Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Résidence Saint-Loup a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférent à la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2019 d'un montant de 668 242 euros et le remboursement du crédit d'impôt compétitivité emploi à hauteur de 190 709 euros au titre des années 2016 à 2018.
Par un jugement n° 2001261 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023 et des mémoires enregistrés les 17 novembre 2023, 2 février 2024 et 25 mars 2024, ce dernier non communiqué, l'association Résidence Saint-Loup, représentée par le cabinet Fidal, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférent à la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2019 d'un montant de 619 236 euros et du crédit d'impôt compétitivité emploi à hauteur de 190 709 euros au titre des années 2016 à 2018 ;
3°) à titre subsidiaire, si la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait pas être réalisée au titre de l'année 2016, de prononcer les restitutions en conséquence de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 527 952 euros au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2019 et du crédit d'impôt compétitivité emploi à hauteur de 190 709 euros au titre des années 2016 à 2018 ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, si la cour fixait la lucrativité fiscale de l'activité " hébergement et restauration " de l'EHPAD à une date postérieure au 1er janvier 2016, de réduire le montant de la restitution de taxe sur la valeur ajoutée et de crédit impôt compétitivité emploi à dure concurrence, et en ajustant le montant de la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur construction 2005 par année reportée ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont fait une application erronée des dispositions du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts et n'ont pas recherché si l'association pouvait être imposée sur le fondement du 4° b) de l'article 261 D du même code ;
- elle n'a pas eu communication de pièces de l'instruction justifiant les prix pratiqués par les entreprises commerciales intervenant dans le même secteur géographique au cours des années 2016 à 2019 alors que les premiers juges se sont fondés sur la comparaison des tarifs au cours de la période en litige, de sorte que le principe du débat contradictoire a été méconnu ;
- le jugement est également mal motivé s'agissant de l'appréciation au fond de la lucrativité de l'association en ce qu'il est procédé à une mauvaise application des textes et une mauvaise interprétation de la situation ;
- les premiers juges, en ne tirant aucune conséquence explicite du rappel statutaire de l'association, n'ont pas motivé leur jugement ;
- il n'est pas contesté qu'elle intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales ;
- il est dûment justifié qu'elle exerce son activité dans des conditions comparables à celles des entreprises commerciales, les besoins étant suffisamment satisfaits par le marché ;
- elle s'adresse à un public qui peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises fiscalisées, notamment en pratiquant des prix situés dans la fourchette du secteur concurrentiel fiscalisé et en ne modulant pas ses tarifs en fonction de la situation des bénéficiaires, tout en recourant à des méthodes commerciales comparables à celles des entreprises commerciales du secteur d'activité et géographique et en ayant la même visibilité à l'égard du public potentiel ;
- elle conteste la pertinence de la méthodologie comparative du marché retenu par l'administration, excluant les EHPAD fiscalisés autre que des sociétés commerciales et alors que le collège territorial de Lyon dans sa décision de rescrit du 2 novembre 2023 a validé le panel comparable des EPHAD fiscalisés du marché ;
- alors que la doctrine administrative BOI-SJ- RES-10-20-10 n° 200 prévoit qu'une décision d'admission de réclamation peut contenir une prise de position formelle, l'administration ne peut remettre en cause la prise de position formelle issue de sa décision du 20 mars 2020 de la soumettre aux impôts commerciaux à compter du 1er janvier 2016, ce que révèle le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à compter du 1er janvier 2016, sauf à remettre en question les principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d'une administration unique et indivisible ainsi qu'à méconnaître la garantie prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a d'ailleurs tranché en faveur de la lucrativité fiscale d'autres EHPAD associatifs, mutualistes et publics de l'Yonne ;
- ses demandes de remboursement de TVA et de CICE n'ayant pas été contestées ni dans leur principe, ni dans leur quantum par la partie adverse en première instance, elle maintient le chiffrage tel qu'il été exprimé dans sa réclamation contentieuse ;
- en réplique, s'agissant du montant de TVA à restituer, l'article 208-I de l'annexe II au code général des impôts n'étant pas opposable dans sa situation, elle maintient sa demande de restitution de TVA à hauteur de la somme de 616 236 euros au titre de la période en litige ;
- en tout état de cause, s'il est fait application de cet article, le point de départ du délai de réparation de l'omission de déclaration d'une TVA déductible ne pourrait pas lui être fixé à une date antérieure à la reconnaissance définitive de la lucrativité fiscale de l'association ;
- à titre subsidiaire, le délai de régularisation ne serait pas expiré au moins pour la demande relative à l'année 2017 et les années suivantes, de sorte qu'elle consentirait à réduire le montant de sa réclamation initiale à 527 952 euros ;
- en l'absence de contestation, la demande de restitution du CICE à hauteur de 190 709 euros au titre des années 2016 à 2018 doit être accueillie.
Par des mémoires, enregistrés le 19 octobre 2023, le 16 janvier 2024 et le 26 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, en cas de soumission de l'association aux impôts commerciaux, est irrecevable la demande de déduction de la TVA sur immobilisations acquises en 2016 pour 233 768 euros et la TVA déductible sur biens et services acquis en 2016 pour 70 123 euros et la TVA déductible sur immobilisations extension 2014-2015 pour 75 383 euros, en vertu de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, en cas de soumission de l'association aux impôts commerciaux, sur la TVA collectée, il conviendra de prendre en compte dans le calcul du crédit de TVA, la TVA collectée sur nuitée annexe et hébergement ;
Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu au 26 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Botté, représentant l'association Résidence Saint-Loup ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Résidence Saint-Loup, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à Brienon-sur-Armençon (Yonne) a présenté, le 20 novembre 2019, une réclamation tendant à l'assujettissement aux impôts commerciaux de son activité d'hébergement des personnes âgées dépendantes, avec effet rétroactif, en joignant des déclarations CA3 au titre d'une régularisation de droits déductibles dans laquelle figurait une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2019, une demande de restitution d'un crédit d'impôt compétitivité emploi au titre des années 2016 à 2018 et une demande de dégrèvement de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016 à 2018. Par une décision du 20 mars 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a prononcé le dégrèvement de la taxe sur les salaires établie au titre des années 2016 à 2018 et a rejeté les autres demandes de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférent à la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2019 d'un montant de 668 242 euros et de restitution du crédit d'impôt compétitivité emploi à hauteur de 190 709 euros au titre des années 2016 à 2018. L'association Résidence Saint-Loup relève appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de remboursement et de restitution de ces sommes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, l'association appelante ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont fait une application erronée des dispositions du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts et n'ont pas recherché si l'association pouvait être imposée sur le fondement du 4° b) de l'article 261 D du même code.
3. En deuxième lieu, le point n° 8 du jugement attaqué répond de façon suffisamment motivée au moyen soulevé par l'association requérante tiré de son assujettissement aux impôts commerciaux au regard des dispositions de l'article 261 du code général des impôts. La circonstance que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués au soutien de ce moyen, ne tire pas explicitement les conséquences de l'énonciation de l'objet statutaire de l'association, dans cette réponse, n'est par suite pas constitutif d'une irrégularité.
4. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas du dossier de première instance que les premiers juges se seraient fondés dans leur jugement sur des pièces justifiant les prix pratiqués par les entreprises commerciales intervenant dans le même secteur géographique au cours des années 2016 à 2019 qui n'auraient pas fait l'objet d'une communication préalable à chacune des parties. Dans ces conditions, alors que l'association appelante admet dans ses propres écritures que le tribunal administratif s'est référé au panel fourni par l'administration fiscale dans son mémoire en défense du 27 avril 2021, qui lui a été communiqué, et en l'absence de toute autre précision par la partie appelante sur celles des données à partir desquelles les premiers juges auraient fondé leur appréciation des faits sans les communiquer aux parties, le tribunal administratif n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle.
Sur l'assujettissement aux impôts commerciaux :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible :
5. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ". Aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261 du même code sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que les associations qui poursuivent un objet social ou philanthropique sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée lui est acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
8. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées (...) ". Aux termes de l'article L. 314-2 du même code, les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du même code " sont financés par : (...) 3° Des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixés par le président du conseil général, dans des conditions précisées par décret et opposables aux bénéficiaires de l'aide sociale accueillis dans des établissements habilités totalement ou partiellement à l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées (...) ".
9. Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui peuvent être exploités par des établissements publics, des établissements privés à but non lucratif ou des établissements privés à but lucratif, fournissent à leurs résidents des prestations de soins, d'assistance à la dépendance et d'hébergement, en ce compris notamment la restauration, l'animation et le blanchissage. Les prestations de soins sont, quel que soit le type d'établissement, prises en charge par l'assurance maladie. Les prestations d'assistance à la dépendance, dont le tarif est fixé par le président du conseil départemental quel que soit le type d'établissement, sont à la charge des résidents sous réserve de leurs droits à l'allocation personnalisée d'autonomie, en fonction de leur niveau de ressources et de dépendance. Les prestations d'hébergement sont à la charge des résidents sauf si, du fait de leur niveau de ressources, ils bénéficient pour tout ou partie de l'aide sociale à l'hébergement visée à l'article L. 234-1 du code de l'action sociale et des familles et, dans un tel cas, le tarif de l'hébergement est fixé par le président du conseil départemental.
10. En l'espèce, il est constant que l'association appelante est gérée de manière désintéressée et que les services qu'elle offre sont de même nature que ceux proposés par des entreprises commerciales dans la même zone géographique.
11. En revanche, l'association requérante ne conteste pas qu'elle accueille 20 % de résidents bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement, et que ses tarifs sont donc fixés par le président du conseil départemental. Si l'association soutient que les résidents en EHPAD peuvent être bénéficiaires d'autres aides financières qui doivent être déduites des prix réellement payés par ceux-ci, cette circonstance est sans incidence sur la possibilité, pour les établissements commerciaux n'accueillant pas ou peu de bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement, de fixer librement leurs prix, contrairement aux établissements qui, comme l'appelante voient leurs tarifs fixés par le président du conseil départemental. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'activité de l'association, qui dispose d'une chapelle au sein de l'établissement et dont les statuts indiquent qu'elle a notamment pour objet de " travailler dans un esprit chrétien en lien avec l'église catholique dans le diocèse de Sens-Auxerre. Maintenir et renforcer l'équilibre et une réelle continuité dans les relations entre les générations par les moyens définis ci-après : (...) / favoriser dans un but charitable le lien social, physique et matériel, porter assistance aux personnes âgées, leur rendre plus sereine cette époque difficile qu'est l'automne d'une vie par l'administration et l'exploitation de lieux de vie, de restauration et de soins destinés aux personnes âgées : religieuses ou laïques. (...) ", est orientée vers une déclinaison de valeurs religieuses et a fait l'objet d'un label Humanitude se traduisant par une philosophie de soin, et par un travail quotidien des professionnels en vue d'apporter du bien-être et de la bienveillance aux personnes accueillies en institution, qui ne concerne que trente établissements en France et recouvre une offre spécifique de services à la personne, s'agissant des soins et accompagnement et des équipements proposés. Ainsi, ces conditions de prestations sont de nature à caractériser la satisfaction d'un besoin insuffisamment pris en compte par le marché. S'agissant du prix, il ne résulte pas de l'instruction que le périmètre géographique de comparaison retenu de l'offre commerciale dans un rayon de trente kilomètres autour de la ville de Brienon-sur-Armançon par le service ne serait pas pertinent pour apprécier les prix du secteur concurrentiel en cohérence avec un échelon de bassin gérontologique dont dépend l'établissement de l'association appelante. A cet égard, il résulte également de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté, d'une part, que la stratégie économique de l'association au cours de la période en litige est marquée par des résultats déficitaires constants, soit 31 804 euros en 2016, 100 984 euros en 2017 et 135 400 euros en 2018, traduisant une politique tarifaire non orientée vers la profitabilité, et que, d'autre part, l'administration fiscale a relevé, sur la base d'une étude des prix en 2021 issue du site public librement accessibles aux parties " pour-les-personnes-agées.gouv.fr ", que la structure des prix pratiqués par l'association demeure inférieure à l'offre commerciale dans un rayon de trente kilomètres autour de la ville de Brienon-sur-Armançon, le prix mensuel pour une chambre simple et pour une chambre double dans la résidence de l'appelante étant fixé respectivement à 1 999,80 euros et à 1 815 euros, contre des prix mensuels fixés par des EHPAD privés commerciaux entre 2 282,10 euros et 2 648,40 euros et entre 1 982,10 euros à 2 213,40 euros. Si l'association appelante, qui ne conteste pas la réalité de ces chiffres du secteur commercial, oppose ses propres termes de comparaison issus des prix pratiqués en 2016 par les établissements publics, mutualistes ou les associations, elle n'apporte aucune précision sur les conditions dans lesquelles ces établissements exercent leurs propres activités et alors que la tarification mensuelle qu'elle pratique demeure à tout le moins modulée en fonction de la situation des bénéficiaires. En outre, la circonstance que les données de la politique tarifaire de l'association appelante utilisées par le service ne revêtent pas un caractère contemporain à la période en litige n'est pas de nature à remettre en cause leur pertinence, dès lors que ces écarts constatés en 2021 ne peuvent se démarquer sensiblement des prix pratiqués par l'association, eu égard aux résultats déficitaires constants enregistrés par l'association au cours de la période en litige et alors que son résultat comptable présente un solde positif de 247 506 euros pour l'exercice 2020. Par conséquent, les prestations offertes par l'association requérante durant la période en litige doivent être regardées, compte tenu notamment des prix pratiqués et de la modulation de ceux-ci en fonction de la situation des résidents, comme s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'association aurait eu recours à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre. Dans ces conditions, et eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, c'est à bon droit que l'administration a estimé que ladite activité de l'association était dépourvue de caractère lucratif au cours de la période au titre de laquelle elle a demandé à être assujettie aux impôts commerciaux et a considéré que l'association requérante devait être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période en litige.
12. Par ailleurs, si l'association appelante soutient que, fournissant des prestations para-hôtelières, elle peut être regardée comme également imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 4° b de l'article 261 D du code général des impôts, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard aux conditions dans lesquelles elle assure sa prestation, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, qu'elle se trouvait en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Par suite, ce moyen doit être écarté.
S'agissant de la demande de remboursement du crédit d'impôt compétitivité emploi :
13. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet (...) toutes (...) personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". Aux termes de l'article 244 quater C du même code : " I. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. (...) ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents du présent arrêt, l'activité de l'association requérante ne présentant pas de caractère lucratif, celle-ci ne pouvait être soumise à l'impôt sur les sociétés et ne pouvait ainsi prétendre à un remboursement de crédit d'impôt compétitivité emploi.
En ce qui concerne les prises de position formelle et l'application de la doctrine administrative :
15. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1°Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
16. Si l'association soutient, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que par délibération du 2 novembre 2023, le collège territorial du second examen de Lyon, sur sa demande de rescrit, a validé son assujettissement aux impôts commerciaux à compter de l'année 2023 et que, ce faisant, l'administration s'est prononcée sur son régime fiscal et a nécessairement validé celui pratiqué antérieurement, il résulte de l'instruction que la demande de rescrit portait sur ses nouvelles modalités d'exercice à compter de l'année 2023 et que l'administration s'est bornée à apprécier la situation de l'association en matière d'impôts commerciaux sur ladite période, sans prendre position sur sa situation au regard de ces mêmes impôts au cours de la période en litige. Par suite, cette saisine pour second examen ne concernant pas la situation fiscale de l'association antérieurement à l'année 2023, l'association requérante n'est fondée à se prévaloir d'une quelconque prise de position formelle de l'administration.
17. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 11 juillet 2019 adressé à l'administration fiscale, l'association Résidence Saint-Loup a souhaité assujettir ses activités aux impôts commerciaux à compter du 1er septembre 2019. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, par un courrier du 20 novembre 2019, l'association a présenté auprès du service une réclamation contentieuse réitérant son intention de soumettre aux impôts commerciaux l'activité d'hébergement des personnes âgées dépendantes avec effet rétroactif au 1er janvier 2016, et a demandé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et la restitution de l'excédent de taxe sur les salaires versé au titre des années 2016, 2017 et 2018. Par la décision du 20 mars 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a accepté partiellement la réclamation en dégrevant une partie de la taxe sur les salaires au titre des années 2019, 2017 et 2018, en accordant une taxe sur la valeur ajoutée nette de 2 977 euros, et a rejeté les autres demandes. Si l'association fait valoir que, par sa décision du 20 mars 2020 d'admission partielle, l'administration en considérant que son activité était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ce moyen ne peut toutefois qu'être écarté dès lors que les dispositions de l'article L. 80 B, lesquelles renvoient aux dispositions de l'article L. 80 A, ne valent que pour la contestation d'un rehaussement d'impositions antérieures, ce qui n'est pas le cas dans la présente espèce qui concerne un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée et d'un crédit d'impôt compétitivité emploi. En outre, eu égard à ces termes, qui ne revêtent pas une motivation explicite et sans ambiguïté sur la nature exacte de l'activité de la redevable, cette décision de l'administration qui se fonde exclusivement sur les déclarations de l'association laquelle estimait, dans sa réclamation du 22 novembre 2019, que son activité présente un caractère lucratif à compter du 1er janvier 2016 ne peut être regardée comme caractérisant l'appréciation d'une situation de fait qui engage l'administration. Aussi, l'association requérante ne saurait se prévaloir, en tout état de cause, de la prise de position formelle sur sa situation de fait exprimée par l'administration fiscale qui serait contenue dans la décision d'acceptation partielle de sa réclamation préalable. Par suite, l'association requérante ne saurait ainsi utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
18. Enfin, un contribuable ne pouvant pas utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A, de la doctrine administrative relative aux dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, l'association requérante ne saurait en tout état de cause utilement soutenir que la doctrine administrative BOI-SJ- RES-10-20-10 n° 200 prévoit qu'une décision d'admission de réclamation peut contenir une prise de position formelle.
19. Il résulte de tout ce qui précède que l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la partie appelante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Résidence Saint-Loup est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Résidence Saint-Loup et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY00110