Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2201862 du 15 septembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, M. A..., représenté par Me de Saulce Latour, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 435-3 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article L. 435-3 ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2022, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 30 novembre 2022, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., déclare être ressortissant de la République de Côte d'Ivoire, né le 20 juillet 2001 à Diegonéfla et entré sur le territoire français le 12 février 2018. Après avoir été confié provisoirement à l'aide sociale à l'enfance de la Nièvre, une tutelle a été ouverte, qui a été confiée au département de la Nièvre, par ordonnance du 22 janvier 2019 du juge des tutelles du tribunal de grande instance de Nevers. M. A... a, en dernier lieu, demandé, sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour le 7 février 2022 au préfet de la Nièvre, qui, par un arrêté du 14 juin 2022, lui a opposé un refus, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, et tout d'abord, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
3. Ensuite, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...). ". L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. A l'appui de sa demande de titre de séjour M. A... s'est prévalu de différents documents relatifs notamment à son état civil montrant selon lui qu'il était né le 20 juillet 2001. Pour justifier de son refus, le préfet de la Nièvre a relevé que d'après l'examen technique documentaire réalisé par la police aux frontières, consigné dans deux rapports des 5 décembre 2019 et 29 janvier 2020 ces documents étaient falsifiés et qu'ils ne permettaient donc pas de démontrer la minorité de l'intéressé dont l'identité n'était pas justifiée. Par ailleurs, il a estimé que si M. A... se prévalait d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et d'une scolarisation depuis septembre 2020 dans un centre de formation des apprentis dans le cadre d'une formation de couvreur destinée à lui apporter une qualification professionnelle, bénéficiant à ce titre d'un contrat d'apprentissage avec une société, il n'avait cependant jamais été provisoirement autorisé à travailler à cette fin.
5. Il apparaît que M. A... a produit en particulier deux extraits du registre des actes de l'état civil de la commune de Diégonéfla n° 630 du 22 mai 2018, délivrés le surlendemain, portant transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 448/2018 du 18 mai 2018 rendu par la section du tribunal d'Oumé, un extrait des minutes du greffe délivré le 20 novembre 2019 à Oumé valant expédition de ce jugement supplétif et une copie intégrale de transcription de ce dernier, délivrée le 25 septembre 2019 à Diégonéfla. Toutefois, par un premier rapport d'analyse documentaire du 5 décembre 2019, un membre du service d'analyse en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, officier de police judiciaire, a estimé, de manière circonstanciée, au regard tant de la forme des actes eux-mêmes que de la législation ivoirienne, que les deux premiers documents évoqués ci- dessus constituaient des contrefaçons. Puis un second rapport de ce service en date du 29 janvier 2020 a précisément considéré, en raison de la forme des actes eux-mêmes, que les deux derniers documents dont il vient également d'être fait état constituaient aussi des contrefaçons. La critique de ces conclusions par M. A... ne repose sur rien de sérieux alors que l'intéressé a également produit deux actes relatifs au décès de son père, à l'authenticité douteuse, correspondant à un certificat de genre de mort du 13 mai 2019 et à un extrait du registre des actes de l'état civil du 9 décembre 2019 faisant état de ce décès, respectivement, le 1er janvier 2010 à Bouaké et le 29 novembre 2019 à Diegonéfla, la cour s'étant au demeurant déjà prononcée sur l'intégralité de ces documents. De même, si l'intéressé a produit une carte d'immatriculation consulaire, un certificat de nationalité ainsi qu'un passeport, ces trois documents, qui n'ont pas de valeur probante particulière pour l'application de l'article 47 du code civil précité, dès lors qu'ils ne s'analysent pas comme des actes d'état civil, et qui ont vraisemblablement été délivrés au vu des documents examinés plus haut, ne sauraient suffire à justifier de son identité. Dans ces conditions, et sans avoir à saisir les autorités ivoiriennes, le préfet de la Nièvre était donc fondé à estimer que M. A... ne justifiait ni de sa minorité, ni de son identité, et à lui refuser, pour ce seul motif, la délivrance d'un titre de séjour. En toute hypothèse, étant dans sa vingtième année à la date de la demande de titre, il ne pouvait légalement en obtenir la délivrance. Dans ces conditions, et quand bien même l'absence d'autorisation provisoire de travail ne pourrait lui être légalement opposée et qu'il remplirait les autres conditions posées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Nièvre a pu légalement, en toute hypothèse, refuser à M. A... le bénéfice du titre demandé.
6. En deuxième lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, cette décision d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V-M. Picard La greffière,
A. le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03047
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