Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble la décision du 1er avril 2021 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2104156 du 23 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier et 2 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Maugez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 7 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée du 14 octobre 2020 est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les décisions contestées sont entachées d'inexactitudes matérielles des fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles 6 quinquies et 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dès lors qu'elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques ainsi que de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse (DIRPJJ) - Centre-Est, lesquels ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé mentale et de compromettre son avenir professionnel ;
- ces décisions sont également entachées d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-49 du 30 janvier 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mauguez, pour Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 octobre 2019, Mme C..., éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse affectée à l'Unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Bourg-en-Bresse, sur le fondement des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, classée sans suite le 7 octobre 2020. Elle a également demandé à son administration, le 7 juillet 2020, le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les agissements répétés de harcèlement moral ainsi que les diffamations et les violences dont elle s'estimait victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 novembre 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation des décisions du ministre de la justice du 14 octobre 2020 et du 1er avril 2021 portant respectivement refus de la protection fonctionnelle et rejet de son recours gracieux.
2. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs des premiers juges le moyens tiré de l'insuffisante motivation en fait et en droit de la décision du 14 octobre 2020.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable : " I.-A raison de ses fonctions (...), le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause (...) / (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Il appartient par ailleurs à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il n'apparaît pas que le mode de management directif opéré par la supérieure hiérarchique directe de Mme C..., dont le professionnalisme était d'ailleurs reconnu, bien que s'étant traduit par un contrôle de son travail et ayant donné lieu, en particulier, à des recommandations sur la longueur de ses rapports, aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Si l'intéressée affirme que, du fait de son service, elle se trouve affectée de troubles psychologiques et anxieux, il n'en résulte pas pour autant qu'ils résulteraient d'attaques dont elle aurait été victime. Le transfert sous sa responsabilité de dossiers relevant normalement de certains de ses collègues et l'absence de récupération d'heures supplémentaires, non refusées par principe, pas plus que la dénonciation entre 2018 et 2020 des agissements de sa cheffe de service, ne sauraient suffire à révéler une animosité particulière à son égard ou un traitement spécialement discriminatoire ou, plus généralement, des faits de harcèlement. Il n'est pas établi que sa supérieure hiérarchique directe, qui le conteste, aurait forcé et dégradé un meuble de son bureau en son absence. Les alertes de Mme C... inscrites sur le Registre de santé et de sécurité au travail, certaines étant reprises par un assistant de prévention dans un courriel, sont à cet égard insuffisantes. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le directeur du service n'aurait pas réagi aux plaintes de Mme C..., alors qu'il a tenté d'apaiser les tensions dans le service en organisant notamment des réunions. S'inscrit par ailleurs dans l'exercice normal du pouvoir hiérarchique l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi le 13 juin 2018, dont rien ne permet de dire qu'elle pourrait elle-même procéder de faits de harcèlement. Et ni les évaluations dont elle a pu faire l'objet, qui ne témoignent d'aucun exercice inapproprié du pouvoir hiérarchique, ni la mise en mobilité de son poste, alors qu'elle a été placée en congé maladie ni, enfin, l'absence de transmission de son dossier médical, malgré un avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs, ne caractérisent de tels faits. Aucune violation des dispositions ci-dessus ne saurait donc être retenue.
6. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, par les mêmes motifs que ceux exposés par le tribunal, être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme C... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher présidente-assesseure ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00285 2
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