Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 3 décembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de renouveler son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2108718 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2022, Mme B... épouse C..., représentée par Me Habiles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 3 décembre 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à un nouvel examen de sa situation, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, dans les délais, respectivement, de deux et d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation particulière et n'est pas suffisamment motivé ;
- le refus de certificat de résidence méconnaît le 2) de l'article 6 et l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, le décès de son époux ne lui étant pas opposable en application de l'article L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 31 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 3 décembre 2021 rejetant sa demande de renouvellement de son certificat de résidence, obtenu en qualité de conjointe d'un ressortissant français, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, en visant les 2) et 5) de l'article 6 et l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en ayant notamment rappelé le décès de l'époux de l'intéressée et sa situation familiale, le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation de Mme C..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux, ainsi motivé, que le préfet de l'Isère a, contrairement à ce que prétend Mme C..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs de fait ou d'appréciation dont cet examen serait entaché.
4. En troisième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Aux termes de son article 7 bis : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".
5. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux titres de séjour délivrés aux étrangers conjoints de Français : " La rupture du lien conjugal n'est pas opposable lorsqu'elle résulte du décès du conjoint. Il en va de même de la rupture de la vie commune ".
6. Les dispositions de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dès lors, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Par suite, et alors même que les stipulations de l'accord franco-algérien rappelées ci-dessus sont plus restrictives que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en soumettant le renouvellement du certificat de résidence pour les conjoints de Français à une condition de communauté de vie sans prévoir d'exception en cas du décès du conjoint, Mme C..., en tant que ressortissante algérienne, ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 423-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions citées au point 4 en refusant de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de conjointe d'un ressortissant français au seul motif de la rupture de la communauté de vie due au décès de son époux.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
8. Mme B... épouse C..., ressortissante algérienne née en 1966, est entrée, d'après ses déclarations, au mois d'octobre 2018 en France où elle a épousé, le 15 décembre 2018, M. C..., décédé le 25 novembre 2019. A la date de la décision litigieuse, elle ne résidait ainsi que depuis trois ans sur le territoire français, après avoir vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans en Algérie. Elle ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France, à l'exception d'une sœur et de la famille de son défunt époux, alors qu'elle n'établit pas en être dépourvue dans son pays d'origine, où demeurent, d'après le formulaire rempli par ses soins le 9 janvier 2020 et sans qu'elle n'établisse la rupture de tout lien avec eux, une de ses sœurs et ses quatre frères. Dans ces circonstances, et nonobstant l'activité professionnelle dont elle se prévaut, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations citées au point 7. Pour ces mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C....
9. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de certificat de résidence doit être écarté.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 8, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
12. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
13. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Christine Psilakis, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLa présidente,
A. Evrard
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02864