Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter d'octobre 2017, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, en restitution de l'indu de redevance qu'elle aurait versée pour l'accès aux chaînes de télévision gratuites en détention.
Par jugement n° 1900227 du 29 juin 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Par une décision n° 436396 du 4 mars 2021, le Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de ce jugement et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 57,90 euros assortie des intérêts au taux légal, et de la capitalisation de ces intérêts.
Procédure devant la cour
Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Ciaudo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 57,90 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en application d'une note du directeur de l'administration pénitentiaire du 28 décembre 2016 qui prévoit que, à partir du 1er février 2017, les détenus propriétaires de leur poste de télévision sont redevables d'une somme de 3,86 euros par mois pour l'accès au réseau pénitentiaire de chaînes non payantes afin d'assurer l'entretien et la maintenance du réseau, il lui a été demandé de s'acquitter de cette somme d'octobre 2017 à décembre 2018 ;
- en lui demandant le versement d'une somme de 3,86 euros par mois pour l'accès au réseau pénitentiaire de chaînes non payantes, alors que l'accès aux chaînes de la TNT est gratuit pour les détenus propriétaires de leur poste dans la maison centrale de Moulins-Yzeure et dans les centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil et Sud Francilien, le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a méconnu le principe d'égalité des usagers devant le service public ;
- aucun service d'accès à la télévision ne lui a été rendu ;
- le ministre ne justifie pas de la nécessité de facturer des prestations ;
- elle est en droit de demander la restitution des sommes versées, soit 57,90 euros.
Par mémoire enregistré le 5 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel ;
- aucune rupture d'égalité entre usagers du service public ne peut lui être imputée, dès lors que la requérante n'établit pas que, durant la période en litige, d'autres détenus auraient bénéficié gratuitement du même service ;
- aucune rupture d'égalité entre usagers du service de télévision en détention et autres usagers de ce service ne peut lui être reprochée, dès lors que les usagers ne sont pas placés, pour l'accès à ce service, dans une situation identique ;
- l'Etat n'a commis aucune faute ;
- la réalité du préjudice subi n'est pas démontrée.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code pénitentiaire ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- et les conclusions de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., alors détenue au centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) depuis le 9 août 2017, s'est vue facturer, à compter du mois d'octobre 2017, des frais mensuels de 3,86 euros pour l'accès, au moyen d'un poste de télévision dont elle est propriétaire, aux chaînes de télévision non payantes. Elle a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui restituer ces sommes pour la période d'octobre 2017 à septembre 2018. Elle relève appel du jugement du 29 juin 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 57,90 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
2. Aux termes de l'article 25 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 332-33 du code pénitentiaire : " Les personnes détenues ont la possibilité d'acquérir par l'intermédiaire de la cantine divers objets, denrées ou prestations de service en supplément de ceux qui leur sont fournis gratuitement. Cette faculté s'exerce sous le contrôle du chef d'établissement ". Aux termes de l'article 19 de ce règlement : " IV.-La personne détenue peut se procurer par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités que celle-ci détermine une radio et un téléviseur individuels ". Aux termes de l'article D. 344 du code de procédure pénale, repris à l'article D. 332-34 du code pénitentiaire : " Les prix pratiqués à la cantine sont fixés périodiquement par le chef de l'établissement pénitentiaire(...) ils doivent tenir compte des frais exposés par l'administration pour la manutention et la préparation ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, de la liste des opérations comptables concernant Mme B..., établie le 4 septembre 2018 par le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville, qu'au titre de la période d'octobre 2017 à août 2018, la requérante a versé la somme de 3,86 euros par mois pour l'accès au réseau de télévision. Mme B..., qui reconnaît elle-même qu'elle a effectivement bénéficié durant cette période, au moyen du téléviseur qu'elle a acquis en détention, doté d'un système de contrôle à distance, de l'accès au service de télévision via le réseau de l'établissement, n'est pas fondée à soutenir qu'aucun service ne lui aurait été rendu en contrepartie de cette facturation.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, de la note de service du directeur de l'administration pénitentiaire du 28 décembre 2016, que le montant facturé pour l'accès au service de télévision trouve sa contrepartie dans le coût de la maintenance des infrastructures et du réseau dédié à la télévision de l'établissement. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucun motif ne justifierait que des sommes lui soient facturées.
5. En troisième lieu, en se bornant à faire valoir que l'accès aux chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) est gratuit, la requérante ne démontre pas que le montant qui lui a été facturé mensuellement serait disproportionné au coût qui pèse sur l'administration pénitentiaire pour lui fournir ce service.
6. En quatrième lieu, Mme B... soutient que l'accès aux chaînes gratuites de la TNT n'est pas facturé aux détenus propriétaires de leur poste dans la maison centrale de Moulins-Yzeure et dans les centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil et Sud Francilien. Toutefois, il ressort des dispositions précitées de l'article D. 344 du code de procédure pénale qu'il appartient au chef d'établissement de fixer les prix pratiqués à la cantine, laquelle comprend notamment les prestations d'accès au réseau de télévision, en tenant compte des frais exposés par l'administration. Dans de telles conditions, les différences de facturation invoquées, à les supposer même établies, ce qui ne ressort pas des pièces produites par la requérante, peuvent résulter de circonstances locales appréciées par le chef d'établissement sans qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité entre usagers du service public.
7. En dernier lieu, Mme B... n'est pas fondée à invoquer la situation des détenus locataires ou celle des détenus propriétaires de téléviseur et souhaitant accéder aux chaînes payantes, dès lors que souhaitant accéder aux seules chaînes gratuites avec son appareil, elle ne se trouve pas dans la même situation.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Les conclusions pécuniaires de sa requête ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais de l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
M-Th. Pillet
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00695