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19/09/2024 | FRANCE | N°20LY02538

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 20LY02538


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société civile immobilière (SCI) Thermes de Divonne-les-Bains, la société à responsabilité limitée (SARL) thermale de Divonne-les-Bains et la société anonyme (SA) Compagnie européenne des bains ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Divonne-les-Bains à verser les sommes HT de 2 476 219 euros à la SCI Thermes de Divonne-les-Bains et de 4 515 506,84 euros à la SARL thermale de Divonne-les-Bains, subsidiairement, toutes ces sommes à la SCI Therm

es de Divonne-les-Bains, et la somme de 7 980 000 euros à la SA Compagnie européenne des b...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Thermes de Divonne-les-Bains, la société à responsabilité limitée (SARL) thermale de Divonne-les-Bains et la société anonyme (SA) Compagnie européenne des bains ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Divonne-les-Bains à verser les sommes HT de 2 476 219 euros à la SCI Thermes de Divonne-les-Bains et de 4 515 506,84 euros à la SARL thermale de Divonne-les-Bains, subsidiairement, toutes ces sommes à la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, et la somme de 7 980 000 euros à la SA Compagnie européenne des bains, augmentées de la taxe sur la valeur ajoutée et assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, en indemnisation de la résiliation aux torts de la SCI Thermes de Divonne-les-Bains du bail emphytéotique administratif conclu pour l'occupation et l'exploitation des thermes.

Par jugement n° 1807737 du 25 juin 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 août 2020 et les 7 septembre 2020, 1er octobre 2021, 30 mai 2022 et 23 août 2022, la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains, représentées par la Selarl Cabanes Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 et de condamner la commune de Divonne-les-Bains à leur verser la somme de 7 397 783,95 euros ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Divonne-les-Bains la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par mémoires enregistrés les 8 décembre 2020, 2 mars 2021, 24 janvier 2022, 18 août 2022 et 16 septembre 2022, la commune de Divonne-les-Bains, représentée par Me Verrier, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des appelantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par arrêt du 6 octobre 2022, la cour a :

1°) rejeté, d'une part, les conclusions indemnitaires de la SARL thermale de Divonne-les-Bains et de la SA Compagnie européenne des bains, d'autre part, les conclusions présentées par la SCI Thermale de Divonne-les-Bains tendant à la condamnation de la commune de Divonne-les-Bains au versement de la somme de 6 432 247,95 euros en indemnisation de son manque en gagner ;

2°) avant de statuer sur le surplus des conclusions de la SCI Thermale de Divonne-les-Bains, ordonné une expertise aux fins de :

- répertorier les investissements réalisés par l'emphytéote et l'exploitant des thermes en exécution des stipulations contractuelles, visés par l'article 23.3 du bail emphytéotique administratif ;

- proposer une méthode d'évaluation de la valeur vénale des investissements ainsi recollés, puis de l'appliquer à chaque bien, à la date de résiliation effective du contrat, fin septembre 2020 ;

- identifier et évaluer, le cas échéant, les travaux de réfection de l'ouvrage qui seraient nécessités, fin septembre 2020, par un manque d'entretien de l'emphytéote.

Par ordonnance du 14 novembre 2022, MM. A... et Favre-Reguillon ont été désignés en qualité d'expert et par ordonnance du 24 mars 2023, MM. B... et D... ont été désignés en qualité de sapiteurs.

Le rapport d'expertise a été déposé au greffe de la cour, le 10 avril 2024.

Par mémoire enregistré le 29 avril 2024, la commune de Divonne-les-Bains persiste dans ses conclusions et demande, en outre, que la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains soient condamnées à lui verser la somme de 433 498,55 euros en indemnisation de la perte de valeur due au manque d'entretien du fonds donné à bail.

Elle fait valoir que :

- que la méthode de la valeur vénale doit donc être écartée des débats, faute de pouvoir aboutir à une évaluation ;

- l'indemnisation de l'emphytéote doit se faire en application des stipulations de l'article 23.3 du contrat, sur la base de la valeur nette comptable des investissements non amortis, réalisés et financés en exécution de l'article 11 ;

- les travaux de réfection de l'ouvrage qui ont été nécessités par un manque d'entretien de l'emphytéote et engagés par la ville au 30 septembre 2020 sont chiffrés à 502 244 euros ; cette somme doit s'imputer sur l'indemnisation de résiliation, d'où un solde débiteur de 433 498,55 euros.

Par mémoire enregistré le 17 mai 2024, la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains persistent dans leurs conclusions et soutiennent que :

- l'expertise n'a pas déterminé la valeur vénale des investissements, alors que cette mission figurait au nombre des questions posées aux experts ;

- l'article 23.3 du bail emphytéotique administratif limite les bases de liquidation de la valeur vénale aux seuls investissements réalisés par l'emphytéote en application des tranches 1 et 2 des travaux ; la totalité des investissements réalisés tant par l'emphytéote que par l'exploitant des thermes devaient dès lors être pris en compte pour le calcul de la valeur vénale soit la somme de 2 523 583 euros d'investissements réalisés, somme à laquelle aboutit l'expertise ;

- si la méthode de la valeur comptable nette devait être appliquée, la somme de 595 388 euros devrait être prise en compte en ce qu'elle inclut les travaux réalisés hors tranches 1 et 2 mais non contestés par la commune.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, le 2 juillet 2024, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la commune de Divonne-les-Bains tendant à la condamnation des requérantes à lui verser la somme de 433 498,55 euros, nouvelles en appel.

Par mémoire enregistré le 11 juillet 2024, la commune de Divonne-les-Bains acquiesce à l'irrecevabilité susceptible d'être relevée d'office.

Par mémoire enregistré le 12 juillet 2024, la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains acquiescent à l'irrecevabilité susceptible d'être relevée d'office.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz ;

- les conclusions de Mme C... ;

- et les observations de Me Cabanes pour la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains.

Considérant ce qui suit :

Sur le surplus de la demande d'indemnité de résiliation de la SCI Thermes de Divonne-les-Bains :

1. Aux termes de l'article 23.1 du bail emphytéotique administratif (BEA) conclu entre la commune de Divonne-les-Bains et la SCI Thermes de Divonne-les-Bains : " Le Bailleur aura la faculté de résilier (...) le présent contrat en cas d'inobservation grave (...) des clauses du présent contrat, à savoir (...) - si les travaux mentionnés à l'article 11 ne sont pas réalisés dans les délais (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 23.3 du même contrat : " Lorsque le contrat est résilié en application de l'article 23.1, les biens, aménagements et constructions font l'objet d'un retour immédiat au bailleur, avec versement à l'emphytéote d'une indemnité égale au montant le plus élevé des sommes suivantes : soit une somme égale à la valeur nette comptable non amortie des investissements réalisés et financés par l'emphytéote (lesquels sont mentionnés à l'article 11) déduction faite des amortissements et des provisions pour dépréciations déjà réalisés et figurant au bilan ; soit le remboursement du capital restant au titre des emprunts engagés par l'emphytéote et la société d'exploitation pour financer ses investissement, y compris les indemnités et pénalités dues pour leur remboursement anticipé ; soit une somme égale à la valeur vénale établie au prix du marché des investissements réalisés et financés par l'emphytéote et la société d'exploitation fixée, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert. / En cas de résiliation pour faute, l'indemnité prévue au présent article sera réduite de 15 % ".

2. Dès lors que ni l'emphytéote ni la société d'exploitation n'ont allégué avoir contracté d'emprunts pour financer leurs investissements, l'indemnité due par le bailleur en raison de la résiliation prononcée pour faute doit être égale, avant réfaction de 15 %, à la somme la plus élevée résultant de la comparaison entre la valeur nette comptable non amortie des investissements que l'article 11 du BEA obligeait l'emphytéote à financer, d'une part, et la valeur vénale établie au prix du marché des mêmes investissements, d'autre part. En outre, l'article 23.3 faisant expressément et exclusivement référence aux dépenses énumérées à l'article 11, l'indemnité de résiliation ne peut intégrer le montant des investissements consentis par l'emphytéote non définis à l'article 11. Il suit de là que, quelle que soit la méthode d'évaluation retenue, ne sauraient être intégrées à la liquidation de l'indemnité les dépenses dites hors tranches dont se prévaut la SCI Thermes de Divonne-les-Bains.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée avant-dire droit, qu'il n'existe pas de marché de l'occasion pour le matériel de thermalisme, le bienfondé de l'inventaire produit pour les besoins de la cause par la requérante de la valeur vénale des immobilisations n'ayant pu être vérifié contradictoirement au cours de la mesure d'instruction ordonnée avant-dire droit. En conséquence et d'une part, la SCI Thermes de Divonne-les-Bains n'est fondée à soutenir ni que la valeur vénale de ses investissements et de ceux de la société exploitante, qu'elle estime à 965 536 euros, devrait être retenue comme la méthode la plus avantageuse en vue du calcul de son indemnité, ni que les experts auraient incomplètement rempli leur mission en faisant le constat que la valeur qu'il leur était demandé de déterminer ne correspondait à aucune réalité économique.

4. En revanche, il résulte de l'exploitation des factures recueillies au cours de l'expertise et retraçant l'achat d'équipements ou la réalisation de travaux prévus par l'article 11 du BEA, que la valeur nette comptable de ces investissements s'établit, à fin septembre 2018, à 80 877 euros. Cette somme ne pouvant être comparée, ainsi qu'il est dit aux points 2 et 3, ni à des reliquats d'emprunt ni à une valeur nette d'usage, elle doit être retenue pour déterminer l'indemnité de résiliation qui, après application de la réfaction de 15 % prévue par le dernier alinéa de l'article 23.3, s'élève à 68'745,45 euros.

5. La commune de Divonne-les-Bains soutient, il est vrai, que l'emphytéote n'a pas entretenu normalement l'ouvrage pris à bail, ce que confirme l'expertise qui a chiffré le montant des travaux de remise en l'état à 502 244 euros. Si les conclusions présentées reconventionnellement par la commune, le 29 avril 2024, tendant à la condamnation de la SCI Thermes de Divonne-les-Bains au versement de la somme de 433 498,55 euros représentant le reliquat de moins-value après imputation de l'indemnité de résiliation doivent être rejetées comme nouvelles en appel, l'indemnité de résiliation et la moins-value représentant un défaut d'entretien fautif du fonds trouvent leur cause dans l'exécution du même contrat et ont vocation à se compenser.

6. En admettant, ainsi que le soutiennent les appelantes, que l'estimation de 502 244 euros fasse masse de travaux dont la réalisation aurait eu vocation à être étalée au cours de l'exécution du BEA, si elle s'était poursuivie, et que la totalité de cette somme ne puisse être regardée comme représentative du comportement fautif de l'emphytéote, elles n'établissent pas que les travaux d'entretien qui pouvaient être raisonnablement différés aboutiraient, une fois leur montant déduit, à réduire la moins-value à un montant inférieur à celui de l'indemnité de résiliation, dégageant ainsi un solde créditeur pour la SCI Thermes de Divonne-les-Bains. Enfin, la circonstance que la commune de Divonne-les-Bains ait entrepris de substituer aux thermes anciens un nouveau complexe est, en elle-même, sans incidence sur la perte de valeur du fonds résultant d'un manque d'entretien.

7. Il s'ensuit qu'à l'issue de la présente instance, l'emphytéote demeure débiteur envers le bailleur et que le surplus des conclusions de la requête, présentées par la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, doit être rejeté.

Sur la prise en charge des dépens de l'instance :

8. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires d'expertise, liquidés aux sommes de 10 180,92 euros TTC pour M. E..., expert, 17 949,98 euros pour M. A..., expert, 9 031,30 euros TTC pour M. D..., sapiteur, et 6 921,92 euros TTC pour M. B..., sapiteur, par ordonnance du 19 juin 2024, doivent être mis à la charge de la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, partie perdante.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées par la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, partie tenue aux dépens, et par la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains, parties perdantes, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Divonne-les-Bains.

DÉCIDE :

Article 1er : Le surplus des conclusions présentées par la SCI Thermes de Divonne-les-Bains, la SARL thermale de Divonne-les-Bains et la SA Compagnie européenne des bains est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Divonne-les-Bains sont rejetées.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés aux sommes de 10 180,92 euros TTC pour M. E..., expert, 17 949,98 euros pour M. A..., expert, 9 031,30 euros TTC pour M. D..., sapiteur, et 6 921,92 euros TTC pour M. B..., sapiteur, par ordonnance du 19 juin 2024, sont mis à la charge de la SCI Thermes de Divonne-les-Bains.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Thermes de Divonne-les-Bains, à la société anonyme à responsabilité limitée thermale de Divonne-les-Bains, à la société anonyme Compagnie européenne des bains et à la commune de Divonne-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le président, rapporteur,

Ph. ArbarétazLa présidente assesseure,

A. Evrard

La greffière,

N. Vanduynslaeger

La République mande et ordonne au préfet de l'Ain en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02538
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : CABANES & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;20ly02538 ?
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