Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le maire de Neuilly-en-Donjon a refusé, au nom de l'Etat, de lui délivrer un permis de construire pour la régularisation d'une construction à usage d'habitation.
Par un jugement n° 1901422 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 mai 2022 et le 25 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Buisson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens ainsi qu'aux frais de justice.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que sa maison d'habitation peut être considérée comme une construction nécessaire à son activité agricole ;
- sa construction qui se situe au sein d'un compartiment urbanisé peut être autorisée sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;
- il justifie de la qualité d'exploitant et peut, à ce titre, bénéficier de la notion de " constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole " développé au 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- les dispositions de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme ne pouvaient lui être opposées.
Par un mémoire enregistré, le 11 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 mai 2019, M. A... a déposé une demande de permis de construire aux fins de régularisation d'une maison édifiée, sans autorisation, au lieu-dit les Bernardins, sur la commune de Neuilly-en-Donjon. Par un arrêté du 26 juin 2019, le maire de la commune de Neuilly-en-Donjon, agissant au nom de l'Etat, a refusé de faire droit à sa demande. M. A... relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 26 juin 2019.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " Mais l'article L. 111-4 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que, dans les communes dépourvues de tout plan local d'urbanisme ou de carte communale, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Par ailleurs, ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée.
4. D'autre part, pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il est tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.
5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la construction en litige situé au lieu-dit les Bernardins lequel, bien que distant de deux kilomètres du bourg du village, constitue néanmoins un environnement urbanisé, compte tenu du nombre d'habitations qui y sont implantées et de leur densité. Si la construction en litige se situe à 70 mètres de l'habitation la proche de ce lieu-dit, dont elle est séparée par la route départementale D. 266, il ressort des pièces du dossier que cette voie est bordée de chaque côté, de plusieurs constructions distantes les unes des autres de manière notable, dont la construction du requérant constitue le prolongement immédiat et qu'une autre construction se trouve implantée en aval de celle du requérant, l'habitation du requérant se situant dans le même compartiment urbain. La construction de M. A... qui représente une surface de 112 m² sur un tènement d'une superficie globale de 4 193 m², lequel est desservi par les réseaux ainsi que par une voie de circulation, n'aurait pas pour effet d'étendre cette partie urbanisée de la commune. C'est par suite à tort que, pour refuser d'accorder à M. A..., la régularisation de sa construction, le maire de la commune s'est fondé sur les dispositions citées au point 2 de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
7. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
8. La construction, pour laquelle la régularisation a été demandée, se situe dans un secteur qui ne bénéficie d'aucune protection particulière, où plusieurs constructions avoisinantes, de couleurs variées, comprennent, ainsi que le fait valoir le requérant sans être contredit, un seul niveau en bardage en bois. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, que la construction litigieuse, soit de nature à porter atteinte à l'intérêt de ce site. Dès lors, et en l'absence d'argumentation particulière de la défense sur ce point, le requérant est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le permis de construire sollicité au motif que le projet était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt du site, des lieux avoisinants et des paysages urbains environnants, le maire a commis une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme infondées ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2019.
10. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance à la requête de M. A....
11. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
12. Contrairement à ce que soutient la préfète de l'Allier, la requête présentée par M. A... contient l'exposé des moyens et conclusions. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la préfète de l'Allier doit être écartée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement déféré ainsi que de l'arrêté du 26 juin 2019.
Sur les dépens :
14. En l'absence de dépens, les conclusions de M. A..., tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser M. A... au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901422 du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et l'arrêté du 26 juin 2019 du maire de Neuilly-en-Donjon refusant, au nom de l'Etat, de délivrer à M. A... un permis de construire pour la régularisation d'une construction à usage d'habitation sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de l'Allier.
Copie en sera adressée à la commune de Neuilly-en-Donjon.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot,
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01607
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