Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
Par deux requêtes, M. C... et Mme D..., représentés par Me B..., ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du préfet de la Drôme du 16 mai 2022 refusant de leur délivrer un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer leur situation après délivrance d'autorisations provisoires de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat, dans chacune de ces deux affaires, la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par jugement nos 2302938-2302939 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces demandes, a fait droit aux demandes d'annulation et d'injonction en délivrance de titres, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 juillet 2023 et le 12 octobre 2023, Mme B... demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'en son article 3, il fixe à 1 500 euros la somme mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, outre le montant de la TVA afférente à cette somme, soit 1 542,24 euros, au titre des frais exposés en première instance, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, mettre à la charge de l'Etat une somme inférieure à 1 542,24 euros TTC, dès lors que la part contributive de l'Etat doit s'entendre hors TVA, que cette part contributive s'élevait à 504 euros HT pour chacune de ces deux affaires et que le montant attribué doit être majoré de la TVA ;
- la somme retenue par le juge doit, à défaut de précisions, s'entendre hors TVA, afin d'éviter une rupture d'égalité entre les avocats, selon qu'ils sont ou non assujettis à la TVA.
Par mémoires enregistrés le 11 septembre 2023 et le 23 octobre 2023, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- et les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les requêtes présentées, d'une part, par M. C... et, d'autre part, par Mme D..., a fait droit à leurs demandes d'annulation et d'injonction et a alloué, à l'article 3 de son jugement, à Me B..., leur avocate, une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il fixe cette somme et demande, dans le dernier état de ses écritures, que celle-ci soit fixée à 1 542,24 euros TTC.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation (...) ".
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle (...) perçoit une rétribution (...) Le montant de la dotation affecté à l'aide juridictionnelle résulte d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence. Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de cette unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2022, à 36 euros ". Aux termes de l'article 86 du décret du 28 décembre 2020 portant application de cette loi : " La contribution de l'Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale (...) est déterminée par le produit de l'unité de valeur prévue par la loi de finances (UV) et des coefficients, le cas échéant majorés, fixés dans les tableaux figurant en annexe I du présent décret et du taux d'admission à l'aide juridictionnelle (...) ".
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement-type annexé au décret du 10 octobre 1996 portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l'Etat aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d'aide juridictionnelle et pour l'aide à l'intervention de l'avocat prévue par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 : " Le montant de la rétribution due à l'avocat pour les missions d'aide juridictionnelle totale est fixé sur la base de l'une ou plusieurs des options suivantes : 1° Rétribution égale à la contribution de l'Etat (renvoi aux dispositions législatives et réglementaires applicables (...) / Dans tous les cas, il prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la T. V. A. ". Aux termes de l'article 21 du même règlement-type : " Chaque avocat fait connaître immédiatement à la Carpa tout changement de sa situation au regard de la T.V.A. et de son mode d'exercice ".
5. Enfin, en vertu de l'article 256 A du code général des impôts, sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités énumérées par cet article, au nombre desquelles figurent celles des professions libérales ou assimilées. Il résulte de l'article 293 B du code général des impôts que pour les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leurs professions, ceux-ci bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé un certain chiffre d'affaires l'année civile précédente.
6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le montant de la rétribution due à l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, qui est versée pour le compte de l'Etat par la caisse des règlements pécuniaires des avocats, prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, le montant de l'unité de valeur de référence pour la détermination de la part contributive de l'Etat au financement des missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en ce qu'elles prévoient que la somme que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, doivent s'entendre comme faisant référence au montant de la part contributive de l'Etat tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée. En revanche, cette somme peut être fixée par le juge sans référence à cette taxe, quel que soit le statut fiscal de l'avocat, lequel dépend uniquement de son chiffre d'affaires et de l'application de la franchise prévue par l'article 293 B du code général des impôts.
7. Il n'est pas contesté que la part contributive de l'Etat à laquelle Mme B... pouvait prétendre au titre de l'aide juridictionnelle pour les deux affaires jugées par le tribunal s'élevait à 856,80 euros HT, à raison de 14 UV de 36 euros HT par affaire et après application à la seconde de la réduction de 30 % prévue par l'article 92 du décret du 28 décembre 2020, compte tenu de l'objet similaire de ces deux affaires. La somme allouée en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui, après majoration de 50 %, ne pouvait être inférieure à 1 285,20 euros, a dès lors pu être fixée par les premiers juges à 1 500 euros, sans référence aux taxes applicables et sans qu'il y ait lieu pour la cour de l'augmenter à hauteur de la TVA, indépendamment du statut fiscal de la requérante.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fixé à 1 500 euros la somme qui lui est allouée en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés en appel par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02413