Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les délibérations n° 138 et n° 139 du 16 décembre 2019 par lesquelles le conseil municipal de la commune d'Ornex a prononcé le déclassement partiel de la rue de la Tour et approuvé l'échange de la parcelle ainsi déclassée avec une propriété de M. Jacquemet, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.
Par jugement nos 2005917-2005917 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a joint et rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 août 2022 et le 15 septembre 2023, M. B..., représenté par Me David (AARPI Urban conseil avocats associés), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 2022 et les délibérations du conseil municipal de la commune d'Ornex n° 138 et n° 139 du 16 décembre 2019, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Ornex la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les délibérations litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, un conseiller municipal intéressé ayant été présent à la séance du conseil municipal, en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
- la délibération portant déclassement n'est pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
- les conseillers municipaux n'ont pas bénéficié d'une information suffisante avant d'adopter cette délibération, en méconnaissance de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- la note de synthèse qui l'a précédée n'était pas suffisamment précise, en méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée d'une enquête publique en méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière ;
- elle méconnaît l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la parcelle était toujours affectée à l'usage direct du public ;
- elle est entachée d'une inexactitude matérielle en qualifiant cette parcelle de " délaissé de voirie " ;
- elle méconnaît les règles d'accessibilité prescrites par le décret du 21 décembre 2006 et l'arrêté du 15 janvier 2007 en permettant des aménagements qui ont pour effet de réduire la largeur du trottoir à 0,95 mètre ;
- elle procède d'un détournement de pouvoir, afin de régulariser une emprise irrégulière sur le domaine public ;
- la délibération autorisant l'échange de parcelles n'est pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
- l'échange de parcelles est irrégulier, le déclassement qui l'a précédé étant lui-même irrégulier et la parcelle échangée appartenant déjà au domaine public.
Par mémoires enregistrés le 15 novembre 2022 et le 6 octobre 2023, la commune d'Ornex, représentée par Me Lacroix (SELARL Itinéraires avocats), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 ;
- le décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 ;
- l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;
- et les observations de Me Manzoni pour M. B..., et celles de Me Garifulina pour la commune d'Ornex ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du réaménagement de la rue de la Tour, le conseil municipal de la commune d'Ornex a, par deux délibérations du 16 décembre 2019, autorisé, d'une part, le déclassement d'une bande de terrain de 17 mètres carrés appartenant au domaine public routier et longeant le domicile de M. Jacquemet et, d'autre part, l'échange de cette parcelle avec une partie de la parcelle cadastrée section AO n° 310 appartenant à ce dernier. Résidant au bout de cette rue en impasse, M. B... a formé un recours gracieux contre ces délibérations, qui a été rejeté par le maire d'Ornex le 17 avril 2020. Il relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux délibérations et du rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal. (...) Les délibérations concernant (...) le déclassement sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque l'opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le déclassement autorisé par la délibération du conseil municipal d'Ornex du 16 décembre 2019 a pour seul effet de réduire la largeur du cheminement piéton longeant une partie de la rue de la Tour, sans faire obstacle ni à la circulation automobile, ni à celle des piétons. Ainsi, cette opération ne porte pas atteinte aux fonctions de circulation et de desserte assurées par cette voie. M. B... ne peut dès lors utilement reprocher à la commune d'Ornex de ne pas avoir précédé son adoption d'une enquête publique.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
5. Il est constant que, préalablement à la séance du 16 décembre 2019, les membres du conseil municipal ont été destinataires d'une note de synthèse laquelle, s'agissant du projet de délibération portant déclassement du domaine public, rappelle l'opération de réaménagement de la rue de la Tour, identifie la parcelle concernée et évoque le projet d'échange dont elle fait l'objet, ainsi que l'absence d'incidence sur la circulation et la desserte assurée par la rue. Cette notice, qui n'avait pas à justifier la préférence donnée à cette procédure par rapport à un simple rachat de la parcelle échangée et qui est adaptée à la nature et à l'importance du projet en cause, a été, contrairement à ce que prétend M. B..., suffisamment précise pour permettre aux élus de connaître le contexte, les motifs et les implications du projet de délibération proposé. Alors même que cette note a été reprise dans ses motifs, la délibération portant déclassement du domaine public a ainsi été adoptée sans méconnaître les dispositions rappelées au point 4.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".
7. Si la délibération portant déclassement désigne la parcelle concernée comme un " délaissé de voirie ", sans autres précisions, il n'en résulte pour autant aucune ambiguïté quant à l'appartenance de cette parcelle au domaine public, compte tenu du déclassement expressément adopté. Par ailleurs, en écartant toute incidence sur " la largeur de la voirie utilisable pour accéder aux parcelles de fond de voie ", cette délibération ne permet pas d'établir qu'une information erronée quant aux incidences du projet aurait été délivrée aux élus, seule l'assiette de la chaussée étant ainsi visée. Enfin, il a été répondu à l'interrogation d'un élu quant à " la longueur restante ". Par suite, et compte tenu de la notice évoquée au point 5, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette délibération aurait été adoptée en méconnaissance du droit des élus à être informés des affaires de la commune.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet (...) ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération.
9. Il résulte des termes mêmes des délibérations litigieuses que Mme Jacquemet, conseillère municipale et fille de M. Jacquemet, s'est abstenue de prendre part tant au débat qui les a précédées, qu'à leur vote. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait par ailleurs été en mesure d'exercer une influence, par quelque moyen que ce soit, sur ces délibérations. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses ont été adoptées en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles (...) ".
11. D'une part, la délibération du conseil municipal d'Ornex du 16 décembre 2019 portant déclassement n'autorise en elle-même aucune cession, au sens du troisième alinéa de l'article 2241-1 du code général des collectivités territoriales. Ne présentant pas, par ailleurs, le caractère d'une décision administrative individuelle, elle n'a pas à être motivée. D'autre part, la délibération du conseil municipal d'Ornex du 16 décembre 2019 portant échange de parcelles avec M. Jacquemet précise que cet échange est consenti afin de permettre l'aménagement de la rue de la Tour et identifie précisément les parcelles concernées, en indiquant leur surface et leur propriétaire. Cette délibération est ainsi suffisamment motivée, conformément aux dispositions citées au point 10. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des délibérations litigieuses doivent être écartés.
12. En sixième lieu, la délibération portant déclassement emportant par elle-même désaffectation de la parcelle en cause, M. B... ne peut utilement soutenir, pour la contester, que cette parcelle n'avait pas cessé d'être affectée à l'usage du public, en méconnaissance de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
13. En septième lieu, si, dans ses motifs, la délibération portant déclassement désigne la parcelle en cause comme un " délaissé de voirie ", il résulte de l'objet même de cette délibération, qui procède au déclassement de cette parcelle, que la commune n'en a nullement déduit que celle-ci n'appartenait plus au domaine public. Par suite, à supposer même cette qualification erronée, elle aurait pris la même décision si elle n'avait pas entaché sa décision de cette erreur.
14. En huitième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics : " A compter du 1er juillet 2007, l'aménagement, en agglomération, des espaces publics et de l'ensemble de la voirie ouverte à la circulation publique (...) est réalisé de manière à permettre l'accessibilité de ces voiries et espaces publics aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible. Ces dispositions sont applicables à l'occasion de la réalisation de voies nouvelles, d'aménagements ou de travaux ayant pour effet de modifier la structure des voies ou d'en changer l'assiette ou de travaux de réaménagement, de réhabilitation ou de réfection des voies, des cheminements existants ou des espaces publics, que ceux-ci soient ou non réalisés dans le cadre d'un projet de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics ".
15. En autorisant le déclassement d'une parcelle, la délibération du conseil municipal d'Ornex du 16 décembre 2019 n'autorise ni la réalisation d'une voie nouvelle, ni celle d'aménagements ou de travaux sur des voies, cheminements existants ou espaces publics. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 et de l'arrêté du 15 janvier 2007, qui définissent les prescriptions techniques applicables pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics, pour contester cette délibération.
16. En neuvième lieu, il ressort des pièces du dossier que le déclassement, comme l'échange autorisés par les délibérations litigieuses se sont inscrits dans le cadre du réaménagement de la rue de la Tour entrepris par la commune d'Ornex. Si la parcelle ainsi déclassée puis échangée était, pour partie, irrégulièrement occupée par le perron du domicile de M. Jacquemet, les délibérations litigieuses comportaient une contrepartie satisfaisant les attentes de la commune, en lui permettant de récupérer une parcelle comportant un candélabre. Contrairement à ce que prétend M. B..., il résulte notamment du plan foncier versé au dossier que la parcelle ainsi récupérée par la commune appartenait jusqu'alors à M. Jacquemet et ne relevait donc pas du domaine public routier. Ainsi, alors même que cet échange de parcelles a permis à M. Jacquemet de régulariser un menu ouvrage jusqu'alors irrégulièrement implanté, il poursuivait une finalité d'intérêt général. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la délibération portant déclassement procède d'un détournement de pouvoir.
17. En dixième lieu, comme indiqué au paragraphe précédent, la parcelle récupérée par la commune d'Ornex dans le cadre de cet échange appartenait jusqu'alors à M. Jacquemet et ne relevait pas jusqu'alors du domaine public. Par suite, aucune inexactitude n'entache sur ce point la délibération autorisant cet échange.
18. Enfin, M. B... n'étant pas fondé à soutenir que la délibération portant déclassement est irrégulière, il ne peut davantage se prévaloir de son illégalité pour contester la délibération autorisant l'échange de la parcelle en cause.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ornex, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 800 euros à la commune d'Ornex, en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune d'Ornex une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à M. C... Jacquemet et à la commune d'Ornex.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Christine Psilakis, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02464