La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°23LY02261

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY02261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du préfet du Puy-de-Dôme du 18 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence.



Par jugement n° 2300820 du 24 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, admis M.

B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, dans un article 2, rejeté la demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du préfet du Puy-de-Dôme du 18 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence.

Par jugement n° 2300820 du 24 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, dans un article 2, rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2023 et 4 mai 2024, M. B..., représenté par Me Demars, demande à la cour :

1°) d'annuler ou réformer l'article 2 de ce jugement ainsi que d'annuler les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme sans délai de procéder à l'effacement de son signalement dans le système information Schengen, de procéder à la restitution de son passeport et de mettre fin à la mesure de surveillance le concernant ;

3°) de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le jugement attaqué est entaché d'omissions à statuer ;

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de mention substantielle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le 4°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant tout délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'existe pas de risque qu'il se soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

- elle est disproportionnée et entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est disproportionnée dans ses modalités de présentation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des effets de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2024, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 4 octobre 1981 à Bajram Curri Tropoje (Albanie), a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, le 17 avril 2023, par les services de la police aux frontières. Par deux arrêtés du 18 avril 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d'une durée d'un an d'une part, et une assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours d'autre part. L'intéressé relève appel de l'article 2 du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B..., la magistrate désignée a répondu par des motifs suffisants aux moyens qui étaient soulevés devant elle à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur d'appréciation aux points 17, 19 et 20 de son jugement. M. B... soutient également que le premier juge n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur de droit dirigé contre cette décision. Toutefois, il n'avait soulevé un tel moyen que dans sa requête sommaire présentée devant le tribunal et sans le reprendre dans son mémoire ampliatif de sorte que ce moyen n'était assorti d'aucune précision. Il ressort en outre des écritures de l'intéressé que ce moyen se confondait avec celui tiré de l'erreur d'appréciation également soulevé et auquel le premier juge a suffisamment répondu.

3. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ne pas avoir visé ni répondu aux conclusions demandant à ce qu'il soit ordonné au préfet du Puy-de-Dôme de communiquer l'entier dossier sur la base duquel l'arrêté en litige a été édicté, de telles conclusions ne doivent pas s'analyser comme des conclusions à fin d'injonction auxquelles le premier juge n'aurait pas répondu mais comme une demande de communication de pièces présentée au cours de la procédure contentieuse. A ce titre, il ressort des pièces de première instance que le préfet du Puy-de-Dôme a communiqué l'ensemble de ces éléments le 21 avril 2023. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à ce titre doit être écarté.

4. M. B... a soulevé devant le premier juge les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. S'il a également soulevé un moyen tiré de l'erreur d'appréciation, lequel n'était pas argumenté spécifiquement, ce moyen doit être rattaché à la méconnaissance des stipulations précitées. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour n'avoir ni visé ni répondu à ce moyen.

5. Ainsi qu'il a été rappelé, M. B... avait soulevé un moyen tiré de l'erreur de droit dirigé contre l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre uniquement dans sa requête sommaire présentée devant le tribunal et sans le reprendre dans son mémoire ampliatif. Le premier juge a pu régulièrement estimer, au vu des écritures du requérant, que ce moyen se confondait, dans son argumentation, avec celui tiré de l'erreur d'appréciation également soulevé et ne répondre qu'à ce dernier.

6. En revanche, ainsi que le soutient M. B..., le premier juge n'a pas examiné le moyen tiré du vice de procédure, qui n'était pas inopérant, dirigé contre la décision portant assignation à résidence qu'il a visé. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité du jugement soulevé en tant qu'il a statué sur cette décision, le jugement attaqué est irrégulier dans cette mesure et doit être annulé en tant seulement qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence.

7. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est irrégulier faute de mentionner que le greffier était présent à l'audience, il ne vise la méconnaissance d'aucune disposition précise. En outre, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier de première instance que le greffier présent à l'audience a signé la minute du jugement attaqué. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur ses autres conclusions d'annulation.

Sur les moyens communs soulevés à l'encontre des décisions en litige :

9. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

10. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

11. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 9, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu le 17 avril 2023 par un agent de police judiciaire sur sa situation administrative, familiale et médicale avec l'assistance d'un interprète et de son avocat et a répondu à l'ensemble des questions qui lui étaient posées à ces titres. Il a été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine ou d'un pays où il serait légalement admissible, éventuellement assortie d'une assignation à résidence et d'une interdiction de retour en France ou d'un placement en rétention administrative. La circonstance que son téléphone portable ait été saisi à l'occasion de son placement en retenue administrative n'a eu aucune incidence sur la possibilité qu'il a eue de formuler des observations utiles lors de son audition. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu et que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, portant refus de délai de départ volontaire, portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence sont à ce titre illégales.

13. M. B... réitère en appel les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de ceux-ci. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge aux points 8 à 11, 15 et 21 du jugement attaqué. A supposer qu'en soulevant également un moyen tiré de l'erreur d'appréciation à l'encontre de ces décisions, M. B... ait entendu soulever le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle, un tel moyen doit être écarté pour les mêmes motifs.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Il ne ressort pas de la décision portant obligation de quitter le territoire français que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de l'intéressé. La circonstance que le préfet n'ait pas visé l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfants ne révèle pas que ce dernier n'aurait pas tenu compte de la présence en France des trois enfants mineurs de M. B... dès lors qu'il en a fait état dans sa décision.

15. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. "

16. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 précité, précise que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 juin 2017, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 décembre 2017, notifiée le 2 janvier 2018. Ces mentions sont confirmées par celles de la fiche TelemOfpra produite par le préfet du Puy-de-Dôme. Si le requérant ajoute que le préfet a relevé qu'il avait formulé une demande de titre de séjour le 26 janvier 2021, ayant donné lieu à une décision implicite de rejet le 26 mai 2021, il ne peut se prévaloir à ce titre d'aucun droit au séjour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas justifié du rejet définitif de sa demande d'asile et que sa décision serait entachée d'erreur de droit au regard des dispositions précitées.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant refus de délai de départ volontaire :

17. La décision portant obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. B... n'étant pas illégale, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision susvisée.

18. M. B... reprend en appel le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet du Puy-de-Dôme au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 4°) et 8°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge aux points 13 et 14 de son jugement.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

19. La décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. B... n'étant pas illégale, ce dernier ne saurait soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale pour défaut de base légale.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

20. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire prises à l'encontre de M. B... étant légales, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour édictée serait à ce titre dépourvue de base légale.

21. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. "

22. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. Contrairement à ce que soutient M. B..., la décision en cause précise sa date d'entrée en France, fait état de l'absence de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables sur le territoire français. Elle énonce également que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement ne représente pas de menace pour l'ordre public. Elle mentionne ainsi les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an doit, dès lors, être écarté.

24. La circonstance que cette décision soit entachée d'une erreur de plume de la part du préfet qui a visé l'absence de circonstances " particulières " et non " humanitaires " pouvant empêcher l'édiction d'une interdiction de retour ne saurait entacher cette décision d'une erreur de droit.

25. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

26. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

27. Les circonstances évoquées par M. B... tirées de sa présence en France depuis 6 ans, du dépôt de deux demandes de titres de séjour, de l'existence de deux promesses d'embauche et de la scolarisation de ses trois enfants mineurs ne constituent pas des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées pouvant faire obstacle au prononcé par le préfet du Puy-de-Dôme d'une interdiction de retour.

28. Pour prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet du Puy-de-Dôme a tenu compte de la durée de présence de M. B..., de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que de l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et de l'absence de menace à l'ordre public. Eu égard à ces éléments, rappelés notamment au point 13, caractérisant la situation de l'intéressé, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an à l'encontre de l'intéressé ou entaché sa décision de disproportion.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

29. Dès lors que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... ont été écartés, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.

30. La décision portant assignation à résidence est suffisamment motivée en droit par le visa de l'article L. 731-1 du code précité et celui de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... justifiant son édiction sur le fondement du 1°) de cette disposition. Elle est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

31. Si M. B... soutient que cette décision n'est pas justifiée, il n'est pas sérieusement contesté que l'éloignement de l'intéressé demeurait à la date de cette décision une perspective raisonnable justifiant son édiction.

32. Il ressort de la décision litigieuse que M. B... a l'obligation de se présenter tous les jours, y compris les jours fériés, à 9h30 à l'hôtel de police de Clermont-Ferrand. L'intéressé ne démontre pas que ces modalités de présentation seraient incompatibles avec sa situation familiale. Il ne ressort d'aucun élément que l'épouse de M. B... ne pourrait accompagner ses enfants à l'école pour lui permettre de respecter ses obligations de pointage. Par suite, le moyen tiré de la disproportion des modalités de présentation édictées doit être écarté.

33. La décision en litige ne saurait porter atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs au seul motif que l'obligation de pointage l'empêcherait d'accompagner ses enfants chaque matin à l'école. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit par suite être écarté.

34. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment et dès lors que le requérant n'invoque aucun autre élément, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des effets de l'exécution de la décision susvisée sur sa situation personnelle doit être écarté.

35. Il résulte de ce qui précède que M. B... est uniquement fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence édictée le 18 avril 2023 par le préfet du Puy-de-Dôme. Les conclusions de la demande présentées à ce titre doivent être rejetées ainsi que le surplus de ses conclusions d'annulation présentées en appel. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2300820 du 24 avril 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande présentée par M. B... tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence édictée le 18 avril 2023 à son encontre.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence édictée le 18 avril 2023 par le préfet du Puy-de-Dôme ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente ;

M. Gros, premier conseiller ;

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02261

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02261
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DEMARS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly02261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award