, dans un article 2, déchargé la SAS Arrow Génériques en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés de l'année 2010 auxquelles la société a été assujettie résultant de la réduction de sa base d'imposition définie à l'article 1er, ainsi que du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises correspondant, dans un article 3, réduit le résultat de la SAS Arrow Génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 694 974 euros au titre de l'exercice 2011, dans un article 4, rétabli le déficit reportable déclaré par la SAS Arrow Génériques au titre de l'année 2011 à proportion de la réduction de son résultat défini à l'article 3, dans un article 5, déchargé la SAS Arrow Génériques de la totalité du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre de l'exercice 2011, dans un article 6, déchargé la SAS Arrow Génériques en droits et pénalités des retenues à la source mises à sa charge au titre des exercices 2010 et 2011, dans un article 7, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans un article 8, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Sur le motif de décharge partielle retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) ".
4. Les dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés à une entreprise établie en France par une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces clients, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes.
5. Il est constant en l'espèce que la SAS Arrow Génériques présente des liens de dépendance avec la société Arrow group ApS, société danoise qui détenait 82, 22 % de ses titres au cours de la période vérifiée, et la société britannique Breath Ltd, également détenue à 100 % par la société Arrow group ApS. Il résulte des propositions de rectification des 26 décembre 2013 et 19 décembre 2014 adressées à la SAS Arrow Génériques sur les années 2010 et 2011 que celle-ci a versé au cours de la période vérifiée des redevances à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires net à la société Arrow group ApS pour la sous-concession de droits de propriété intellectuelle afférents aux dossiers techniques permettant de déposer des autorisations de mise sur le marché français, eux-mêmes concédés à cette dernière par sa société-mère, la société de droit maltais Arrow International Limited. La SAS Arrow Génériques a également versé des redevances, dans des conditions similaires, à la société de droit britannique Breath Ltd. Afin de remettre en cause l'intégralité du montant des redevances ainsi versées par la SAS Arrow Génériques aux sociétés Arrow Group ApS et Breath Ltd, l'administration a estimé que les redevances en litige constituent un avantage par nature consenti aux sociétés Arrow Group ApS et Breath Ltd dès lors que la société vérifiée n'a pas démontré la réalité et la nature des services rendus et n'a donc pas justifié de l'existence et de la valeur de la contrepartie qu'elle aurait retirée du versement de ces redevances ce qui constitue un transfert indirect de bénéfices au profit des sociétés qui lui sont liées. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé le tribunal, que les redevances en cause ont pour contrepartie la mise à disposition au profit de la requérante par les sociétés Arrow Group ApS et Breath Ltd des dossiers techniques nécessaires au dépôt des demandes d'autorisations de mise sur le marché pour la réalisation de son activité. Contrairement à ce que soutient le ministre en appel, il ne résulte pas de l'instruction que la SAS Arrow Génériques aurait les moyens matériels et humains nécessaires pour réaliser elle-même ces dossiers techniques lesquels nécessitent le concours de divers professionnels et la réalisation de tests cliniques ou qu'elle utiliserait le concours pour ce faire de sous-traitants. La circonstance relevée par l'administration selon laquelle certaines molécules, pour lesquelles les dossiers techniques indispensables à la réalisation de l'activité de la société étaient constitués, n'étaient pas détenues à quelque titre que ce soit par les sociétés Arrow International Limited, Arrow group ApS ou Breath Ltd et notamment que certaines molécules ne figuraient pas dans leur liste d'éléments incorporels n'est pas de nature à elle seule à permettre de remettre en cause l'existence de ces dossiers techniques et celle des services rendus par les sociétés Arrow group ApS ou Breath Ltd dès lors que cette inscription peut relever d'une autre catégorie de dépenses ou encore procéder d'une erreur dans l'inscription en comptabilité de ces molécules et des dossiers techniques qui y sont attachés. En outre, la SAS Arrow Génériques fait valoir, sans être contredite, que les droits attachés à certains dossiers n'étaient pas acquis mais loués ou sous-loués auprès de tiers par la société Arrow International Limited avant d'être concédés puis sous-concédés. Enfin, si le ministre soutient que la valeur ajoutée créée par la SAS Arrow Génériques repose sur le développement de son réseau commercial et que les redevances versées la privent du retour sur investissement auquel elle aurait droit en raison de l'activité qu'elle déploie, une telle argumentation ne permet pas de remettre en cause l'existence des services rendus par les sociétés Arrow group ApS ou Breath Ltd en contrepartie des redevances litigieuses mais, le cas échéant, uniquement le caractère excessif des redevances versées lesquelles ne constituent donc pas un avantage par nature consenti par une société établie en France à une société établie hors de France. En outre, le ministre ne produit en défense aucune démonstration visant à comparer les prix pratiqués par lesdites entreprises liées et ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement en vue de caractériser éventuellement le caractère excessif du montant des redevances versées. Il s'ensuit que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a estimé que le versement des redevances en litige par la SAS Arrow Génériques ne pouvait être regardé comme un avantage par nature consenti par une société établie en France à une société établie hors de France et que ne pouvait être réintégrée en conséquence dans son bénéfice imposable l'intégralité de leur montant sur le fondement des dispositions de l'article 57 du code général des impôts.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er à 7 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a réduit le résultat imposable de la SAS Arrow Génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 865 767 euros au titre de l'exercice 2010 et déchargé en conséquence la SAS Arrow Génériques en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés de l'année 2010 auxquelles la société a été assujettie ainsi que du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises correspondant, réduit le résultat de la SAS Arrow Génériques à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 4 694 974 euros au titre de l'exercice 2011 et rétabli le déficit reportable déclaré par la SAS Arrow Génériques au titre de l'année 2011 à proportion de cette réduction de son résultat, déchargé la SAS Arrow Génériques de la totalité du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre de l'exercice 2011 et déchargé la société en droits et pénalités des retenues à la source mises à sa charge au titre des exercices 2010 et 2011.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des conclusions présentées par la SAS Arrow Génériques sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Arrow Génériques la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SAS Arrow Génériques.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°22LY00087
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