Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire a rejeté sa demande du 10 août 2020 tendant, d'une part, à la régularisation des montants de prime de service qui lui ont été versés au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 et, d'autre part, à la publication d'une nouvelle note de service relative au calcul de cette prime, et d'enjoindre au centre hospitalier de prendre une nouvelle décision relative aux montants de prime de service qui lui sont dus.
Par un jugement n° 2003184 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2022 et 7 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Brey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire a rejeté sa demande du 10 août 2020 tendant, d'une part, à la régularisation des montants de prime de service qui lui ont été versés au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 et, d'autre part, à la publication d'une nouvelle note de service relative au calcul de cette prime ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de lui verser la prime de service pour les années 2016 à 2019 en prenant en considération son indice brut sans rectification et de publier une nouvelle note de service relative au calcul de la prime de service, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Lôo une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier ne lui a pas communiqué, malgré sa demande du 16 octobre 2020, les motifs de la décision attaquée, alors que celle-ci aurait dû être motivée ;
- en prenant en compte, pour calculer le montant de prime de service dû, un indice majoré " rectifié " au lieu du traitement brut, le centre hospitalier a méconnu les dispositions de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 ;
- le reliquat laissé disponible par les abattements résultant des absences des agents n'est pas réparti entre les agents ou n'est pas réparti conformément aux dispositions de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, le centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire, représenté par Me Geslain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 4 mars 1967 modifiant les conditions d'attribution des primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Dandon, représentant le centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., infirmière affectée au centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo à La Charité-sur-Loire, a demandé, par un courrier du 10 août 2020 adressé au directeur de ce centre hospitalier, de modifier les règles de répartition de la prime de service entre les agents qui en bénéficient, de publier une nouvelle note de service conforme aux dispositions de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 et de lui verser le complément de prime de service lui revenant au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019. Une décision implicite de rejet de cette demande est née du silence gardé par le directeur du centre hospitalier, dont elle a demandé les motifs par un courrier du 14 octobre 2020. Mme B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article premier de l'arrêté du 4 mars 1967 modifiant les conditions d'attribution des primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics : " Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics (...) les personnels (...) peuvent recevoir des primes de service liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté (...) ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Dans chacun des établissements visés à l'article 1er du présent arrêté, le crédit global qui peut être affecté au paiement des primes de service est fixé pour un exercice donné à 7,5 p. 100 du montant des crédits effectivement utilisés au cours dudit exercice pour la liquidation des traitements budgétaires bruts des personnels en fonctions pouvant prétendre au bénéfice de la prime. / Dans la limite des crédits définis à l'alinéa précédent, les montants individuels de la prime de service sont fixés, pour un service annuel complet, en considération de la valeur professionnelle et de l'activité de chaque agent. ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " La prime de service ne peut être attribuée au titre d'une année qu'aux agents ayant obtenu pour l'année considérée une note au moins égale à 12,5. L'autorité investie du pouvoir de nomination fixe les conditions dans lesquelles le montant de la prime varie proportionnellement aux notes obtenues sans qu'il puisse excéder 17 p. 100 du traitement brut de l'agent au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la prime est attribuée. Pour tenir compte des sujétions journalières réelles, toute journée d'absence entraîne un abattement d'un cent quarantième du montant de la prime individuelle (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que la prime de service qu'elles instaurent est calculée en fonction de la valeur professionnelle de l'agent et de son activité, exprimée par une note, après prise en compte des jours d'absence impliquant un abattement d'un cent-quarantième pour chacun de ces jours, le montant en résultant étant plafonné à 17 % du traitement brut de cet agent. En décidant d'appliquer, pour le calcul des points correspondant à la valeur professionnelle, non pas l'indice attaché à chaque grade et corps d'emploi permettant de fixer le traitement indiciaire brut, mais un indice majoré rectifié, décidé en application d'un accord local qui aurait été conclu au plus tard en 2002 avec les représentants du personnel qu'il s'abstient au demeurant de produire, le centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo a ajouté un critère non prévu par les dispositions combinées des articles 2 et 3 de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 précité. Il a ainsi méconnu ces dispositions et commis une erreur de droit, tant pour le calcul de la prime de service que pour la répartition du solde de cette prime en fonction du reliquat laissé disponible par les abattements résultant des absences des agents. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués en appel et en première instance, Mme B... est fondée à soutenir que la prime de service qu'elle a perçue au titre des années 2016 à 2019 procède d'un calcul erroné et que la décision implicite, par laquelle le centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire a rejeté sa demande du 10 août 2020 tendant à la régularisation des montants de prime de service qui lui ont été versés au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 doit être annulée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".
5. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la décision implicite attaquée, en tant qu'elle porte refus de publier une nouvelle note de service, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 août 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire a implicitement refusé de régulariser les montants de prime de service qui lui ont été versés au titre des années 2016 à 2019. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et la décision attaquée dans cette mesure.
Sur l'injonction :
7. L'annulation, décidée par le présent arrêt, de la décision implicite de rejet de la demande présentée par Mme B... le 10 août 2020 relative à ses primes de service implique seulement que le centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire verse à Mme B... les montants de prime de service au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 calculés conformément aux dispositions rappelées au point 2. Il y a par suite lieu d'enjoindre au centre hospitalier de procéder à ce versement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B... sur ce point et de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 décembre 2021 et la décision implicite de rejet de la demande de Mme B... présentée le 10 août 2020 au centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire sont annulés en tant qu'ils portent sur le refus de régularisation des primes de services allouées à Mme B....
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire de verser à Mme B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, les montants de prime de service au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 calculés conformément aux dispositions rappelées au point 2.
Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier spécialisé Pierre Lôo de La Charité-sur-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Nièvre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY00389