Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 7 juillet 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par jugement n° 2304360 du 21 septembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Zouaoui, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la fixation du pays de destination n'est pas fondée ;
Le préfet de la Haute-Savoie, à qui la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;
- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né en 1997, est entré en France en avril 2015, selon ses déclarations. Le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié et lui a fait obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 3 septembre 2019 dont la légalité a été confirmée par la cour par un arrêt du 14 avril 2020, et a refusé d'enregistrer une nouvelle demande de titre de séjour par une décision du 21 octobre 2021. Le 7 juillet 2023, M. B... a été interpellé à la suite d'une rixe sur un chantier et a fait l'objet d'une vérification de son droit au séjour en France. Par arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D... A..., directeur de la citoyenneté et de l'immigration de la préfecture de la Haute-Savoie, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin en vertu d'un arrêté du préfet du 31 mai 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire.
3. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. B... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 3 septembre 2019, qu'il n'a pas exécutée, et rappelle les circonstances de fait attachées à sa situation personnelle, et, notamment, le fait qu'il est célibataire et sans charge de famille. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision, qui comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en sont le fondement, serait insuffisamment motivée.
4. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux, ainsi motivé, que le préfet de la Haute-Savoie a, contrairement à ce que prétend M. B..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) et à la prévention des infractions pénales (...) ".
6. M. B... fait valoir qu'il entré en France huit ans avant la décision en litige, qu'il y a rejoint son père, son frère et sa sœur qui y résident régulièrement et qu'il travaille avec son père et son frère en tant que maçon. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'a jamais été admis au séjour et qu'il se maintient en France irrégulièrement en dépit d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre en 2019. M. B..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales en Turquie, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, le préfet de la Haute-Savoie, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté en litige a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
8. Le préfet de la Haute-Savoie, qui a pris en considération la durée de la présence sur le territoire français de M. B..., l'absence de liens intenses, stables et anciens en France alors que l'intéressé est célibataire et sans enfant et qu'il a vécu séparé de son père jusqu'à sa majorité, l'existence d'attaches privées et familiales en Turquie où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans ainsi que la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, n'a pas inexactement appliqué les dispositions citées au point 7 en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. En outre, eu égard aux circonstances exposées au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en fixant la durée de cette mesure à un an, aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
9. En dernier lieu, si le requérant soutient que la fixation du pays de destination n'est pas fondée, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
11. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03323