Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2007086 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 janvier et 26 octobre 2023, et 22 janvier 2024, M. B... C..., représenté par Me Morand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- concernant les frais de déplacement de l'année 2014, l'administration se limite à soutenir l'absence de justification du caractère professionnel des déplacements, sans établir qu'il s'agit de dépenses personnelles, ni le caractère excessif de sa rémunération ; elles constituent un supplément de rémunération qui ne peut être imposé sur le fondement des articles 109-1 2° et 111 c) du code général des impôts ; elles ont fait l'objet d'une comptabilisation explicite par D... en tant que frais de déplacement ;
- les revenus distribués de l'année 2015 résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de D... ne peuvent être imposés sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, et la substitution de l'article 109-1 1° à cet article le priverait d'un débat contradictoire ; le premier exercice social de D... s'est étendu du 31 janvier 2014 au 31 décembre 2015 ; la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2015 est sommaire et viciée ; l'administration ne prouve pas un désinvestissement de la part de D... ; il n'a pas été le seul maître de l'affaire au cours de l'exercice social s'étendant du 31 janvier 2014 au 31 décembre 2015 ;
- les revenus distribués, provenant de D..., au titre des années 2014 et 2015, doivent être regardés, pour leur assujettissement aux contributions sociales, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social, et cette part ne peut être recouvrée par l'administration fiscale ; en effet, il est associé à hauteur de 50 % des parts sociales de cette société, et il en est gérant majoritaire, dès lors que l'autre associé gère également l'entreprise et qu'ainsi, il existe une gérance collégiale majoritaire ; en outre, le capital social de D... est de 10 000 euros, et son compte courant d'associé a été soldé au 31 décembre 2014.
Par des mémoires, enregistrés les 7 août et 22 novembre 2023, et 5 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant des revenus distribués au titre de l'année 2014, il y a lieu de procéder à la substitution au c. de l'article 111 du code général des impôts, du 1° de l'article 109-1 du même code à titre subsidiaire, du 2° de l'article 109-1 du même code à titre très subsidiaire, ou de l'article 80 ter du même code à titre infiniment subsidiaire ;
- s'agissant des revenus distribués au titre de l'année 2015 résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de D..., le 1° de l'article 109-1 du code général des impôts doit être substitué au c. de l'article 111 du même code ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 29 janvier2024, a été reportée au 19 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Hakkar, représentant M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. D..., créée le 1er février 2014, qui avait pour activité la réalisation de travaux de maçonnerie et dont M. C... était le gérant, a fait l'objet, en 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a, d'une part, réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2014 de la société une charge de 15 000 euros comptabilisée comme se rapportant à des frais de voyages et, d'autre part, procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires et de son résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2015. L'administration en a tiré la conséquence sur l'imposition personnelle de M. C... en imposant, au titre des années 2014 et 2015, les distributions irrégulières correspondantes qu'elle a soumises à l'impôt sur le revenu entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Ces impositions, ainsi que les contributions sociales mises à la charge de l'intéressé, ont été établies sur le fondement de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-1° du livre des procédures fiscales pour l'année 2014 et sur le fondement de la procédure contradictoire pour l'année 2015. Elles ont été assorties, outre des intérêts de retard, de la majoration de 40 %, pour défaut de production de la déclaration d'ensemble des revenus dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, prévue au b. de l'article 1728-1 du code général des impôts, pour ce qui concerne les impositions de l'année 2014, et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue au a. de l'article 1729 du même code, pour ce qui concerne les impositions de l'année 2015. M. C... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur les distributions imposées au titre de l'année 2014 :
2. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". En application de ces dispositions, il incombe à M. C..., dès lors que les impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales établies au titre de l'année 2014, ont été établies d'office, d'apporter la preuve de leur caractère exagéré.
4. Il résulte des termes de la proposition de rectification adressée à M. C... que D... a comptabilisé, le 31 décembre 2014, au journal des opérations diverses, une somme de 15 000 euros en tant que frais de voyages et crédité du même montant le compte courant d'associé de l'intéressé, que la charge a été réintégrée dans le résultat de D... au motif qu'elle n'avait pas été exposée dans l'intérêt de l'exploitation et que l'écriture de compte courant avait pour objet de solder le compte qui était débiteur de 14 993,41 euros au 31 décembre 2014. Pour estimer que la charge, dont il a été indiqué au cours du contrôle qu'elle correspondait à des indemnités kilométriques versées au gérant pour des déplacements effectués avec son véhicule personnel, n'avait pas été exposée dans l'intérêt de l'exploitation, le vérificateur a relevé que la société n'avait pas été en mesure de justifier, au cours du contrôle, la réalité du kilométrage parcouru dans le cadre de son activité. Le requérant, qui supporte la charge de la preuve eu égard à la procédure d'office suivie pour établir les impositions, n'apporte aucune précision, ni justification sur le véhicule personnel qu'il aurait utilisé pour ces déplacements de nature à établir le caractère professionnel des frais en litige et n'a, en particulier, produit aucun certificat d'immatriculation à son nom. Au demeurant, la dépense en cause a été comptabilisée par D... comme des frais professionnels. Une telle comptabilisation, alors que la somme ne correspond pas à des déplacements professionnels effectués par M. C..., mais à des dépenses personnelles de l'intéressé, ne répond pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature, telle qu'elle résulte des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts. Par suite, la prise en charge de cette dépense par D... constitue un avantage occulte taxable entre les mains de M. C... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c. de l'article 111 du même code. Le moyen tiré de ce que la somme remboursée serait imposable dans la catégorie des traitements et salaires en tant qu'avantage en nature ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur les distributions imposées au titre de l'année 2015 :
5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II du même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ".
6. L'administration a imposé entre les mains de M. C..., au titre de l'année 2015 les omissions de recettes d'un montant de 175 485 euros mises en évidence par la reconstitution de recettes de D..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
7. Le ministre demande le maintien de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par substitution à la base légale initialement retenue des dispositions du 1° de l'article 109-1 du même code.
8. En premier lieu, aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe 2 du même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices sociaux visés par cette disposition sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date. Le principe d'annualité de l'impôt sur le revenu ne fait pas obstacle à l'application de cette règle, dès lors que ni l'administration ni le contribuable, qui est imposé sur la base de fonds sociaux qu'il a appréhendés, ne sont en mesure d'établir qu'il doit être procédé à la répartition de ces sommes en fonction de la date à laquelle le contribuable en a effectivement disposé.
9. S'il résulte de la date de constitution de D... et de l'article 6 de ses statuts que le premier exercice social devait s'étendre du 31 janvier 2014 au 31 décembre 2015, il ressort du procès-verbal des décisions de l'associé unique du 8 mars 2014, enregistré au greffe du tribunal de commerce de Grenoble, et de l'extrait Kbis du 30 juillet 2015, revêtu du cachet et de la signature du greffier du tribunal de commerce de Grenoble, produit par le ministre en appel, que la date de clôture du premier exercice social a été fixée au 31 décembre 2014. En outre, M. C... ne conteste pas que D... a télédéclaré, le 24 octobre 2015, une déclaration de résultat d'un montant de 11 324 euros portant sur la période du 1er février au 31 décembre 2014. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant l'appréhension du bénéfice par M. C... dans la limite de la somme réintégrée dans le résultat imposable de D..., et, par voie de conséquence, l'existence de distributions à hauteur de ce même bénéfice réintégré soit 175 485 euros au titre de l'année 2015.
10. En deuxième lieu, aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...).
11. Il résulte de l'instruction que D... n'ayant présenté aucune comptabilité pour l'exercice clos en 2015 au cours de la vérification de comptabilité, le vérificateur a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires à partir des encaissements clients constatés sur son compte bancaire ouvert auprès de la CRCAM Sud Rhône Alpes, des factures que la société a présentées au cours du contrôle et des règlements effectués par trois de ses clients au cours de l'exercice 2015 obtenus d'eux dans le cadre du droit de communication. L'administration a déterminé les charges, d'un montant de 104 179 euros HT, en retenant les factures d'achats produites lors de la vérification de comptabilité. Si M. C... soutient que cette méthode de reconstitution, fondée sur les encaissements, est radicalement viciée dans son principe dès lors que l'activité de la société exigeait, en application du 2 bis de l'article 38 précité, une comptabilisation pour chaque exercice concerné des seules créances acquises, il est constant que, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par l'absence de tout élément comptable mis à la disposition du vérificateur au cours des opérations de contrôle, ce dernier ne pouvait respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, ni procéder à des ajustements extra-comptables permettant de se rapprocher des règles ainsi fixées, M. C... n'apportant de son côté, aucune critique précise du montant de recettes de 254 102 euros retenu par l'administration, le ministre doit être regardé comme justifiant que le vérificateur a pris en considération les prestations facturées et achevées au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2015. Par suite, le moyen tiré du caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution du bénéfice employée par l'administration doit être écarté.
12. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit, D... n'a pas présenté de comptabilité pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 lors de la vérification de comptabilité, ni n'a d'ailleurs souscrit de déclaration de résultat 2065 pour cet exercice. En se bornant à relever que l'administration ne rapporte pas la preuve du " désinvestissement réel " du bénéfice alors que le bénéfice dégagé au cours de l'exercice précité n'a pu être mis en réserve ou incorporé au capital de la société, M. C... ne critique pas utilement la base légale proposée par l'administration.
13. En quatrième et dernier lieu, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. La qualité de seul maître de l'affaire suffit à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.
14. Il résulte de l'instruction que M. C... était le gérant de D... et détenait la moitié des parts sociales de la société au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2015. Il résulte du droit de communication exercé par l'administration auprès de la banque, CRCAM Sud Rhône Alpes, de D..., que l'intéressé était le seul détenteur de la signature sur le compte bancaire, qu'il n'existait pas de procuration sur ce compte et qu'un contrat de carte bancaire a été établi, le 13 novembre 2015, à son seul nom. Au demeurant, il résulte de la proposition de rectification adressée à D... que l'autre associé, le père du requérant, qui était domicilié en Roumanie, n'a jamais perçu de salaires de la société au sein de laquelle il ne disposait pas d'un compte courant d'associé. Dans ces conditions, M. C..., qui disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, en était le seul maître de l'affaire. Par suite, M. C... est présumé avoir appréhendé les distributions émanant de D... en 2015.
15. Il suit de là que l'existence et le montant des recettes non déclarées par D... sont établis et que, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, ne sont pas demeurées investies dans la société, elles sont ainsi constitutives de distributions consenties par cette dernière, imposables sur le fondement du 1° de l'article 109-1 entre les mains de M. C... en sa qualité de maître de l'affaire. Celui-ci n'a été privé d'aucune garantie, en l'absence de nécessité de lui adresser une nouvelle proposition de rectification afin de lui permettre de produire des observations relativement au désinvestissement du bénéfice dégagé par D.... Par suite, la demande de substitution de base légale du ministre doit être accueillie.
Sur les contributions sociales :
16. Aux termes de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 11 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de sécurité sociale, applicable aux revenus distribués ou payés à compter du 1er janvier 2013 : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié (...) Est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés et des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du présent alinéa ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant (...) ". Aux termes de l'article L. 136-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis à la contribution les revenus professionnels des travailleurs indépendants au sens de l'article L. 242-11. La contribution est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6 (...) ". Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement les articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs à la contribution sociale généralisée, aux prélèvements sociaux et à la contribution au remboursement de la dette sociale : " I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers ; (...) III.- La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I à II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article R. 131-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 131-6 : 1° Les apports retenus pour la détermination du capital social sont les apports en numéraire intégralement libérés et les apports en nature à l'exclusion de ceux constitués par des biens incorporels qui n'ont fait l'objet ni d'une transaction préalable en numéraire ni d'une évaluation par un commissaire aux apports ; 2° Les sommes versées en compte courant correspondent au solde moyen annuel du compte courant d'associé. Ce solde moyen annuel est égal à la somme des soldes moyens du compte courant de chaque mois divisé par le nombre de mois compris dans l'exercice ; 3° Le montant du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant d'associé est apprécié au dernier jour de l'exercice précédant la distribution des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts et le versement des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code ".
17. Il résulte de ces dispositions que, si les revenus distribués ont en principe le caractère de revenus des capitaux mobiliers passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, la part de ces revenus perçue par le gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, relevant en cette qualité du régime des travailleurs non-salariés non agricoles, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés, doit être regardée, pour son assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d'émission ainsi que des sommes versées en compte courant. Cette fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité, elle ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine.
18. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2013, que les revenus distribués à M. C..., provenant de D... au titre des années 2014 et 2015, doivent être regardés, pour leur assujettissement aux contributions sociales, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social déterminé à partir des apports en numéraire intégralement libérés, ainsi que des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus par M. C....
19. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
20. M. C... fait valoir que la fraction des revenus distribués au titre des années 2014 et 2015 excédant 10 % du capital social de D... n'était pas passible des contributions sociales assises sur les revenus du patrimoine. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que M. C... et son père sont devenus associés, à hauteur chacun de 50 % des parts sociales de D... à compter du 8 mars 2014, et que M. C... en est devenu le seul gérant à partir du 7 mars 2014 après une brève période de co-gérance, il ne résulte d'aucune pièce du dossier, qu'à la date de clôture des exercices d'imposition en cause, l'autre associé, son père, aurait également exercé les fonctions de gérant de la société. Au demeurant, si M. C... justifie du montant du capital social de D..., la seule circonstance que le compte courant d'associé ouvert à son nom était débiteur de 14 993,41 euros au 31 décembre 2014 avant le crédit du montant de 15 000 euros à la même date, ne suffit pas à établir les soldes moyens de ce compte courant de chaque mois de l'exercice 2014. Le requérant n'apporte aucune précision, ni justification sur la situation de son compte courant au titre de l'exercice 2015. Dans ces conditions, M. C... ne démontre pas, en tout état de cause, que le montant de l'assiette des contributions sociales sur les revenus du patrimoine auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 aurait excédé le seuil de 10 % visé par les dispositions précitées de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.
21. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les demandes de substitution de base légale présentées à titre subsidiaire par le ministre en ce qui concerne l'imposition des revenus distribués de l'année 2014, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY00069