Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société par actions simplifiée (SAS) Revillon Chocolatier a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution partielle de la cotisation foncière des entreprises dont elle s'est acquittée au titre des années 2018 et 2019 à raison de son établissement situé 20 avenue du Polygone à Roanne (Loire), assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n°2008464 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, réduit la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de la société Revillon Chocolatier au titre des années 2018 et 2019 du prix de revient des panneaux d'isolation thermique, dans un article 2, déchargé la société requérante de la différence entre la cotisation foncière des entreprises acquittée au titre des années 2018 et 2019 et celle qui résulte de l'article 1er, dans un article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2022, la société Revillon Chocolatier, représentée par Me Dionisi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 mars 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;
2°) de réduire la base imposable des immobilisations reprises aux tableaux figurant en pièces n°6 et n°7 de sa requête dont le prix de revient total est de 506 401 euros et la décharger en conséquence des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge en droits et intérêts de retard au titre des années 2018 et 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'établissement qu'elle exploite ne peut être qualifié d'établissement industriel et ne relève pas de la méthode comptable ;
- subsidiairement, la base imposable, telle que retenue par le tribunal est trop élevée dès lors que certaines immobilisations ne devraient pas y figurer au regard des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts.
Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que l'administration a requalifié l'entrepôt concerné en établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ;
- la requérante n'établit pas que certains biens devraient être extournés de sa base imposable.
Une ordonnance du 21 décembre 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 31 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Revillon Chocolatier exploite un établissement situé 20 avenue du Polygone à Roanne (Loire) en vue de l'entreposage et du conditionnement de bonbons au chocolat. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration a modifié la valeur locative des locaux qu'elle occupait pour réaliser son activité. En conséquence, l'administration l'a imposée sur ces nouvelles bases pour la cotisation foncière des entreprises dues au titre des années 2018 et 2019. La société a demandé à l'administration la restitution partielle de la cotisation foncière des entreprises dont elle s'est acquittée au titre des années 2018 et 2019 à raison de cet établissement. Par un jugement du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, réduit la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de la société au titre des années 2018 et 2019 du prix de revient des panneaux d'isolation thermique, dans un article 2, déchargé la société requérante de la différence entre la cotisation foncière des entreprises acquittée au titre des années 2018 et 2019 et celle qui résulte de l'article 1er, et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SAS Revillon Chocolatier relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 %. / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
4. Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
5. Il résulte de l'instruction que, pour exercer son activité d'entreposage, de conditionnement et d'expédition de bonbons au chocolat au sein de ses locaux situés à Roanne, la SAS Revillon Chocolatier dispose de racks d'une hauteur de huit mètres lui permettant de stocker les marchandises qu'elle réceptionne dans des espaces réfrigérés représentant un volume de 64 800 m³. Ces espaces de stockage nécessitent le recours à des installations techniques conséquentes comme des portes isothermes, des structures isolantes de type " frigo ", des groupes froid positif permettant le maintien d'une température de 8° C dans les espaces de stockage et de 15° C dans les espaces d'ensachage. L'entrepôt comprend également de nombreux engins de manutention et de levage (27 gerbeurs, 18 chariots élévateurs, 4 transpalettes autoportées et 4 transpalettes électriques) permettant notamment la charge et la décharge des camions. Pour réaliser l'activité d'ensachage des bonbons, trois lignes de travail ont été installées. Enfin, l'entrepôt est géré par un important système informatique centralisé afin d'assurer notamment la traçabilité des produits, le suivi, le contrôle et la gestion de la réception des marchandises.
6. En application des principes rappelés au point 4, les locaux de la requérante ne peuvent ainsi être regardés comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le recours à ces importantes installations techniques, ainsi que des matériels et outillages, revêt un caractère prépondérant dans la conduite de l'activité exercée dans l'établissement concerné. Si la SAS Revillon Chocolatier fait valoir que les moyens techniques mis en œuvre n'ont pas un caractère prépondérant eu égard à l'importance des moyens humains et à l'absence d'automatisation des moyens techniques, le ministre fait valoir sans être contredit que les outils et installations mentionnés au point précédent lui permettent de réceptionner chaque jour en moyenne les marchandises de douze camions et que trente camions pleins quittent quotidiennement le site, ce qui représente par jour, la réception de 250 palettes et l'expédition de 900 palettes. Ainsi, l'ensemble de ces moyens techniques permet à la SAS Revillon Chocolatier d'organiser les différentes étapes de son activité, de suivre les commandes, d'optimiser l'espace de stockage ou encore les délais de livraison, et doivent être regardés comme ayant un rôle prépondérant dans l'activité qu'elle exerce, alors même qu'elle aurait recours à une main d'œuvre importante, et que la valeur comptable de ces moyens techniques ne représenterait que 26,6% de l'ensemble des immobilisations inscrites à son actif. Enfin, s'il résulte de l'instruction que la société exerce également sur le site de Roanne une activité de précolisage consistant en la préparation de petits produits et du détail des colis dans des cartons préparés à part par une équipe de préparateurs dédiés, hors usage de tout matériel industriel, cette activité n'apparaît pas prépondérante. Dans ces conditions, l'importance des moyens techniques mise en œuvre et le rôle prépondérant que leur utilisation joue dans l'exercice par la société requérante de son activité au sein de l'établissement confèrent à celui-ci un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait appliquer la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts pour la détermination de la valeur locative des immobilisations exploitées par la SAS Revillon Chocolatier doit être écarté.
7. En deuxième lieu, le prix de revient des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière, évalué selon la méthode comptable, est celui qui est inscrit à l'actif du bilan. L'administration peut se fonder sur les énonciations comptables opposables à la société pour inclure dans la valeur locative des immobilisations le montant des travaux inscrits en tant qu'immobilisations, sauf pour la société à démontrer que ces travaux constitueraient en réalité des charges déductibles ou qu'elle aurait inscrit en tant qu'immobilisations des biens exclus par nature des bases imposables à la taxe foncière pour les propriétés bâties ou exonérés de celles-ci.
8. La société requérante soutient, à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où les bâtiments occupés seraient qualifiés d'industriels, que doivent être exclus de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises, d'une part, des travaux de réparation, d'entretien ou de mise en conformité de certaines immobilisations inscrites aux comptes n°213110 " constructions sur sol d'autrui " et n°213500 " installations générales, agencements, aménagements des constructions " et d'autre part, des éléments également inscrits en immobilisation qui constitueraient selon elle des biens meubles dissociables du bâti. Toutefois, alors que ces travaux et ces biens comptabilisés comme immobilisations ont vocation à être pris en compte dans la détermination de la cotisation foncière des entreprises, la SAS Revillon Chocolatier se borne à produire une liste des immobilisations concernées dont les intitulés ne permettent pas de justifier que les dépenses de travaux constitueraient de simples charges d'entretien courant ne participant pas à l'augmentation du prix et de la durée de vie des bâtiments existants ou que les biens concernés pourraient être dissociés du bâti. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander leur exclusion de la base imposable de son établissement à la cotisation foncière des entreprises.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Revillon Chocolatier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Revillon Chocolatier la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Revillon Chocolatier est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Revillon Chocolatier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°22LY01407
kc