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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY03401

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY03401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.



Par jugement n° 2305455 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédur

e devant la cour



Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Pochard...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par jugement n° 2305455 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Pochard, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2023 ainsi que les décisions susvisées ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de renouveler son titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et/ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'erreurs de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision précédente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les observations de Me Pochard, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante libanaise née le 8 janvier 1978, déclare être entrée sur le territoire français en février 2017. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 août 2017, que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 22 octobre 2019. Elle a bénéficié de deux titres de séjour en qualité d'accompagnant de son époux malade entre le 8 septembre 2018 et le 7 septembre 2019 et entre le 16 décembre 2021 et le 15 décembre 2022. Le 24 octobre 2022, Mme B... a sollicité le renouvellement de ce dernier titre de séjour. Par un arrêté du 31 mai 2023, la préfète du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, a refusé de lui délivrer un titre de séjour à un autre titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2024. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité de la décision portant renouvellement de titre de séjour et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés :

3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... justifie de six années de présence en France et qu'elle a bénéficié de deux titres de séjour en qualité d'accompagnante de son époux malade. Elle est séparée de son époux qui fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Si elle conserve dans son pays d'origine des attaches privées et familiales, il est constant qu'à la date de la décision en litige, sa fille aînée, née en 2006, s'était vu attribuer un titre de séjour en France valable jusqu'au 26 février 2024, qui lui permettait donc de se maintenir sur le territoire français. Mme B... justifie en outre d'une intégration sociale en France en produisant de nombreuses attestations de connaissances et d'une certaine intégration professionnelle dans le secteur de l'aide à la personne. Dans ces conditions, compte tenu de la présence régulière sur le territoire français de sa fille aînée mineure, qui est en outre scolarisée en France ainsi que son jeune frère depuis 2017, et de la nécessité pour cet enfant de ne pas être séparée de sa mère, la préfète du Rhône, en refusant le renouvellement du titre de séjour à Mme B..., a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a pris la décision contestée. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la préfète du Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Cette décision portant refus de séjour doit ainsi être annulée. Par voie de conséquence, doivent être annulées les décisions subséquentes du 31 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 31 mai 2023 édicté par la préfète du Rhône.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation retenu, d'enjoindre à la préfète du Rhône de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, à verser à Me Pochard, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme B....

Article 2 : Le jugement n° 2305455 du 10 octobre 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 31 mai 2023 de la préfète du Rhône pris à l'encontre de Mme B... est annulé.

Article 4 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros au conseil de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03401

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03401
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly03401 ?
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